Les chômeurs de la grande crise chassaient la neige à la pelle
L’auto va tout changer dans l’urbanisation de l’hiver


Mathieu-Robert Sauvé
Au début du 20e siècle, c’est à la pelle qu’on déblaie les rues de Montréal. Les chômeurs et bénévoles s’unissent pour dégager à la main la rue Sainte-Catherine et permettre le transport de marchandises ainsi que le passage piétonnier.
«Longtemps, l’hiver était une saison plus efficace que le printemps ou l’automne pour le transport de marchandises et le déplacement des gens. On circulait sur la neige en sleigh sans même retirer la neige de la chaussée», relate l’urbaniste Gérard Beaudet, de l’Université de Montréal.

Ce spécialiste de l’innovation municipale précise que certaines villes du Bas-Saint-Laurent attendront jusqu’au milieu des années 1960 pour voir leurs routes dégagées l’hiver. Et un inventeur de Trois-Rivières patente un immense rouleau qui aplatit les bordées pour permettre un meilleur glissement des rails de calèche.


L’auto change tout
C’est l’usage de l’automobile qui va tout changer. «Au début, les gens remisaient leur voiture l’hiver, car ils considéraient que ça ne valait pas la peine de l’entretenir. Et le réseau routier n’était pas adapté. Mais la pression sur les gouvernements se fera de plus en plus importante pour circuler quatre saisons», reprend-il.
Les voies ferrées font aussi face au problème de l’enneigement. Les trains doivent compter sur des charrues sur rail qui dégagent le passage dans un immense nuage blanc. Mais cela ne suffit pas toujours, et des trains sont parfois immobilisés dans la neige.

Un livreur invente la souffleuse
C’est à Arthur Sicard (1876-1946), dans son hangar, qu’on doit l’invention de la souffleuse à neige. «Il était livreur et cherchait un moyen d’accélérer le déblaiement des rues», commente M. Beaudet.
Son invention, inspirée de la moissonneuse-batteuse, sera acquise en 1927 par Outremont, puis par la Ville de Montréal à la fin des années 1920 avant de conquérir le monde nordique.

Ce n’est pas la seule contribution purement québécoise au grand combat des Villes contre la neige. Sicard lui-même dessine le premier chasse-neige (un québécisme, comme les mots «déneigeuse» et «souffleuse à neige»). La chenillette qui déblaie les trottoirs encore de nos jours naît dans la tête de Joseph-Armand Bombardier, un contemporain de Sicard.
Si Montréal est aujourd’hui une des métropoles nordiques les mieux équipées au monde pour faire face aux tempêtes, la mécanisation de la guerre à la neige n’a pas fait l’unanimité à ses débuts.
Des conseillers municipaux s’y étaient opposé, car toutes ces machines allaient «mettre en péril l’ouvrage [des] chômeurs hivernaux, alors qu’on se trouve en pleine crise économique», relate le site de la Ville de Montréal.