«C’est maintenant ou jamais»
Jonathan Bernier
On le répète depuis plusieurs années: il n’y a pas mieux placé qu’un joueur ayant grandi au Québec pour saisir dans ses moindres détails ce que porter l’uniforme du Canadien représente.
La pression est grande, il y a parfois des jours difficiles. Surtout dans les périodes creuses. Un aspect de cette vie dont peut témoigner Jonathan Drouin.
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En revanche, les moments de bonheur et d’extase sont amplifiés à la puissance 10. La présence du Canadien en finale, le printemps dernier, l’a démontré. C’était la fête au centre-ville. Même les restrictions sanitaires visant à maîtriser la propagation de la COVID-19 avaient pris le bord.
Éliminé par le Tricolore au deuxième tour de ce même tournoi, Mathieu Perreault a suivi avec intérêt le reste du parcours de la formation montréalaise.
Lorsque Marc Bergevin lui a passé un coup de fil pour lui signifier son intérêt, quelques heures après l’ouverture du marché des joueurs autonomes, le Drummondvillois n’a pas hésité à accepter l’offre du directeur général. Même si elle n’était que d’une saison et même si elle signifiait une réduction de salaire plus que substantielle (passant de 4,125 M$ à 950 000 $).
«J’approche un point de ma carrière où je me dis que c’est maintenant ou jamais. J’ai décidé de mettre tous mes œufs dans le même panier», a indiqué l’attaquant de 33 ans lors d’une récente entrevue accordée au Journal.
«Avec ce que l’équipe a accompli l’an passé, si je peux apporter ma contribution pour aider à faire le petit bout qui manquait, je serais bien heureux.»
Le summum d’une carrière
Il n’y a pas à dire, Perreault a évolué pour d’excellentes formations au cours de sa carrière. À son arrivée dans la LNH, les Capitals de Washington écrasaient tout sur leur passage... jusqu’à ce que les séries s’amorcent.
En fait, c’est dans l’uniforme des Jets de Winnipeg qu’il a connu son plus long parcours: une présence en finale de l’Association de l’Ouest en 2018.
En plus de continuer de rêver de gagner la coupe Stanley, il peut maintenant rêver de le faire dans l’uniforme du CH.
«Quand tu gagnes une coupe à Montréal, tu passes à l’histoire à tout jamais, a-t-il lancé, des étoiles dans les yeux. Soulever la coupe avec le Canadien, je ne pourrais pas demander mieux. Je me sentirais accompli à 100 % dans ma carrière.»
Remporter le précieux trophée dans l’uniforme du CH pour un Québécois ouvre également la porte à des occasions d’après-carrière plus qu’intéressantes : Guy Carbonneau, Vincent Damphousse, Benoit Brunet et Patrice Brisebois travaillent ou ont travaillé dans les médias. Carbonneau s’est aussi retrouvé derrière un banc de la LNH, tout comme Patrick Roy et Jean-Jacques Daigneault (à titre d’entraîneur adjoint).
Au-delà de l’argent, la stabilité
Au fil de la conversation, Perreault a admis que le Canadien aurait tout de même été dans le haut de sa liste, même si l’équipe en avait arraché l’hiver dernier. Pour le père de trois enfants (dont des jumeaux) de 6 et 5 ans, le moment était venu de rentrer à la maison après un exil de près de deux décennies.
«Pour la première fois en 17 ans, je ne suis pas parti à la fin de l’été. Récemment, c’était la fête de mes jumeaux. Mes parents, mon frère, ma sœur et mes amis étaient là. On a organisé un party de fête. C’est quelque chose qu’on n’avait jamais pu faire auparavant. C’est le genre de petits moments que je peux apprécier parce que je suis ici, à Montréal.»
L’exemple de Spezza
Perreault n’a pas encore disputé un match officiel dans l’uniforme bleu-blanc-rouge. Ça ne l’empêche pas de se voir porter ces couleurs pendant quelques saisons.
«Je vais donner ce que j’ai et tant que je pourrai aider une équipe à gagner, je vais continuer. Et si c’est encore à Montréal, ce serait génial, a soutenu Perreault. Je n’ai pas encore l’âge de Jason Spezza, mais j’aimerais ça faire comme lui. C’est un gars de Toronto qui signe des contrats avec les Maple Leafs depuis quelques saisons.»
