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L'article provient de TVA Sports
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Arber Xhekaj, l'espoir qui se voit succéder à Ben Chiarot

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Photo portrait de Nicolas Cloutier

Nicolas Cloutier

2022-04-06T13:05:45Z
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Il est grand temps qu'Arber Xhekaj joue du hockey professionnel. À 21 ans, cette gentille brute de 6 pi 4 po et 230 lb peut tasser comme de vulgaires poupées de chiffon les jeunots de la Ligue junior de l'Ontario. Et ça devient un problème pour l'espoir des Canadiens de Montréal. 

«Je veux dire, dans ma situation, tous les gars sont petits pour moi en ce moment, résume le sympathique Xhekaj lors d'un entretien téléphonique avec le TVASports.ca. C'est difficile pour moi, car je ne peux pas jouer complètement librement comme je pouvais le faire et frapper tout ce qui bouge. La ligue distribue des pénalités et des suspensions de façon plus sévère qu'avant. Ce n'est pas facile. 

«Mais je devrais être correct au prochain niveau...» 

C'est presque comme si on pouvait «entendre» le sourire en coin de Xhekaj lorsqu'il a prononcé cette dernière phrase. Chez les professionnels, l'imposant défenseur n'aura aucune retenue. Mais d'ici là, le directeur du développement des joueurs du CH, Rob Ramage, se fait un devoir de lui rappeler d'être plus discipliné et de rester loin du banc des pénalités.

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La compétition sera très forte à la défense chez les espoirs du Tricolore, l'automne prochain. Kaiden Guhle, Justin Barron, Jordan Harris, Corey Schueneman et Mattias Norlinder devraient tous lutter pour un poste. À moins d'une surprise, Xhekaj se fera les dents dans la Ligue américaine avec le Rocket de Laval l'an prochain. 

C'est un défenseur dur comme le roc, impitoyable face aux meilleurs joueurs de l'autre équipe et doté d'un coup de patin fluide qui trahit son gros gabarit que les Lavallois devraient avoir l'occasion de découvrir. 

Une sorte de... Ben Chiarot. 

«Je peux neutraliser n'importe quel joueur, n'importe quel trio. Je m'inspire de Chiarot, confie le principal intéressé. Au camp d'entraînement en début d'année, nous avions un jeu similaire. C'est le type de joueur que j'envisage devenir au niveau professionnel.»

Xhekaj insiste également pour qu'on ne prenne pas à la légère ses aptitudes offensives. Il a commencé à les révéler au grand public cette saison avec 34 points, dont 12 buts, en 50 matchs. On retiendra davantage son différentiel de +43; n'empêche, ce n'est pas rien. 

«Je crois que mon jeu offensif est très sous-estimé, souligne le grand gaillard. J'ai un bon tir. J'ai de bonnes mains et une bonne vitesse. Je n'aurai pas nécessairement les commandes d'un avantage numérique, mais je pourrai produire à forces égales en utilisant mon tir lourd et en étant le quatrième joueur lors des poussées offensives.»

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Comme Ben Chiarot, au fond. 

«Des défenseurs comme Chiarot et Jake Muzzin, ces gros défenseurs solides, ce sont ces gars-là qui permettent à ton équipe d'aller loin en séries, mentionne Xhekaj. C'est un rôle qui est difficile à jouer, car devoir jouer de façon robuste chaque soir et jeter les gants ici et là, tout cela laisse des traces sur ton corps. Mais je crois être capable de le faire.»

Contre toute attente              

Avec du recul, que Xhekaj soit devenu un espoir des Canadiens pouvant discuter sérieusement d'un avenir chez les professionels relève presque du miracle.

À une époque pas si lointaine, le jeune homme était ignoré par toutes les équipes de la OHL au repêchage bantam. 

«J'ai fait des essais avec quelques équipes du junior B en Ontario et j'ai fini par me tailler un poste avec les Falcons de St. Catharines. J'y ai disputé mon année de 16 ans et j'ai fini par attirer l'attention de quelques formations de la OHL, qui m'ont invité à leur camp l'année suivante.

«Je suis allé à celui des Rangers de Kitchener et ils m'ont suffisamment aimé pour m'embaucher. Évidemment, tout le processus avant d'y parvenir a été dur. Mais je croyais en moi. Je croyais en mes habiletés de devenir un bon joueur au niveau junior. Ça a demandé beaucoup de travail, j'ai dû renoncer à bien des trucs plaisants à ce jeune âge, mais ça a valu la peine.»

Même si Xhekaj a réussi à s'introduire dans la OHL par la petite porte, il n'était au bout de ses peines. Le début de sa carrière junior n'avait rien d'une sinécure. Le gros bonhomme a dû se montrer très résilient. Il ne retient pas des voisins: son père albanais a fui la guerre au Kosovo dans la mi-vingtaine pour atterrir à Hamilton et y faire sa vie. Sa mère a fait de même pour quitter le régime communiste tchéquoslovaque. 

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«Je n'ai pas joué beaucoup lors de ma première année, raconte Xhekaj. J'étais utilisé tantôt à l'attaque, tantôt à la défense. Je n'obtenais pas beaucoup de présences. Je pense que c'est seulement à la mi-chemin de ma deuxième saison que j'ai intégré le top 4 et que j'ai accepté de plus grandes responsabilités. Mon entraîneur a commencé à me faire confiance. Il m'envoyait sur la glace à court d'un homme et lors de la dernière minute de jeu pour neutraliser l'autre équipe.»

La progression de Xhekaj n'a pas échappé au radar des Canadiens cette année-là, si bien qu'ils lui ont manifesté de l'intérêt. 

