Est-ce qu’on parle trop (tout le temps) de la COVID-19?
Gabriel Ouimet
Depuis le début de la pandémie, on est inondés d’informations sur le virus. On reçoit des alertes sur nos téléphones avec le nombre de cas détectés chaque jour, on est toujours à l’affût de la prochaine vague, on se fait présenter chaque variant repéré sur la planète... ça peut être épuisant. Va-t-on continuer comme ça indéfiniment?
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Que ça nous plaise ou pas, il va continuer d’y avoir des nouvelles concernant la COVID-19 au Québec pendant encore un moment. Mais au moment où nous sommes de plus en plus appelés à «vivre avec le virus», il faut se demander : comment faire pour que l’information transmise conserve son utilité sans être angoissante? Des experts font le point.
Le virologue Benoît Barbeau estime qu’il est peut-être temps de changer la façon de communiquer les informations sur le virus.
Par exemple, on n’a peut-être pas besoin de numéroter chaque vague pour parler des périodes où il y a une hausse de cas: ça donne l’impression qu’on est sur le point de se faire submerger alors que ce n’est pas nécessairement le cas.
«À moins d’un revirement de situation, il y aura un septième, huitième, neuvième vague... La question importante, c’est de savoir à quel point elles seront graves et de communiquer l’essentiel pour que les gens se rappellent que nous sommes encore en pandémie, et qu’ils continuent d’adhérer aux mesures de la santé publique. Si on veut apprendre à vivre avec le virus, je ne crois pas que les gens aient vraiment besoin de connaître absolument tous les détails en continu», soutient-il.
Il rappelle d’ailleurs que le Québec vit fréquemment des «vagues» associés à d’autres virus comme celui de la grippe, ou du rhume commun, qui ne sont pas nommées comme telles. Et pour lesquelles on ne reçoit pas d’alertes liées au nombre de cas sur nos téléphones, par exemple.
«Ce sont des virus qui sont plus présents lors de périodes précises, comme en période hivernale. On ne fait pas des suivis très stricts de ces virus, contrairement à ce qu’on a vu avec la COVID-19. Je crois qu’on pourrait éventuellement se diriger vers une communication semblable. La transition va prendre un petit moment à s’opérer, mais c’est important de commencer à y penser », illustre Benoît Barbeau.
Variants
Pas besoin non plus de savoir qu’un nouveau variant vient d’être détecté ailleurs, surtout si on ne croit pas qu’il ait des particularités que le rendent plus dangereux, selon le virologue.
«On avait entendu parler d’un variant du Vietnam qui finalement n’a pas eu trop d’impact ici. Bêta et Gamma ont fait quelques soubresauts au Canada, mais rien de plus. Ces variants-là vont continuer de se développer en nombre important, donc il faut faire le tri et choisir l’information qui est réellement importante », estime-t-il.
Refaire le plein d’énergie
La psychologue clinicienne Geneviève Beaulieu-Pelletier indique par ailleurs qu’il y a des conséquences psychologiques réelles à recevoir ce genre d’information en continu.
«Le fait de continuer à parler d’une nouvelle vague qui s’en vient et de la nommer comme telle, en insistant beaucoup là-dessus, pour certains ça peut nettement augmenter l’anxiété», explique-t-elle.
Mais ce n’est pas le point le plus important, insiste la psychologue.
«Je crois que ce qui est encore plus grave, c’est que de marteler ce genre d’information peut avoir un effet nuisible: à force d’être bombardés les gens en viennent à amenuiser l’importance du virus et à abandonner les gestes barrières importants», analyse-t-elle.
Ainsi, quand la situation épidémiologique se stabilise et que le gouvernement donne plus d’espace aux citoyens, comme c’est habituellement le cas pendant l’été, mieux vaudrait recevoir moins d’information sur la COVID-19.
«On pourrait parler d’une augmentation des cas sans parler de vague. Ça permettrait aux gens de refaire le plein d’énergie psychologiquement parlant et d’être conscient de l’importance du message si la situation dégringolait à l’automne ou l’hiver. Tout est une question d’équilibre, parce que les gens sont fatigués et c’est très difficile de demeurer en état d’alerte à répétition aussi longtemps», conclut-elle.