Essai du Mac Studio avec M1 Max : choisir un Mac sera plus difficile que jamais
Maxime Johnson
En moins de 18 mois, Apple a complètement brouillé les cartes et redéfini les limites de ce qu’il était possible de faire avec un ordinateur portatif ou un ordinateur de bureau. Trouver quel Mac convenait à nos besoins était déjà difficile, mais le Mac Studio, qui risque d’intéresser autant ceux qui auraient autrefois été attirés par un Mac mini, un iMac, un Mac Pro ou un MacBook Pro, ajoute une couche de complexité à la réflexion.
Tâchons d’y voir un peu plus clair.
Design : un gros Mac mini
Visuellement, le Mac Studio s’apparente à un Mac mini qui aurait enfin atteint sa poussée de croissance à la puberté. L’appareil est de la même largeur et de la même profondeur (ce qui est une excellente nouvelle, puisque tous les accessoires pour Mac mini qui peuvent être empilés sous l’ordinateur comme des disques durs externes seront compatibles avec ce dernier), mais il est environ 2,5 fois plus haut.
Avec le Mac Studio, Apple poursuit aussi la tendance amorcée avec son dernier MacBook Pro en ne lésinant pas sur les ports offerts. Désolé pour ceux qui aiment leur collection d’adaptateurs, mais le Mac Studio a en effet deux ports USB-C et une fente pour carte microSD à l’avant, et quatre ports USB-C, deux ports USB-A, un port Ethernet, un port HDMI et un port audio à l’arrière.
Notons que le six ports USB-C sont des ports Thunderbolt 4 lorsque le Mac Studio est équipé d’une puce M1 Ultra, mais que seuls les ports arrière le sont avec la puce M1 Max.
Performances : un ordinateur pour les créatifs
Le modèle que j’ai mis à l’essai ici est le Mac Studio avec M1 Max, soit celui qui risque d’être le plus populaire (à 4999$ plutôt que 2499$, l’intérêt du M1 Ultra est en effet plus limité).
Si vous voulez avoir une idée de ses performances, c’est facile : elles sont exactement les mêmes que celles des MacBook Pro 16 avec M1 Max lancés l’automne dernier. La puce fonctionnait en effet déjà à pleine puissance dans l’ordinateur portatif, alors le nouveau format du Mac Studio ne change rien à la donne.
Sans se perdre dans les détails techniques, les tests de performance et le jargon (nous le ferons plus bas), cela veut dire que le Mac Studio n’aura aucun problème à effectuer toutes les tâches lourdes qui ont besoin d’un processeur central puissant (le traitement de photos avec Photoshop ou Lightroom, par exemple, de l’enregistrement audio professionnel, ou du montage vidéo professionnel, avant le rendu et avant l’exportation).
Du côté graphique, le M1 Max sera suffisant pour la plupart des tâches, mais sera limité ailleurs. Exporter un gros document dans Première Pro sera ainsi deux fois plus long avec le M1 Max qu’avec le M1 Ultra. Pour certains usages 3D professionnels, vous aurez aussi besoin d’un appareil avec une meilleure carte graphique (Mac Studio avec M1 Ultra, Mac Pro ou PC avec cartes graphiques dédiées, selon l’usage). Il faut vraiment y aller au cas par cas pour évaluer ce dont vous avez besoin exactement.
Je n’ai pas passé de nuit blanche à effectuer des tests de performance comme lors du lancement du MacBook Pro, pour la simple raison que le M1 Max a déjà été testé sous toutes ses coutures, et que les performances ici sont les mêmes, mais pour avoir une petite idée, le Mac Studio avec M1 Max atteint par exemple 1537 (simple cœur) et 12399 (multicoeur) au test de performance Cinebench R23. Celui-ci ne bat donc pas de records, mais il est certainement au haut des palmarès.
Au test de performance 3DMark Wild Life Extreme, l’un des rares tests graphiques multiplateformes sur le marché, le Mac Studio atteint un pointage de 20 300. C’est comparable à ce qu’un ordinateur portatif doté d’une carte graphique RTX3080 (mobile) obtiendrait. Par rapport à un ordinateur de bureau, c’est un pointage qui se situe entre celui d’une RTX3060 et d’une RTX3060 Ti.
