Christian Bégin a ce regret bien précis concernant son récent spectacle
Jean-François Brassard
Au cours des derniers mois, coup sur coup, Christian Bégin a vécu deux épisodes difficiles: un sur le plan professionnel, l’autre sur le plan personnel. Les défis auxquels il a été confronté ont amené l’homme de 60 ans à une autocritique et à une révision de ses priorités.
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Ce n’est pas dans son Kamouraska d’adoption que nous rejoignons notre homme, mais à Austin. Cet été, c’est dans cette charmante petite municipalité estrienne de 1500 âmes que Curieux Bégin fait chauffer ses chaudrons en vue de servir sa... 16e saison! L’animateur en est ravi. Et un peu incrédule. «Que ça dure après 16 ans est un cadeau des dieux. Ce serait indécent d’être tanné de ce show-là. Je bois, je mange, je rencontre des gens passionnants, passionnés et talentueux, et je parfais mon éducation par rapport à ça.» Ajoutez à ça un voyage en Italie et la visite de certaines régions ontariennes, et vous avez un animateur aussi enthousiaste qu’il l’était à la première émission. Mais il y a encore plus. «Cette saison, on passe de 12 à 25 épisodes. C’est très rare parce que, généralement, c’est au mouvement inverse qu’on assiste. On a une saison très éclectique et enthousiasmante.»
DU TERRAIN DE JEU AU JARDIN
Curieux, Bégin l’est et entend le demeurer. C’est d’ailleurs ce tremplin exploratoire qui lui a permis de découvrir la région de Kamouskara il y a quelques années. Il en est tombé éperdument amoureux. «Si j’y ai une épicerie, c’est grâce à Curieux Bégin», dit-il en faisant allusion au Jardin du bedeau. «Ces gens-là font maintenant partie de ma vie et l’ont changée à plusieurs égards. C’est un magnifique terrain de jeu et d’apprentissage. C’est une bénédiction pour moi.»
En 2021, Christian se portait acquéreur de cette épicerie de village avec sa partenaire, Marie-Fleur Saint-Pierre. Comme toutes les entreprises, Le Jardin du bedeau a été ébranlé par la pandémie. «On a eu des enjeux internes. C’était nouveau pour Marie-Fleur et moi, mais on est dans une belle période de croissance. On a trouvé une équipe fiable et solide. On a précisé notre créneau. L’épicerie ne dérougit pas, parce que Kamouraska n’est plus seulement un lieu de passage, c’est devenu une destination touristique. C’est un lieu qui nous ressemble et qui conserve sa mission première, celle de mettre en valeur les produits locaux.»
ARTISANAT 2.0
C’est aussi dans cet esprit qu’il est, pour la sixième année, porte-parole de Plein Art, le Salon des métiers d’art de Québec (PAQ). Ce rendez-vous, qui en est à sa 41e édition, a su évoluer en harmonie avec les époques qu’il a traversées. «Il y a une régénération d’artisans qui viennent maintenant garnir cet écosystème. Ils apportent de nouvelles méthodes de travail qui mélangent les techniques traditionnelles aux techniques modernes. L’approche est beaucoup moins folklorisante. Elle se détache de la vision passéiste qu’on a des métiers d’art. Beaucoup de gens d’aujourd’hui créent des objets pour l’utilisation d’aujourd’hui.»
Les arts de la table sont partie prenante de PAQ, ce qui enchante ce gourmand et gourmet de Bégin. «Il y a les artisans qui produisent la nourriture, mais il y a aussi les céramistes, ébénistes et autres gens qui conçoivent des objets pour agrémenter le service de la table. Par exemple, de plus en plus de restaurateurs font appel à des céramistes pour créer leur vaisselle. L’approche est plus globale qu’avant.»
Cette année, c’est du 1er au 13 août, à l’Espace 400e du Vieux-Port de Québec, qu’aura lieu l’événement placé sous le sceau de l’écoresponsabilité et de la consommation locale. «Tout ça est conséquent avec mes valeurs, fait remarquer le citoyen Bégin. Le PAQ et Curieux Bégin vont dans le même sens, c’est-à-dire qu’ils valorisent la souveraineté économique et alimentaire. Les artisans et les travailleurs du secteur agroalimentaire sont des leviers économiques, et j’y crois profondément.»
À ce chapitre, il cite en exemple son cher Bas-Saint-Laurent: «C’est la première région qui a développé un projet d’autonomie alimentaire et économique. On est aussi un laboratoire. Partout à travers le Canada, les yeux sont tournés vers nous. C’est très effervescent, ce qui s’y passe en ce moment.» Comme ambassadeur, on ne pourrait trouver mieux.