Après avoir disputé 10 saisons à Ottawa et quatre autres à Dallas, Spezza a choisi de rentrer au bercail. Au cours de l’été, l’attaquant de 38 ans a signé, pour une troisième année de suite, un contrat d’un an avec la formation de la Ville Reine.
«Dans ma vie, je suis rendu à l’étape de la stabilité. Ça fait 13 ans que je joue dans la LNH. Je suis à l’aise financièrement. Alors, ça ne me dérange pas d’accepter moins d’argent pour rester à Montréal et d’être bien au Québec avec ma famille. C’est maintenant ce qu’il y a de plus important.»
Un souhait plus que légitime. Toutefois, comme il le dit lui-même, ce sont ses performances qui dicteront la suite.
Obligé de prendre pour les Nordiques
Mathieu Perreault ne se promenait pas dans la résidence familiale avec un chandail du Canadien sur le dos lorsqu’il était enfant, mais bien avec celui des Nordiques.
«Je suis né et j’ai grandi en me faisant dire qu’il fallait qu’on prenne pour les Nordiques. Mon père était un partisan de cette équipe, alors on n’avait pas le choix de suivre», a plaisanté l’attaquant du Canadien.
Né en janvier 1988 à Drummondville, Perreault n’avait que 7 ans lorsque les Nordiques ont plié bagage en direction du Colorado. Mais déjà son allégeance avait changé.
«Quand j’ai commencé à jouer au hockey mineur et à aller à l’école, tout le monde autour de moi prenait pour le Canadien. Alors, je me suis rebellé et j’ai dit à mon père : “Désolé, mais je prends pour le Canadien”», a-t-il raconté dans un éclat de rire.
Manque de chance, le jeune Perreault a délaissé un club en difficulté pour un autre qui s’apprêtait à connaître l’un des pires passages à vide de son histoire. Comme tous les gamins de son âge, il a suivi la progression de Saku Koivu un peu par défaut. Disons qu’au tournant des années 1990, il était pas mal le seul joueur florissant du club.
Un oncle chez les Leafs
Toutefois, son joueur préféré n’a jamais porté l’uniforme des Nordiques ni celui du Canadien. Il s’est plutôt élancé sous les couleurs, entre autres, des Maple Leafs et des Bruins. Son nom: Daniel Marois.
«C’est mon oncle, le frère de ma mère. Il a exercé une grande influence sur moi. Il jouait dans la LNH, donc il était le modèle que je voulais devenir», a mentionné Perreault.
Choix de deuxième tour (28e au total) de Toronto en 1987, Marois a disputé 350 matchs dans la LNH. À deux reprises, il a franchi le plateau des 30 buts. Il a connu sa meilleure campagne en 1989-1990 avec une récolte de 76 points, dont 39 buts. Chez les Leafs, seul Gary Leeman avait fait mieux en secouant les cordages à 51 reprises.
«Il a toujours été proche de nous. Il suivait ce que je faisais dans le hockey mineur. Il nous invitait chez lui dans le temps des Fêtes. Alors, à quelques occasions, j’ai pu voir des matchs à Toronto et à Boston [dans les vétustes Maple Leafs Garden et Boston Garden] », se souvient-il.
«Mon frère et moi, on avait des chandails des Leafs et des Bruins avec le nom Marois écrit dans le dos. J’étais complètement ébloui par la vie de hockeyeur professionnel. Je me disais : “My God! C’est ça que je veux faire moi aussi”», a-t-il poursuivi.
Avec un fils de Bourque
Dans le vestiaire des Bruins, un autre bambin avait les mêmes ambitions que lui. D’ailleurs, les deux se sont retrouvés au sein de la même équipe une vingtaine d’années plus tard.
«À Boston, mon oncle jouait avec Raymond Bourque. Ma mère m’a raconté que son fils Chris [deux ans plus âgé que Perreault] et moi, on jouait au mini-hockey ensemble dans le salon des conjointes. C’est drôle parce que 20 ans plus tard, on a gagné deux coupes Calder avec les Bears de Hershey. C’est une belle histoire.»
Une autre preuve que le hockey est, parfois, un bien petit monde.