Le Mac Studio atteint toutefois ces performances en consommant une fraction de l’énergie des ordinateurs concurrents. Selon un lecteur que j’ai branché entre le câble d’alimentation du Mac et la prise électrique, le Mac Studio avec M1 Max consomme environ 16W au repos, et de 47W (Cinebench R23) à 80W (3DMark Wild Life Extreme) pendant un test de performance. À titre indicatif, mon PC de jeu consomme plutôt 99W au repos et 386W pendant Cinebench R23. Puisque le Mac Studio est un ordinateur de bureau, ce gain est moins utile qu’avec un ordinateur portatif (où il se traduirait en une autonomie prolongée), mais votre facture d’Hydro-Québec sera tout de même un peu plus basse que ce qu’elle aurait été avec un PC équivalent.
Évidemment, un test comme 3DMark Wild Life Extreme a ses limites. Les véritables performances graphiques de l’ordinateur varieront d’un usage à l’autre, selon les caractéristiques du logiciel, son optimisation pour M1 et selon sa capacité à utiliser la mémoire unifiée du Mac, par exemple.
Si on analyse les performances pour le prix, celles-ci ressemblent à ce qu’on peut obtenir du côté PC pour un ordinateur monté avec des composantes équivalentes (un PC Dell XPS Desktop avec Core i9-12000K, 32 Go de mémoire vive et une carte RTX3060 Ti coûte par exemple 2649$). Le PC a l’avantage d’offrir plus de la latitude (vous pourriez par exemple baisser le prix en optant pour un processeur moins puissant si vous n’avez pas besoin de la crème de la crème), mais vous aurez en revanche un appareil beaucoup plus gros sur votre bureau (ou probablement caché sous celui-ci si vous optez pour le Dell XPS Desktop mentionné plus haut).
Qu’en est-il des jeux vidéo?
La puce M1 Max est suffisante pour jouer à des jeux vidéo exigeants, à condition de limiter la résolution. Avec les graphiques les plus élevés possibles à Shadow of the Tomb Raider, par exemple, le Mac Studio atteint une moyenne de 89 images par seconde en 1080p et 64 images par seconde en 1440p, ce qui est l’équivalent d’un ordinateur portatif de jeu décent du côté PC, et ce, même si le jeu n’est pas optimisé pour M1. Un PC de bureau de 2500$ ferait toutefois beaucoup mieux.
Malheureusement, ce ne sont pas tous les jeux qui sont portés sur Mac, et les jeux qui le sont et qui utilisent nativement la puce M1 sont aussi assez rares. Il y en a quelques-uns, comme Disco Elysium, Baldur’s Gate 3 et Total War : Rome Remastered, ainsi que les nombreux titres de la collection Apple Arcade, mais on ne se sent pas exactement comme un enfant incapable de choisir son diner au Buffet des Continents.
Le jeu n’est toutefois pas l’usage mis de l’avant par Apple avec son Mac Studio.
Petite parenthèse beaucoup trop pointue : j’ai quand même l’impression que la situation risque d’évoluer au cours des prochaines années. Le jeu vidéo est populaire dans la population générale et le taux de pénétration des Mac est élevé : à un moment ou à un autre, de plus en plus de développeurs estimeront qu’il vaut la peine d’adapter leurs titres.
Même s’il est petit pour un ordinateur de bureau, le Mac Studio avec M1 Max est aussi plus gros que nécessaire. Rappelez-vous : celui-ci offre les mêmes performances qu’un MacBook Pro 16 avec M1 Max, même si ses ventilateurs (qu’on n’entend jamais, d’ailleurs) sont beaucoup plus gros. Bref, Apple pourrait avec les générations se permettre d’augmenter la consommation et les performances de son appareil, en développant par exemple une puce de la taille de la M1 Ultra, mais où la seconde moitié de la puce ne serait pas un clone de la première comme c’est le cas actuellement, mais serait plutôt composée de cœurs graphiques supplémentaire. Car côté CPU, la M1 Max est amplement suffisante. Tout ce qu’il lui manque pour satisfaire les amateurs purs et durs de jeux vidéo, ce sont des cœurs graphiques de plus. Je suis convaincu que ce n’est qu’une question de temps avant qu’Apple ne s’attaque finalement à ce segment payant du marché. Fin de la parenthèse beaucoup trop pointue.
Studio Display : un moniteur d’exception
Apple lance avec le Mac Studio le moniteur Studio Display, un écran assez unique en son genre, qui marque plusieurs points, mais qui déçoit aussi par rapport à certaines caractéristiques.
Tout d’abord, ce qu’on aime : le design de l’appareil est joli et élégant. On regrette qu’il faille payer plus pour obtenir un pied capable de lever le moniteur en hauteur, mais la coque métallique a fière allure sur un bureau.
