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L'article provient de TVA Nouvelles
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Guerre en Ukraine: comment définir un crime de guerre?

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Julien Corona | Journal de Montréal

2022-03-01T23:00:00Z
2022-03-02T00:11:09Z
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Les combats entre l’Ukraine et la Russie s’intensifient. Cette dernière fin de semaine, des bâtiments civils ukrainiens ont même été touchés par l’armée russe.  

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Cette stratégie, déjà mise au banc des accusés lors des dernières «opérations militaires spéciales» russes en Syrie, en Géorgie et en Tchétchénie, soulève la problématique du droit de la guerre et des crimes de guerre. 

Au sens du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, on entend par crimes de guerre «des violations graves du droit international humanitaire commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis à l’occasion d’un conflit armé international ou interne».  

Ces violations entraînent la responsabilité pénale de leurs auteurs.  

Ces crimes sont aussi définis à l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et font partie, avec les crimes contre l’humanité et le crime de génocide, de crimes internationaux.  

Le bâtiment de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas.
Le bâtiment de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. AFP

Chaque État peut aussi déférer les auteurs présumés de ces crimes devant son propre tribunal. 

Si le but d’une armée avec des visées d’occupations et de changement de régime peut être de saper le moral de la défense et de la population, les plus récentes exactions russes dépassent-elles ce qui est permis en droit international?

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Les Conventions de Genève et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale  

Les Conventions de Genève, comme le rappelle le site de la Croix-Rouge internationale, forment la pierre angulaire de ce que l’on appelle le droit international humanitaire. Elles régissent la conduite lors de conflits armés et visent à limiter au maximum les conséquences de ces guerres sur les États et leurs populations. 

Si le droit international est souvent critiqué pour n’être que peu appliqué, ce pan-ci connaît moins cette critique grâce aux nombreux mécanismes coercitifs quant au non-respect de ses dispositions. 

Quatre conventions, signées le 12 août 1949 et entrées en vigueur le 21 octobre 1950, forment le corpus principal de ce droit: la première Convention de Genève protège les soldats blessés ou malades sur terre en temps de guerre; la seconde, les soldats blessés, malades ou naufragés en mer; la troisième s’applique aux prisonniers de guerre; et la quatrième assure la protection des populations civiles, notamment en territoire occupé. 

Écoutez l'entrevue de Danny St Pierre avec Frédéric Mégret, professeur à la Faculté de droit de l’Université McGill, sur QUB radio:  

Autour de ces textes existent de nombreuses règles coutumières, mais aussi différents protocoles additionnels. Le plus intéressant est, dans le cadre de cette agression militaire et du comportement de l’occupant envers les populations civiles, le premier protocole (protocole I) additionnel aux Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. 

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Un autre texte important est le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de justice. Il définit les crimes internationaux sur lesquels la Cour a compétence, dont les «crimes de guerre», s’ils sont commis sur le territoire d’un État parti ou par l’un de ses ressortissants. Le Conseil de sécurité de l’ONU peut aussi lui donner compétence pour ces crimes si la Cour ne l'avait pas au départ. 

Quelques dispositions importantes   

Tout d’abord, il est extrêmement important de considérer que l’entrée des forces russes sur le territoire ukrainien transforme ces dernières en puissance occupante (article 2 de la 4e Convention de Genève).

Selon les lois de la guerre et le droit international humanitaire, les attaques doivent être limitées et ne viser que des objectifs militaires (article 48 du premier protocole additionnel de 1977). 

Comme le rappelle l’ONG Human Rights Watch, le droit international impose le devoir aux parties de faire à tout moment la distinction entre parties civiles et militaires. Néanmoins, ces parties civiles peuvent perdre leur immunité en s’associant directement aux hostilités et à la cible (article 51 al. 3 du premier protocole additionnel de 1977). 

Néanmoins, ces exceptions sont très surveillées. 

Le droit international humanitaire protège aussi les biens de caractère civil (article 52 du premier protocole additionnel de 1977). Ces biens sont, par exemple, les maisons, les appartements, les commerces et les lieux de cultes.  

Si ces derniers sont utilisés à des fins militaires, ces biens perdent leur immunité. Les hôpitaux sont aussi concernés par cette provision. Les preuves avancées doivent toutefois être fortes pour la justifier.

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Les attaques directes contre ces cibles sont donc interdites. Les attaques sans discrimination, sans ciblage et les frappes indistinctes sont aussi interdites (article 51 al. 4 du premier protocole additionnel de 1977).  

De la sorte, les bombardements de zone ou l’utilisation de zones ne pouvant permettre le plein ciblage, par exemple avec certains missiles à sous-munition ou à effets incandescents, peuvent être prohibés. Les attaques disproportionnées sont aussi interdites.

Possibles «crimes de guerre»?  

L'Ukraine accuse la Russie d'avoir perpétré des «crimes de guerre» et demande une enquête de l'ONU. Le Canada fera une demande similaire auprès de la Cour pénale internationale, qui, elle, demandera l'ouverture d'une enquête pour «crimes de guerre» afin d'analyser les actions russes en territoire ukrainien.

Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a pour sa part affirmé que «les crimes russes augmentent chaque heure en Ukraine» et a demandé que les coupables soient tenus responsables.

Les récents événements nous offrent quelques exemples de ce qui pourrait constituer un «crime de guerre», en fonction des paramètres établis précédemment.     

  • Le bombardement massif de Kharkiv le 28 février, en zone civile, avec l’aide de bombes à sous-munitions.   
  • Durant les derniers jours, de nombreuses habitations civiles ont été touchées par des roquettes et des missiles, alors que ces dernières ne constituent aucunement des cibles militaires.    

Si des excuses attribuées aux systèmes de guidage des missiles ont pu être produites, le droit international demande que tout soit fait pour empêcher la survenance et la répétition de ces actes. 

Or, ces incidents se sont reproduits.

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Les effets d'un tel bombardement, au-delà de sa désignation comme objectif militaire ou pas, pourraient affecter l'enjeu de la protection des populations civiles (articles 54 et 55 du premier protocole additionnel de 1977).

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