«J'avais eu quelques entrevues avec eux lors de la deuxième moitié de la saison [2019-2020]. J'ai même pris part à une conférence sur Zoom avec Trevor Timmins, le docteur Scott et tous les autres gars. Ils m'ont dit que l'entrevue s'est très bien passée. Mais après j'ai arrêté d'avoir de leurs nouvelles. Ils ne m'ont pas repêché, il y a eu la COVID, et c'est seulement une année plus tard qu'ils m'ont invité à leur camp d'entraînement.»

Le lobbying de Richardson           

Le baptême de feu de Xhekaj dans les couleurs du Tricolore en était tout un : son premier match préparatoire a été disputé contre les Maple Leafs de Toronto, l'équipe de son enfance. Le petit garçon de Hamilton avait des papillons dans le ventre. 

«J'étais admiratif (starstruck) durant ce match. Ça compliquait les choses, c'était ma première expérience dans la LNH, j'étais assez nerveux. Je crois que j'ai bien fait dans les circonstances, mais je savais que je n'avais pas été à la hauteur de mon potentiel.»

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Pour Xhekaj, il était hors de son question que son camp finisse sur cette note. Entre en jeu Luke Richardson, l'entraîneur des défenseurs du CH. Il était en quelque sorte l'as dans sa manche. 

«Je suis allé le voir et je lui ai tout bonnement dit : "J'ai besoin d'un autre match. Je dois pouvoir vous montrer ce que je peux faire." Je présume qu'il en a parlé aux autres entraîneurs, car mon souhait a été exaucé. Lors du deuxième match [contre les Sénateurs d'Ottawa], j'ai tout donné.»

Les choses ont alors déboulé très rapidement. Xhekaj était à peine revenu dans le vestiaire que le directeur général Marc Bergevin demandait à lui parler; il était question d'un contrat d'entrée de trois ans dans la Ligue nationale de hockey. 

«Je suis en train de me changer et il vient me voir : "Salut, est-ce qu'on peut se parler un instant?" Il m'a emmené dans un coin pour m'annoncer la nouvelle. C'était spécial. Il me l'a dit si calmement. Pendant ce temps-là, je capotais et j'essayais d'avoir l'air normal!»

Drôle d'épisode         

Le jeu très robuste, parfois un brin méchant, de Xhekaj n'est pas tout à fait compatible avec la OHL. Le principal intéressé l'a constaté à plus d'une reprise cette saison. 

Cela n'a jamais été plus évident que lorsqu'il a passé le K.-O. à Mark Woolley, défenseur de l'Attack d'Owen Sound, dans un violent combat au mois de décembre. Après avoir envoyé son adversaire au pays des rêves, Xhekaj a fait mine de dormir pour le narguer, un geste qui en a fait sourciller plus d'un. 

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L'épisode a pris une tournure bizarroïde par la suite. 

«La ligue ne travaille pas les fins de semaine. Alors j'ai joué mes deux prochains matchs, samedi et dimanche. Puis j'arrive à l'aréna le lundi et on me dit : "Ouais, tu es suspendu indéfiniment." Et moi de répondre : "Pardon? Que s'est-il passé?"»

C'est la ligue qui «rentrait au boulot». Mais pendant un moment, Xhekaj était dans le brouillard le plus total. 

«Après quelques jours, ils ont fini par me contacter et on a discuté, explique-t-il. Ils m'ont partagé leur raisonnement. Ils ne veulent pas que la ligue soit perçue comme une ligue de combats. Ils ne veulent pas que les parents des joueurs s'inquiètent pour leurs enfants. Ils m'ont expliqué que le combat a obtenu trop de visibilité et qu'il était trop violent. Ils avaient les mains liées.» 

Et pour ce qui est du geste qui a suivi le combat? Xhekaj aurait fait les choses autrement, s'il en avait eu la chance. 

«Beaucoup de choses se passaient dans ma tête à ce moment-là et je n'avais plus conscience de ce que je faisais, avoue-t-il. Évidemment, je ne croyais pas qu'il allait tomber de la sorte. Il y avait tant d'énergie et d'émotion dans l'air. Ça n'arrivera pas une deuxième fois.» 

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Il faut comprendre qu'il y avait un historique entre les Rangers et l'Attack. 

«Lorsque je purgeais une autre suspension plus tôt au cours de la saison, l'Attack s'était donné un malin plaisir à intimider nos joueurs. Ils avaient deux gros joueurs, dont Mark. J'étais le seul gros joueur dans mon équipe pour défendre les gars. Mark s'était battu contre un de nos joueurs plus jeunes et lui avait infligé une bonne raclée. Ensuite, il a lancé une invitation à notre banc pour savoir qui était le prochain. 

«Mark et moi, on savait qu'on allait se battre. Je connais le gars. On joue tous les deux de façon robuste. On en avait parlé et il n'y avait pas de rancoeur. C'est juste de cette façon que le hockey fonctionne. 

«C'était important pour moi de faire comprendre aux gars que je suis là pour eux et qu'ils n'ont pas à avoir peur.» 

Ce rôle de grand frère, Xhekaj ne le joue plus auprès des joueurs des Rangers. L'imposant défenseur a été échangé au cours de la saison aux Bulldogs de Hamilton, une équipe avec de grandes aspirations. 

Là-bas, il s'est lié d'amitié avec un autre espoir des Canadiens, Jan Mysak, avec qui il échange parfois des mots en tchèque. 

«C'est l'un des travailleurs les plus acharnés que j'ai vu sur la glace et dans le gymnase, révèle Xhekaj. Il adore le hockey. On se pousse mutuellement, on fait du temps supplémentaire dans le gym. On est de très bons amis.»

Deux amis qui devraient d'ailleurs porter le même chandail l'an prochain. 

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