Combien les femmes doivent-elles payer pour la contraception?
Andrea Lubeck
Québec solidaire propose de rendre toutes les méthodes de contraception hormonales gratuites, en plus d’améliorer l’accessibilité aux méthodes barrières comme le condom. Pour l’État, ça se ferait pratiquement à coût nul, selon le parti. Mais pour les Québécoises, qu’est-ce que ça représente chaque année? On a fait le calcul.
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Un frein financier pour plusieurs
«De nos jours, tout coûte plus cher et il faut à tout prix éviter que des gens aient à couper dans la contraception. Personne ne devrait avoir à choisir entre la contraception ou un autre besoin de base», a indiqué la porte-parole du parti, Manon Massé, dans un communiqué.
Car pour certaines femmes, le coût de la contraception représente en effet un frein, confirme Geneviève Landry, directrice clinique au Centre de santé des femmes de Montréal.
«Ça peut causer problème à certaines femmes de devoir débourser un montant mensuel pour la contraception, relate-t-elle. Mais son coût intervient aussi dans le choix de la méthode, comme il y en a certaines plus dispendieuses que d’autres.»
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Elle cite notamment le stérilet, pour lequel il faut débourser jusqu’à 400$ d’un coup, selon le type de stérilet choisi. «Ce n’est pas évident pour celles qui opteraient pour cette méthode, mais qui, face au montant à débourser, vont préférer s’abstenir ou choisir une autre méthode», fait-elle valoir.
Une proposition peu coûteuse pour l’État
Selon la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, dont Québec solidaire dit s’inspirer pour sa proposition, les coûts pour les soins liés aux grossesses non désirées s’élèvent à 70,6 millions de dollars annuellement au Québec. La gratuité de la contraception engendrerait donc suffisamment d’économies pour que la mesure soit à coût nul, estime le parti.
Le Québec est d’ailleurs la province où on fait le plus d’interruptions volontaires de grossesse. En 2020 seulement, 21 815 avortements ont été réalisés, soit près de 30% de toutes les interventions au pays, selon des données compilées par la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada.
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«Comme dans tout problème de santé, c’est toujours plus rentable d’intervenir en prévention, tant financièrement qu’au niveau de la société», affirme la directrice clinique.
Par ailleurs, un avortement est un processus difficile que traversent les femmes qui choisissent d’interrompre une grossesse non désirée, ce que permettrait d’éviter une meilleure accessibilité à la contraception, ajoute-t-elle.
Liberté de choix
Mais c’est aussi important de rendre la contraception gratuite pour donner aux femmes le pouvoir de choisir si et quand elles veulent avoir un enfant, soutient Geneviève Landry. Un point qu’a également souligné Manon Massé dans son annonce.
«Je regarde ça et je me dis qu'on ne doit céder aucun pouce, au contraire, on doit continuer d'avancer pour permettre aux femmes d'être en plein contrôle de leur vie, de décider si et quand elles veulent des enfants», a-t-elle déclaré.
Sans oublier que la femme porte la plupart du temps le poids de la responsabilité de la contraception.
«C’est la femme qui tombe enceinte et qui doit gérer la grossesse, désirée ou non. Mais l’homme intervient aussi; une femme ne peut pas tomber enceinte toute seule. C’est tout de même elle qui, souvent, assume les frais et doit gérer la méthode contraceptive», indique Geneviève Landry.
Combien ça coûte?
Pilule contraceptive: 16 à 18$ par mois; 192$ à 216$ par année.
Stérilet avec hormone: 320 à 400$, à débourser une fois tous les 3 à 5 ans.
Stérilet en cuivre: 90$ à 200$, à débourser une fois tous les 5 à 10 ans.
Injection (Depo-Provera): 40$, à débourser tous les 3 mois; 160$ par année.
Timbre contraceptif: 24$ par mois; 288$ par année.
Implant sous-cutané: 285$, à débourser tous les 3 ans.
Anneau vaginal: 22$ par mois; 264$ par année.
Source: Fédération du Québec pour le planning des naissances
Les prix peuvent varier en fonction de la clinique ou de la pharmacie où l'on se procure la contraception.
Qu’est-ce qui se fait ailleurs?
En France, la contraception hormonale est désormais gratuite jusqu’à l’âge de 25 ans, une mesure entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Le ministre de la Santé Olivier Véran a dit vouloir étendre cette disposition, déjà offerte aux mineures, puisque la contraception est en «recul» et que «le premier motif, c’est le renoncement pour des raisons financières».
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Au Québec, la plupart des méthodes de contraception sont gratuites pour les personnes de moins de 18 ans, les étudiantes à temps plein jusqu’à 25 ans et les personnes recevant de l’aide sociale. Plusieurs sont couvertes par les régimes d’assurances privés ou la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Avec cette dernière, il faut cependant payer une franchise mensuelle de 22,25$ pour les médicaments.
À l'heure actuelle, aucun autre pays n’offre la contraception gratuitement aux femmes de tous âges.
«Je serais vraiment fière que le Québec soit le premier à instaurer une telle politique. Ça s’inscrit vraiment dans le droit d’accès à la santé universelle, ce dont on est loin actuellement en matière de contraception», fait valoir Geneviève Landry.
– Avec l’AFP
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