Charles Lafortune déboulonne les mythes dans Autiste, amour et amitié
Marie-Hélène Goulet
Certaines personnes croient à tort que les autistes n’ont pas besoin d’avoir de relations interpersonnelles parce qu’ils relèvent des défis relationnels supplémentaires. Le producteur Charles Lafortune espère déboulonner ce mythe grâce à la série Autiste, amour et amitié.
• À lire aussi: Charles Lafortune et Sophie Prégent partent en voyage pour la première fois sans Mathis
• À lire aussi: Sophie Prégent se demande parfois ce que son fils aurait été s'il n'avait pas été autiste
Après Autiste, bientôt majeur et Autiste, maintenant majeur, la série documentaire s’intéresse à la place que l’amour et l’amitié prennent dans la vie de ses participants. «On demande aux jeunes qu’on connaît, comme Mathis et Raphaël — ainsi qu’à de nouveaux jeunes situés à différents endroits sur le spectre de l’autisme —, ce que l’amour et l’amitié représentent pour eux. On leur pose des questions sur la différence entre les deux», explique Charles Lafortune.
Besoin d'amour
Les autistes ont aussi besoin d’entrer en relation, même s’ils doivent franchir plusieurs obstacles pour y arriver. Anissa, par exemple, est une jeune femme qui adore s’exprimer par l’art ou la discussion. Elle le fait toutefois sans aucun filtre, ce qui peut être blessant pour les gens avec qui elle interagit. «Un des défis qu’elle doit relever, c’est de faire en sorte de ne pas être repoussée ou ostracisée et de savoir qu’il y a des choses qui ne se font pas ou ne se disent pas, surtout en cette époque où il faut faire très attention à n’offusquer personne. Même en ligne, elle ne peut pas écrire tout ce qu’elle pense sans se faire ramasser», avance Charles Lafortune. Cela n’empêche pas Anissa de rêver à l’amour. «J’ai imaginé que cette personne sera attentionnée et aussi timide, parce que ça ajoute vraiment du charme», affirme-t-elle.
Un sujet délicat
Si pour Maelle, par exemple, être en couple signifie qu’elle tiendra un jour la main de son amoureux, sans plus, d’autres participants ont déjà franchi le pas des relations plus sérieuses. Cela entraîne des interrogations non seulement sur la sexualité, mais aussi sur la prédation sexuelle. «Nous avons organisé une rencontre avec une policière de Longueuil spécialiste des cyberprédateurs et un groupe de nos participants afin de parler de ce qu’on peut demander à l’autre ou pas, et de ce qui est correct ou non qu’un interlocuteur demande. Ce n’est pas facile pour eux», affirme le producteur.
Avec émotion, il raconte qu’un matin, les parents d’un jeune homme autiste se sont fait réveiller par des policiers venus arrêter leur fils. «C’est un jeune homme qui fonctionnait super bien. Il a une passion pour les dessins japonais de style mangas et, de fil en aiguille, il s’est retrouvé sur des sites où ces dessins représentaient des filles filiformes prépubères. Au Canada, ces dessins sont considérés comme de la pédopornographie, mais il n’en avait aucune idée; pour lui, c’étaient juste des dessins. Il a fallu que ses parents se battent contre la justice pour qu’il ne fasse pas de prison. Ç’a été un long processus pendant lequel le jeune homme a dû recevoir de l’aide psychologique afin de comprendre pourquoi visiter ces sites n’était pas correct.»
Même si leur fils était innocent, ses parents, qui témoignent à visage couvert, ont préféré dire à leurs voisins que les policiers sont intervenus parce que leur garçon avait visité des sites terroristes par mégarde. Ils avaient peur qu’il soit davantage montré du doigt s’ils disaient la vérité.
Un catalyseur
Charles Lafortune et sa femme, Sophie Prégent, profitent aussi du premier épisode d’Autiste, amour et amitié pour révéler au public que leur fils Mathis a éprouvé de lourds ennuis de santé récemment et qu’il est maintenant épileptique. En détresse respiratoire pendant une crise particulièrement violente, il a fait craindre le pire à ses parents. Pour Charles, qui a choisi d’être transparent dans le documentaire, il était primordial de raconter cette épreuve. «Cette série est un catalyseur pour parler de parentalité. Je sais que d’autres parents vont se reconnaître dans l’hypervigilance et l’anxiété qu’amène cette expérience. Ce sont des émotions importantes à partager», souligne-t-il.
DES ÉCHANGES IMPORTANTS
Dans cette troisième saison de la série, Sophie Prégent endosse un nouveau rôle. En plus de témoigner de son vécu comme fière maman de Mathis, elle va à la rencontre des autres mères de l’émission. «Ce qui me tenait à cœur, cette année, c’est d’aller vers des femmes qui vivent la même chose que moi et de parler avec elles comme des femmes, pas nécessairement comme des mères», explique-t-elle.
• À lire aussi: Charles Lafortune et Sophie Prégent ont un plan à long terme pour leur fils quand ils ne seront plus là