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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

La fondation de Lino Saputo investit 100 M$... dans Saputo

Une transaction inusitée qui laisse perplexes plusieurs experts en gouvernance

Lino Saputo Sr et son épouse, Mirella, lors d’une annonce de don de la fondation qui porte leurs noms, en 2019.
Lino Saputo Sr et son épouse, Mirella, lors d’une annonce de don de la fondation qui porte leurs noms, en 2019. Photo courtoisie, BusinessWire
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Sylvain Larocque

8 septembre 2021
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La Fondation Mirella & Lino Saputo a acheté pour 100 millions $ d’actions de Saputo au cours des derniers mois, ce qui soulève des questions, selon des experts.

• À lire aussi: Décès d’un magnat de l’immobilier sous surveillance

Peu avant l’achat des premiers blocs d’actions, en juin, le titre avait perdu plus de 10 % dans la foulée de la publication de résultats financiers décevants. La fondation a acquis d’autres actions de l’entreprise le mois dernier.

Il arrive que les initiés d’une entreprise cotée en Bourse investissent dans celle-ci dans le but de la soutenir, mais la Fondation Saputo assure que ce n’était pas le but des transactions effectuées en juin.

« Ça n’a rien à faire avec ça », tranche Camillo Lisio, directeur général par intérim de la fondation.

« On cherche des entreprises qui versent un dividende, ajoute-t-il. [...] On veut s’assurer qu’on fait des bons investissements qui vont faire en sorte qu’on va aider longtemps les communautés au Québec et au Canada. »

François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance, souligne que si la transaction visait à faire remonter l’action de Saputo, elle a échoué puisque le titre a continué de reculer dans les semaines qui ont suivi.

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La décision de la Fondation Saputo d’acheter autant d’actions de l’entreprise qui a fait la fortune de la famille est hors du commun, estime toutefois M. Dauphin.

Lino Saputo Jr, le grand patron de Saputo et sa conjointe, Amelia, une des administratrices de la fondation.
Lino Saputo Jr, le grand patron de Saputo et sa conjointe, Amelia, une des administratrices de la fondation. Photo courtoisie, BusinessWire

« Habituellement, les fondations se tiennent loin d’investir dans les actions des entreprises auxquelles elles sont liées, à moins que ce soit un don initial en actions », relève-t-il.

Selon le Guide sur la bonne gouvernance à l’intention des fondations canadiennes, publié par l’organisme montréalais Fondations philanthropiques Canada, « les personnes apparentées aux donateurs [...] devraient s’abstenir de conclure des opérations avec la fondation puisqu’on pourrait juger que celles-ci leur confèrent un avantage injustifié ». Parmi ces « opérations » : un « placement dans l’entreprise d’un administrateur » de la fondation en question.

« Je pense qu’il y a apparence de conflit d’intérêts ici », affirme Robert Pouliot, spécialiste en risque fiduciaire et chargé de cours à l’UQAM.

  • Écoutez la chronique d'Yves Daoust, directeur de la section Argent du journal de Montréal et du Journal de Québec, sur QUB radio: 

Crédits d’impôt

Les dons faits à des organismes de bienfaisance enregistrés procurent un généreux avantage fiscal : des crédits d’impôt pouvant atteindre la moitié de la somme versée.

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« Si la Fondation Saputo était un fonds complètement privé, elle pourrait investir où elle le veut et donner son argent à qui elle le veut, mais comme elle a un statut officiel et qu’il y a des crédits d’impôt en jeu... Il y a une responsabilité fiduciaire qui n’est pas exercée adéquatement », soutient M. Pouliot.

L’Agence du revenu du Canada n’impose aucune contrainte particulière aux fondations tant que celles-ci ne détiennent pas plus de 2 % d’une entreprise, indique Mark Blumberg, un avocat torontois spécialisé en droit caritatif.

Or, même si Lino Saputo détient près de 32 % des actions de Saputo, la Fondation Saputo n’en possède que 0,7 %. La participation dans Saputo représente environ 10 % des actifs de la fondation, selon M. Lisio. 

Certaines fondations privées comptent des membres externes à leur conseil. C’est le cas, notamment, de celles des familles Bombardier, Jarislowsky et Chagnon. 

À la Fondation Saputo, le seul membre externe est Joe Marsilii, qui est secrétaire de Jolina Capital, le holding personnel de M. Saputo.

« Une fondation devrait avoir une gouvernance plus élaborée que ça », insiste Robert Pouliot.

L’ajout de membres externes au conseil, « ça pourrait être une option à envisager dans un avenir rapproché si l’on veut s’assurer de ne pas être perçu comme étant en potentiel conflit d’intérêts », renchérit François Dauphin. 

Des actifs qui ont très vite grimpé  

La Fondation Mirella & Lino Saputo fait partie des fondations privées qui ont connu la plus forte croissance au cours des dernières années. Ses actifs sont passés de 140 millions $ à la fin de 2015 à près de 1 milliard $ aujourd’hui.

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Le couple milliardaire a multiplié les dons à sa fondation au cours des dernières années : 75 millions $ en 2014, 61 millions $ en 2015, 64 millions $ en 2016 et 50 millions $ en 2019, révèlent des données de l’Agence du revenu du Canada.

Placement payant dans TFI

La Fondation Saputo a aussi crû grâce à des placements payants. Depuis plusieurs années, elle est l’un des plus importants actionnaires de TFI International. Sa participation dans l’entreprise québécoise de camionnage atteignait 5,3 % à la fin de 2020. Or, le titre de TFI a progressé de plus de 400 % en Bourse au cours des cinq dernières années.

À la fin de 2019, le placement de la Fondation Saputo dans TFI représentait environ 70 % de ses actifs. À l’heure actuelle, il vaut plus de 700 millions $. 

« C’est un très bon investissement », a confié au Journal le directeur général par intérim de la fondation, Camillo Lisio.

Lino Saputo détient en outre une participation personnelle de 6,5 % dans TFI.

Les Rossy et Dollarama

Une autre fondation québécoise qui a progressé de façon notable au cours des dernières années est celle de la famille Rossy. 

À la fin de 2019, elle avait pour près de 730 millions $ d’actifs, dont une participation de 3,6 % dans Dollarama, entreprise fondée en 1992 par Larry Rossy. 

LES PLUS GROSSES FONDATIONS AU QUÉBEC  

  • Azrieli 2,4 milliards $  
  • Chagnon 1,9 milliard $  
  • Rossy 730 M$  
  • McConnell 675 M$  
  • Coutu 620 M$  
  • Saputo 370 M$  
  • Hewitt 290 M$  
  • Goodman 290 M$  
  • Pathy 285 M$  
  • Jarislowsky 240 M$   

Note : Chiffres les plus récents rendus publics par l’Agence du revenu du Canada. Les actifs de la Fondation Saputo sont passés de 370 M$ en 2019 à près de 1 milliard $ aujourd’hui.

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