Québec n’en fait pas assez dans la lutte aux changements climatiques, selon un rapport d’experts
Un groupe d’experts présente 26 recommandations au gouvernement

Mathieu-Robert Sauvé
Le Québec n’en fait pas assez pour diminuer les impacts des changements climatiques, déplore un comité d’experts dans un rapport rendu public le 3 juillet.
«Le Québec doit accélérer la mise en place de mesures pour diminuer les effets du réchauffement climatique et atteindre ses objectifs de décarbonation. Il pourrait être un modèle international pour relever ce défi à condition de mettre en œuvre des changements dès maintenant», a souligné en point de presse virtuel Alain Webster, président du Comité consultatif sur les changements climatiques qui rendait public son rapport mercredi.
Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, a reçu ce rapport il y a quelques semaines. «Sa réaction a été bonne», a résumé le professeur Webster en ajoutant que le rôle du comité composé de 12 experts mandatés par le gouvernement se limitait à le conseiller.
Voici ce qui ressort des 26 recommandations du comité:
Six axes pour accélérer la décarbonation du Québec
Les recommandations du comité sont regroupées autour de six objectifs:
Adopter davantage de gros projets comme d’interdire la vente d’automobiles à essence dès 2030.
Développer de nouveaux outils pour gérer cette transition climatique et rapidement.
Augmenter le nombre de mesures fiscales comme des bonus pour les bonnes actions et les amendes pour les pollueurs.
Accroître les efforts d’adaptation pour les écosystèmes et éviter l’approche «réactive» après des épisodes de feux de forêt ou d’inondation.
Penser à l’équité envers les générations futures, les Autochtones et les personnes à faible revenu dans les politiques climatiques.
Accélérer la mobilisation de l’ensemble de la société́ envers les objectifs de décarbonation.
L’écofiscalité, c’est quoi?
L’écofiscalité consiste en l’ensemble des mesures visant à limiter les atteintes à l’environnement par l’impôt, les taxes et redevances. «Par exemple, prévoir une redevance [au client] pour la disposition [écologique] des pneus après usage» , explique l’économiste Charles Séguin, membre du comité.
Ce type de mesures représente actuellement 1,6% du produit intérieur brut (PIB) du Québec, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 2%.
Appelé par Le Journal à donner des exemples de mesures souhaitables en écofiscalité, le professeur Alain Webster évoque une taxe de 3% sur l’essence qui «donnerait 70 M$ de plus au budget pour le transport collectif».
Les Québécois sont prêts!
Le Québec fait mieux que la plupart des États en Amérique du Nord en matière de lutte contre les changements climatiques, affirment les auteurs du rapport, mais son «niveau d’ambition» doit s’accroître pour atteindre ses cibles.
«Quatre-vingt-cinq pour cent de la population affirment qu’il y a urgence d’agir contre les changements climatiques», rapporte Valériane Champagne St-Arnaud, spécialiste des comportements responsables à l’Université Laval et membre du comité.
En dépit de cette acceptabilité sociale, il n’est pas toujours facile de renoncer au combustible fossile pour sa voiture ou son chauffage. Elle insiste sur une meilleure «littératie climatique», c’est-à-dire une connaissance améliorée des enjeux autant à la maison qu’à l’école.
La pollution sur les routes augmente
Même si l’État québécois présente un bulletin satisfaisant en matière de lutte aux changements climatiques quand on le compare aux autres juridictions du continent, tous les secteurs d’activité économique n’affichent pas le meilleur bilan. Entre 1990 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le territoire du Québec ont diminué de 9%, mais celles provenant des transports routiers ont augmenté de 16%, rapporte le Comité d’experts sur les changements climatiques. Les efforts concrets doivent donc être multipliés à ce chapitre.
«Optimiste malgré tout»
Le ton de ce rapport est «optimiste malgré tout» comme l’a souligné le président du comité qui a tenu à rappeler quelques bons coups du Québec en matière de lutte aux changements climatiques.
M. Webster a tenu à souligner que les élus du Québec se montrent très sensibles aux enjeux des changements climatiques puisqu’il a donné une formation sur le sujet à l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale en compagnie du Scientifique en chef, Rémi Quirion, et du climatologue Alain Bourque.
Le comité, c’est qui?
Il s’agit du sixième avis du Comité consultatif sur les changements climatiques, créée en 2021 par le Gouvernement du Québec. Ce comité est composé des 12 personnes suivantes sous la présidence d’Alain Webster:
Alain Bourque, climatologue, président d’Ouranos.
Valériane Champagne St-Arnaud, professeure de marketing, Université Laval.
Jérôme Dupras, professeur d’économie écologique, Université du Québec en Outaouais.
Charles Larochelle, président d’Équiterre.
Alain Lemaire, président, Cascades.
Annie Levasseur, ingénieure et professeure à l’École de technologie supérieure.
Bertrand Millot, chef de l’investissement durable à la Caisse de dépôt et de placement du Québec.
Catherine Morency, ingénieure et professeure à Polytechnique Montréal.
Dre Marie-Jo Ouimet, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive, Université de Montréal.
Catherine Potvin, biologiste forestère, Université McGill.
Charles Séguin, économiste, Université du Québec à Montréal.
Lota Dabio Tamini, professeur d’économie, Université Laval.
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