LA VALEUR DE LA PAROLE
Curieux Bégin depuis 16 ans et Y’a du monde à messe depuis 7 ans: Christian Bégin est un animateur établi. Pourtant, après avoir fait une déclaration controversée en 2004, à Tout le monde en parle, relative à la participation de Stéphane Rousseau dans le film Les invasions barbares, il était attendu avec une brique et un fanal.
Avec son franc-parler, le personnage intempestif a longtemps été polarisant. La donne a changé. «Il y a certains avantages à vieillir et à la thérapie. On se rend compte que la parole a une valeur et que la fougue — ou l’insouciance ou la prétention — de la jeunesse fait son temps. En même temps, c’est normal. Je regarde certains jeunes que je trouve bousculants et je me dis qu’à leur âge, j’étais aussi arrogant. Je vais continuer à défendre certaines valeurs, mais différemment. Ça fait que je polarise moins. Il faut aussi dire que Y’a du monde à messe, par exemple, a pour but de créer une rencontre, plutôt qu’une confrontation, afin d’avoir une vraie conversation.»
La notion d’ouverture, de curiosité et de rencontre avec l’autre et avec soi revient souvent dans le discours de l’homme de 60 ans. Celle d’être en phase avec son époque aussi. «Le jour où je n’aurai plus cette curiosité-là, je vais m’éteindre et je ne pourrai plus être en écho avec le monde dans lequel je vis.»
ACTE DE CONTRITION
Animateur et entrepreneur, certes, mais n’oublions pas que Christian Bégin est d’abord et avant tout comédien. La saison dernière, on l’a vu dans les séries Indéfendable et Entre deux draps. On l’y reverra. Il sera aussi de la distribution de la prochaine fiction de l’autrice Isabelle Langlois (Lâcher prise), La candidate.
À travers tout ça, Christian Bégin n’a-t-il pas peur de se perdre? «Plus jeune, il y a eu des moments où j’ai effectivement été perdu et où je me sentais un peu atomisé. Mais je suis privilégié et suis dans un moment de ma vie professionnelle où je suis capable de choisir les projets auxquels j’ai envie de participer.»
Ainsi, il avait envie de créer un spectacle solo, et il l’a fait. Mais Les 8 péchés capitaux a été mal reçu à la première montréalaise, en octobre dernier. Il fait acte de contrition: «J’aurais dû roder beaucoup plus ce show-là. C’était ma responsabilité. Tu ne peux pas faire une première à l’Outremont avec un télésouffleur. C’est impossible. Je vais le regretter toute ma vie, et je fais un gros mea culpa en reconnaissant m’être présenté sans être prêt.» Sitôt après, il retournait faire ses devoirs et revenait sur scène avec une version remaniée et améliorée du spectacle. «Après l’avoir retravaillé, ça allait super bien. Les salles étaient pleines et les réactions étaient enthousiastes. Tout allait bien jusqu’à ce que je sois paralysé par ma santé...»
À L’HEURE DES CHOIX
Le 7 juin, sur sa page Facebook, Christian écrivait: «Le 29 mars dernier, à la suite d’un scan providentiel commandé par des maux de tête récurrents, j’ai subi une importante intervention chirurgicale au cerveau. [...] La formidable équipe de neurochirurgie du CHUM a procédé à l’ablation d’une tumeur bénigne mais préoccupante, dont la présence exigeait une intervention rapide et un minimum de deux mois d’arrêt de travail.» Le 31 mai, il retrouvait son siège de pilote à Y’a du monde à messe. Hélas — mais c’est un moindre mal —, il a dû faire le deuil des représentations de son spectacle qui étaient prévues. «Après presque trois mois de convalescence, c’était impossible pour moi de recommencer. Les conséquences d’une telle affaire tiennent dans les choix que j’ai à faire et de nommer ce qui est important pour moi. Je dois faire attention à moi, aussi. Je ne veux pas repartir la pédale au fond.»
Christian Bégin n’a jamais eu de plan de carrière, et ce n’est pas à ce stade-ci de sa vie qu’il en esquissera un. «J’ai juste envie de continuer. Je pense de plus en plus à injecter du sens dans ce que je fais et ne plus faire de choses qui n’en ont pas. Le temps est précieux et passe vite...»
Plein Art, le salon des métiers d’art de Québec, aura lieu du 1er au 13 août à l’Espace 400e du Vieux-Port de Québec. L’émission Y’a du monde à messe est diffusée le vendredi à 21 h à Télé-Québec.
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