Civils palestiniens et israéliens, enjeu d'accusations réciproques de crimes de guerre
Par Patrick ANIDJAR | AFP
Entre les accusations réciproques de crimes de guerre, civils palestiniens et israéliens sont au cœur du conflit déclenché le 7 octobre par l'attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas sur le sol israélien.
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Depuis treize jours, le mouvement islamique a tiré plus de 6 300 roquettes contre des localités en Israël, selon le décompte de l'armée israélienne; de son côté, celle-ci bombarde nuit et jour la bande de Gaza, petit territoire de 2,4 millions d'habitants.
Plus de 1 400 personnes ont été tuées sur le territoire israélien par les hommes du Hamas depuis le 7 octobre, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations au premier jour de l'attaque des combattants du mouvement islamiste palestinien menée à partir de Gaza, selon les autorités israéliennes.
Dans la bande de Gaza, environ 3 500 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans les bombardements incessants menés en représailles par l'armée israélienne, selon un dernier bilan des autorités locales.
«Les civils en paient le prix»
«Lorsque des centrales électriques, des barrages, des hôpitaux et des zones densément peuplées sont bombardés, lorsque des festivals et des fermes sont pris d'assaut, ce sont les civils qui en paient le prix», écrit Birgit Schwarz, directrice adjointe de la communication de l'ONG Human Rights Watch en soulignant que «si un camp commet des crimes de guerre, cela ne signifie pas que l'autre camp peut en faire autant».
«À supposer que nous ayons des éléments tangibles montrant que le Hamas empêche sa population de se protéger, cela sera considéré comme un crime de guerre. Mais si l'armée israélienne tire sur cette même population, ce sera aussi considéré comme un crime de guerre», explique à l'AFP Céline Bardet, juriste spécialiste des crimes de guerre.
La population comme bouclier humain
Israël affirme que le Hamas palestinien se cache derrière la population de la bande de Gaza et l'empêche de fuir vers le sud du territoire comme l'a demandé l'armée israélienne. A quoi le mouvement islamiste rétorque que les Israéliens visent des civils, et menace d'exécuter en représailles des otages parmi les 203 enlevés en Israël, selon un bilan légèrement revu à la hausse jeudi.
Selon le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, «chaque jour» le Hamas «commet un double crime de guerre en ciblant nos civils tout en se cachant derrière les (siens), en s'immisçant dans la population civile et en l'utilisant comme bouclier humain».
Le recours à des boucliers humains «est un mensonge pur et simple, une affabulation sioniste que nous avons l'habitude d'entendre pour justifier les massacres contre les civils, dont le dernier en date est le massacre à l'hôpital al-Ahli», a déclaré le directeur du bureau des médias du gouvernement dirigé par le Hamas, Salameh Maarouf.
Le mouvement islamiste a imputé la responsabilité de cette explosion à l'armée israélienne, ce que celle-ci dément, invoquant un échec de tir de roquette, une thèse officiellement confortée par les États-Unis.
Le Hamas affirme en outre que des Palestiniens qui tentaient de fuir vers le sud à travers une zone que l'armée israélienne avait présentée comme sécurisée, ont été tués dans des frappes israéliennes.
«Tout le monde est perdant»
«C'est une situation où tout le monde est perdant», estime Céline Bardet en rappelant que le bouclier humain - «autrement dit le fait de prendre des civils consentants ou non et les mettre en situation où ils risquent de devenir de la chair à canon» - est considéré «comme une arme et est condamné dans la règle coutumière du droit humanitaire» par le Tribunal pénal international. De même, ajoute-t-elle, «la prise d'otages est un crime de guerre» et «si ces otages sont utilisés comme boucliers humains, c'est un autre crime de guerre».
«Même les guerres ont des règles», a lancé vendredi dernier le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Pour Bruno Clermont, consultant en défense à Paris, il ne fait pas de doute que «les otages sont des boucliers humains potentiels et que l'armement du Hamas est visible en surface, dans des mosquées, des écoles et des hôpitaux». Dans un entretien avec l'AFP, il rappelle qu'Israël a demandé l'évacuation du nord de Gaza. «Mais en réaction, affirme-t-il, le Hamas a posé des blocs de béton et mis des camions en travers, afin d'empêcher ce mouvement vers le sud».
Ce que dément le mouvement islamiste qui dénonce de son côté le bombardement de civils fuyant.
Pour le général français en réserve d'activité, Patrick Lefebvre, membre de la direction de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques, «une opération terrestre israélienne ne peut donc que mal finir à cause des civils qui vont mourir, et que le Hamas va exploiter pour montrer qu'Israël tue des innocents».