Cinémas freinés dans leur élan
Maxime Demers | Journal de Montréal
Le milieu du cinéma québécois est dévasté par l’annonce de la fermeture des salles à un moment où l’achalandage dans les cinémas de la province revenait à des niveaux prépandémiques. « On se fait couper l’herbe sous le pied », déplorent les propriétaires de cinémas.
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Comble de l’ironie : c’est après avoir connu leur week-end le plus lucratif aux guichets en près de deux ans que les exploitants de salles ont appris qu’ils devaient fermer leurs portes lundi pour une période indéterminée. Sorti vendredi passé, le nouveau film de la saga Spider-Man a enregistré un départ canon, récoltant plus de 2,5 M$ au box-office québécois : un sommet depuis le début de la pandémie. « On a travaillé très fort pour faire revenir le public dans les salles, et là, on est coupés dans notre élan », se désole le coprésident de l’Association des cinémas du Québec, Éric Bouchard.
« Depuis la réouverture des salles, en février dernier, on était toujours en croissance lente, mais constante. Ça nous prenait juste un gros film pour que les gens se disent : “Wow, là, on y va.” C’est ce qui est arrivé en fin de semaine avec Spider-Man. Les résultats de la fin de semaine nous permettaient de rêver à une excellente période des Fêtes. Mais là, pouf ! on doit tout arrêter. C’est catastrophique. »
Fidèle à sa réputation, le président des Cinémas Guzzo, Vincent Guzzo, fulminait après l’annonce de lundi, critiquant (encore) l’absence de clarté du gouvernement Legault.
« C’est de l’amateurisme total, tonne-t-il. On ne sait même pas pour combien de temps on est fermés. Moi, il faut que je réponde à des banquiers maintenant. Est-ce que je leur dis que je suis fermé pendant deux semaines ? Un mois ? Huit mois ? Et qu’est-ce que je dis à mes employés ? En plus, je viens d’ouvrir un nouveau cinéma. C’est le bordel complet. Ça ne fait pas de sens. C’est de l’incohérence totale. »
Robin Plamondon, directeur général du cinéma Le Clap, à Québec, s’est permis de lancer une flèche à François Legault : « Je me demande où est notre premier ministre aujourd’hui. C’est une information qui aurait dû être annoncée par lui. C’est quand même majeur, ce sont des milliers d’employés du domaine de la culture qui se ramassent au chômage à deux jours de Noël. Ça méritait la présence de la personne la plus en autorité au Québec. »
Des pertes sèches
Cette nouvelle fermeture des salles affecte aussi les distributeurs qui avaient choisi de lancer de nouveaux films pour la période des Fêtes. C’est le cas notamment de Christian Larouche, qui avait dépensé quelques centaines de milliers de dollars pour orchestrer la campagne de promotion de la comédie Au revoir le bonheur, sortie en salle vendredi.
« C’est un coup de massue, laisse tomber M. Larouche. Après seulement trois jours et demi, je suis obligé de retirer mon film des écrans. Les montants que j’ai dépensés pour la promotion, c’est de l’argent que je ne reverrais plus. Je me rassure en me disant que la même chose est arrivée à La déesse des mouches à feu l’an passé et que le film avait été relancé avec succès quand les cinémas ont rouvert quelques mois plus tard. »
Le milieu se croise d’ailleurs les doigts pour que cette nouvelle fermeture ne dure pas aussi longtemps que les précédentes. Pendant la deuxième vague, à l’automne 2020, les cinémas de Montréal et Québec étaient restés fermés pendant cinq mois.
« On ne sait pas c’est pour combien de temps, mais on s’est fait dire que c’était au moins jusqu’au 10 janvier, glisse Éric Bouchard. Heureusement, le gouvernement a mentionné qu’il allait nous aider. On est contents d’apprendre cela parce que cette fermeture est un autre dur coup à encaisser. »