Plusieurs détails ont aussi été bien pensés. À cause de la forme du pied, du trou à l’intérieur et de la position des ports, on ne voit en effet aucun fil sortir du moniteur, sans qu’il soit nécessaire de les cacher avec un couvercle de plastique comme on en voit souvent avec des appareils du genre.
Technologiquement, j’aime aussi que l’écran soit doté d’une bonne caméra web, de bons microphones et d’excellents haut-parleurs. Je n’ai jamais essayé d’écran avec d’aussi bons accessoires intégrés. Il y a même une puce A13 dans le moniteur pour s’assurer que ceux-ci fonctionnent bien, sans ralentir votre ordinateur si vous décidez de l’utiliser avec un plus vieux Mac.
Visuellement, j’apprécie aussi les couleurs riches, la bonne luminosité et la résolution 5K, pratique pour les usages typiques du Mac Studio, comme la création vidéo et la photo.
Jusqu’ici, le Studio Display pourrait bien être l’écran parfait pour moi. Cela dit, ses défauts sont tout aussi importants. L’appareil est d’abord offert en un seul format, à 27 pouces au ratio 16:9. En 2022, on aimerait avoir l’option de choisir quelque chose de plus gros et, du moins dans mon cas, au format ultralarge.
L’écran est aussi limité à un rafraichissement de 60 images par seconde, même si Apple vante depuis des années le rafraichissement de 120 images par seconde de son iPad Pro (et désormais aussi de ses iPhone Pro), une technologie qui offre un défilement plus fluide et plus agréable pour les yeux.
Je pourrais personnellement vivre avec ce compromis, mais à 1999$ pour un moniteur de 27 pouces, on ne s’attend pas à devoir diminuer nos attentes.
Si on compare le Studio Display avec d’autres moniteurs similaires, comme le Dell UltraSharp 27 4K USB-C (989$), l’écran d’Apple est d’une qualité légèrement supérieure, d’un meilleur design et il est doté d’accessoires intégrés, mais il est aussi considérablement plus cher, à 1999$. Bref, pour l’acheter, il faut avoir besoin de ses caractéristiques élevées et être prêt à payer quelques centaines de dollars de plus que la valeur du marché pour le beau design.
Le Studio Display est un moniteur d’exception. Ceux qui l’achèteront seront aussi l’exception.
À la recherche du Mac parfait
Le Mac Studio lui-même devrait toutefois rejoindre un public beaucoup plus large. Avec ses performances, son prix et la polyvalence de la puce M1, celui-ci peut attirer autant ceux qui avaient jusqu’ici besoin d’un Mac mini puissant, d’un Mac Pro d’entrée de gamme ou ceux qui utilisaient un iMac.
Il pourrait même convaincre ceux qui ont besoin de puissance et qui lorgnaient du côté d’un MacBook Pro 16 avec M1 Max (4399$). Vous pourriez en effet plutôt acheter un Mac Studio de base aussi puissant pour votre studio à la maison ou au travail (2499$), un bon écran plus gros que celui de l’ordinateur portatif (mais moins cher que le Studio Display, évidemment), une caméra web et un MacBook Air pour vos besoins plus limités sur la route, le tout pour le même prix.
L’inverse est aussi vrai. Plusieurs de ceux qui croient avoir besoin du Mac Studio pourraient en effet peut-être se contenter d’un Mac mini avec M1 et 16 Go de mémoire vive. Celui-ci risque aussi d’être suffisant pour bien des tâches créatives qui ne sont pas limitées par la carte graphique, mais ne coûte que 1399$ (le Mac mini a longtemps été malaimé, mais depuis la puce M1, celui-ci gagne à mon avis à être considéré de nouveau).
Et pour ceux qui pensaient avoir besoin d’un Mac Pro à 7499$, quels sont vos besoins exactement? Si vous aviez besoin d’une bête avec 192 Go de mémoire vive pour des travaux archi-spécialisés et deux cartes W6800X (une configuration qui coûterait 17 499$), d’accord, mais pour les configurations de base, un Mac Studio (surtout avec M1 Ultra) risque parfois d’être suffisant, pour une fraction du prix.
Avec son format, sa puissance et son prix, le Mac Studio n’aurait pas pu exister il y a deux ans à peine. Aujourd’hui, il s’agit certainement d’une des bonnes options à considérer pour les utilisateurs créatifs, amateurs de PC et Mac confondus.