Ces clowns ont passé l’hiver dans des communautés inuites pour distribuer des sourires
Axel Tardieu
Ils sont huit artistes à avoir voyagé sept semaines au Nunavik, dans le nord du Québec, pour faire découvrir les vertus du cirque social aux enfants de ces terres éloignées, frappées par des hivers extrêmes et des défis sociaux lourds.
Pour cette mission spéciale, l’organisme La Caravane Philanthrope a fait appel à une Allemande, une Californienne, des Québécois et des Québécoises. Certains sont clowns, d’autres acrobates. Ils ont l’habitude d’intervenir dans des camps de réfugiés, des CHSLD ou avec des personnes en situation d’itinérance, mais c’était leur première fois dans ces communautés où le soleil est rare et les températures avoisinent les -45 °C.
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En janvier et février, les huit artistes ont visité une communauté inuite par semaine, dans le cadre de ce projet pilote soutenu par le programme éducatif Esuma.

En fin de journée, des activités parascolaires étaient organisées pour les élèves de la maternelle au secondaire. Ils se sont initiés au jonglage, à l’art du mime ou ont découvert d’autres accessoires de gymnastique, comme la roue allemande. Puis, la fin de semaine, les membres de La Caravane Philanthrope donnaient un spectacle avec les enfants du village.
Un espace de création inclusif
Félix Tessier Imbault, artiste multidisciplinaire de Montréal, faisait partie de l’équipe parcourant la baie d’Hudson. Il a mis son nez rouge dans les communautés d’Inukjuak, de Kuujjuarapik, de Puvirnituq et d'Akulivik.

«On leur offre un safe space. On arrive avec des jeux ludiques. Au bout de trois jours, ils sont capables de faire déjà plein de choses. Le cirque, c’est très rassembleur et les succès sont très rapides», explique-t-il.
Sa collègue Julia Perron Laflamme a été agréablement surprise par l’implication des adolescents.
«On leur donne un espace pour jouer et grandir, dit-elle. On traite tout le monde de la même façon. Le cirque, c’est ludique, accessible, et il y a toujours de nouveaux défis.»

Des hivers longs et durs
Si cette troupe se rend au Nunavik en hiver, ce n’est pas un hasard. À part le volley-ball et le basket-ball au gymnase, les activités manquent cruellement dans ce territoire peu habité qui occupe pourtant un quart de la superficie du Québec.
«Il n’y a pas de musée, ni de parc, ni de zoo ici», explique Thomassie Mangiok, directeur de l’école d’Ivujivik, où 450 personnes vivent, essentiellement des Inuits.
«La communauté est plus petite que la piste d’atterrissage de l’aéroport.»

Thomassie Mangiok a immédiatement vu l’effet positif du cirque sur les enfants.
«Ça les pousse à s’exprimer physiquement et à se développer dans un art qui est universel», se réjouit-il. Selon lui, en amenant une nouvelle discipline de l’extérieur, «on leur montre que tout est possible, que si quelque chose n’existe pas ici, nous pouvons le faire venir».
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Un baume pour les enfants
En plus de les occuper, le cirque peut aider les enfants en difficulté dans ces communautés aux problèmes sociaux multiples. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), le taux de suicide au Nunavik est 13 fois plus grand que pour l’ensemble de la province.
«Certains ont des problèmes à la maison où ils n’ont pas la chance de partager grand-chose ni d’avoir de reconnaissance. Avec le cirque, les enfants reçoivent l’appui d’adultes», estime Thomassie Magiok.
Malgré les vols annulés et autres complications liées à la météo qui surviennent lorsqu’on voyage de communauté en communauté, l’artiste Félix Tessier Imbault retenterait l’expérience sans hésiter.
«La communauté est tellement forte et soudée. On espère de tout cœur pouvoir revenir l’année prochaine. On voyait bien que les enfants aimeraient qu’on reste plus longtemps», raconte-t-il.