«C’était très dur de le voir pleurer»
Jessica Lapinski
Ce qui s’annonçait comme une bataille d’anthologie s’est conclu vendredi par une scène horrible sur le court Philippe-Chatrier, quand Alexander Zverev s’est sévèrement blessé à la cheville, donnant du même coup à Rafael Nadal son billet pour la 14e finale de sa carrière à Roland-Garros.
Il était très tard en deuxième manche, sous le toit fermé du plus grand terrain de terre battue au monde, quand l’Allemand s’est tordu la cheville droite après un point.
Le hurlement qui a retenti et les larmes qui coulaient sur les joues du troisième favori ne laissaient aucun doute sur la gravité de sa blessure.
Dans une scène rare au tennis, le joueur de 25 ans est resté longuement au sol, avant de quitter le terrain en fauteuil roulant. Avec Nadal à ses côtés, il y est revenu quelques minutes plus tard pour saluer l’arbitre et la foule, sous les acclamations de celle-ci.
Zverev en est ensuite ressorti sans être capable de poser à terre le pied de sa jambe blessée, après une longue accolade avec le champion par forfait.
Moment « très dur »
Ébranlé, « Rafa » n’y est pas allé de célébrations.
« J’étais dans la salle [de consultation] avec lui et c’était très dur de le voir pleurer », a regretté Nadal, lui-même les yeux mouillés en entrevue sur le court.
« Je suis très triste pour lui, a poursuivi avec classe le héros des lieux. Je sais à quel point il se bat pour remporter un titre du Grand Chelem. Il y arrivera, et plusieurs fois. »
Les deux joueurs étaient déjà sur le terrain depuis plus de trois heures dans une folle humidité lorsque l’incident s’est produit. Comme preuve de l’immense bagarre qu’ils se livraient, « l’ogre de l’ocre » ne menait alors que 7-6 (8) et 6-6.
Et la marque aurait pu – et même dû – être inversée tant le joueur de presque 2 mètres présentait un tennis dominant, malmenant le gagnant de 13 titres à Paris avec son immense service et son excellent revers.
Mais chaque fois que l’on sentait l’Espagnol de 36 ans (qu’il a eus vendredi) dans les câbles, celui-ci produisait à son tour du jeu sensationnel, sortant des passings magistraux à l’image de ceux qui ont en partie créé sa légende.
Ce fut le cas à la première manche, que l’Allemand a d’abord menée par un bris de service, avant de détenir trois balles de set au bris d’égalité.
Puis à la deuxième, alors que les deux rivaux se sont échangé leurs services jusqu’à ce que Zverev serve pour la manche à 5-3. Mais le bras de « Sascha » a tremblé : coupable de trois doubles fautes dans ce jeu crucial, le champion olympique en titre a de nouveau concédé le bris.
« J’espère qu’il ne va pas trop mal, a pointé la cinquième tête de série aux journalistes. Avec un peu de chance, j’espère que c’est juste une torsion de la cheville, qu’il ne s’est rien cassé. [...] Le match était [âprement] disputé. Il jouait incroyablement bien. Je sais à quel point ce match comptait pour lui. »
Invaincu en match ultime
Invaincu en finale sur la terre battue parisienne, Nadal tentera dimanche face à Casper Ruud d’y ajouter un 14e titre à son incroyable palmarès. Il sera aussi en quête d’un 22e trophée majeur, ce qui améliorerait son propre record.
Le « roi de la terre battue » aurait-il obtenu une chance de reprendre sa couronne de champion à la Porte d’Auteuil, perdue l’an dernier, n’eût été la blessure subie par Zverev ? Évidemment, l’histoire ne le dira jamais.
Mais avec son pied blessé qui lui fait craindre que chaque match soit son dernier, Nadal ne crachera pas sur ce repos supplémentaire.
Même si l’Espagnol se dit satisfait de sa forme physique en ce moment, malgré un tournoi éprouvant, durant lequel il a été poussé en cinq manches par le Québécois Félix-Auger-Aliassime, avant de disputer un autre dur match en quarts face au numéro 1, le Serbe Novak Djokovic.
« J’ai fait tout ce que j’ai pu pour m’offrir au moins cette occasion d’arriver là où je suis maintenant, et j’en suis content, s’est réjoui Nadal. Je suis content d’être en forme, de pouvoir avoir cette occasion de jouer ici en finale. »