Ce que la partielle dans Marie-Victorin nous dit des enjeux électoraux de l'automne prochain
Mathieu Carbasse
À moins de six mois des élections générales québécoises, la partielle dans Marie-Victorin ressemble à un test grandeur nature pour des partis politiques aux ambitions bien différentes.
Lundi prochain, les 45 500 électeurs de la circonscription de Marie-Victorin seront appelés aux urnes dans le cadre d’une partielle, déclenchée à la suite de l’élection de la députée sortante Catherine Fournier à la mairie de Longueuil.
C'est pourtant tout le Québec qui scrutera attentivement ce qui se passera dans ce château fort péquiste où 12 candidats s’affronteront.
Nous avons donc choisi de vous présenter cette partielle à travers trois enjeux que l’équipe de 24 heures a identifiés comme les enjeux des élections provinciales à venir: le logement, la vie chère et l’environnement.
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S'attaquer à la crise du logement
En matière de logement, la situation est très difficile à Longueuil. Le taux d'inoccupation tourne autour de 1,3% et plus de 1350 ménages sont en attente d'un logement à prix modique, selon les dernières données de l'Office municipal d'habitation de Longueuil. Et comme la circonscription de Marie-Victorin regroupe la majorité des quartiers les plus défavorisés de la Ville, le logement sera sans contredit une question centrale pour le ou la prochain(e) député(e). D’autant plus que Marie-Victorin fait également face à un problème majeur d'insalubrité des logements.
Pour lutter contre la crise du logement, la candidate de Québec solidaire Shophika Vaithyanathasarma propose un gel des loyers à l'échelle provinciale, comme on l’a fait en l’Ontario en 2021, le but étant de «permettre aux familles de sortir la tête de l’eau».
Pierre Nantel (PQ), député fédéral du NPD à Longueuil de 2011 à 2019, veut lui miser sur le milieu communautaire pour faire sortir de terre plus de logements sociaux. Il veut surtout s’assurer que «les projets en cours voient le jour» et compte travailler avec la municipalité pour l’octroi des terrains. Il se montre en faveur d’un droit de péremption pour la Ville, comme c’est le cas à Montréal.
Candidate pour le Parti libéral du Québec, Émilie Nollet symbolise le repositionnement un peu plus à gauche du PLQ. En matière de logement, Mme Nollet souhaite «plus de logements abordables et salubres, mais aussi plus d’accès à la propriété». Aussi la candidate veut-elle soutenir le développement de coopératives d’habitation. «C’est un mode de vie dont on ne parle pas beaucoup, mais qui permet de créer une sorte de mixité sociale et intergénérationnelle, d’avoir accès à des logements plus grands, plus adaptés à certains besoins», confie-t-elle.
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La formule coopérative est également mise en avant par Martine Ouellet, de Climat Québec. Elle y voit une solution «modulable» «qui permet de rejoindre la diversité». Mme Ouellet déplore cependant une trop lourde bureaucratie. «Ça prend parfois sept à huit ans à des projets pour voir le jour», se désole-t-elle.
Une autre option pour s’attaquer à la question de la pénurie et de l’insalubrité des logements dans la circonscription: faire appel au privé pour construire des logements sociaux. C’est notamment ce que propose la candidate conservatrice Anne Casabonne (PCQ).
«Au privé, la construction de logements coûte 50% moins cher parce qu’il y a tout un pan bureaucratique qui n'existe pas. On va donc faire en sorte d’aider les entrepreneurs privés à construire des logements sociaux», affirme-t-elle, soulignant toutefois «qu’investir dans le béton», n’est pas la priorité du PCQ, qui préfère proposer des baisses d’impôts.
Le privé est aussi un recours mis en avant par la candidate caquiste Shirley Dorismond, qui se réjouit de voir que le gouvernement a décidé d'«utiliser le privé pour accélérer la construction de logements abordables». Selon elle, le projet de loi 49 devrait permettre d’aider les municipalités à vendre des terrains et donc accélérer la construction de nouveaux logements.
Lutter contre la vie chère
La lutte contre la hausse des prix à la consommation s’invitera également à coup sûr dans la prochaine campagne provinciale. Et c’est encore plus le cas dans Marie-Victorin, où près de 15% de la population vit sous le seuil de faible revenu (contre 9,2% au Québec). Depuis plusieurs années, les demandes en aide alimentaire y explosent, et les effets de l'inflation y auront des répercussions majeures dans les mois à venir.
Pour s’attaquer au problème, Anne Casabonne se montre très critique au sujet des chèques de 500$ distribué par le gouvernement, «une mesure inflationniste», selon elle. Elle aimerait plutôt baisser les impôts, en relevant, par exemple, l’exemption d’impôt de 15 à 20 000$. «On préfère que ce soit le gouvernement qui se serre la ceinture», résume-t-elle.
Pour Martine Ouellet, il est préférable de jouer sur l’offre pour faire baisser les prix des biens alimentaires. «On peut agir en favorisant les agriculteurs locaux et les courtes distances, même dans la grande région de Longueuil. On a encore des terres, pourquoi on ne pourrait pas faire un petit marché, sans frais pour l’agriculteur? Il n’y a pas d’intermédiaires, pas d’infrastructures. On pourrait très bien organiser ça au parc Le Moyne, sur la rue Saint-Charles», propose la cheffe de Climat Québec, qui soutient que son parti présentera 125 candidats aux élections de l’automne.
Favoriser les circuits de proximité est aussi une proposition mise en avant par la candidate du Parti libéral, Émilie Nollet, qui veut augmenter le nombre de points de chute, car «il y a beaucoup de déserts alimentaires dans Marie-Victorin».
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D’autres solutions sont aussi mises en avant, comme le gel des augmentations de tarifs d’Hydro-Québec proposé par Québec solidaire et Shophika Vaithyanathasarma. «On veut aussi revoir le financement des organismes communautaires, pour qu’ils puissent avoir de la visibilité à long terme», avance-t-elle.
Pour la candidate de la CAQ Shirley Dorismond, le budget déposé par le ministre Girard le 21 mars dernier répond en tous points aux enjeux liés à la vie chère. «Depuis 2018, il y a 36% d’augmentation du financement des organismes communautaires. Ces derniers sont désormais financés à la mission, on est convaincus que ça va diminuer la bureaucratie», explique-t-elle.
Enfin, pour Pierre Nantel, du PQ, il faut que le ou la député(e) de Marie-Victorin soit plus que jamais présent(e) et à l’écoute, de façon à favoriser toutes les initiatives locales, par exemple les jardins communautaires. Il veut aussi s’assurer de «ramener des sous dans les poches des gens».
Agir pour l’environnement
Enfin, une autre question devrait être au cœur des débats à l’élection d’octobre: l’environnement. Même si l’enjeu est avant tout de compétence fédérale, il y a beaucoup de choses qui peuvent être entreprises dans Marie-Victorin, notamment en matière d’offre de transport collectif.
«On propose la gratuité des transports en commun, explique Martine Ouellet. On l’a vu avec les étudiants de l’Université de Sherbrooke, ça a été extrêmement structurant. Le centre-ville de Sherbrooke s’est revitalisé.»
Autre proposition de la candidate de Climat Québec: prolonger la ligne jaune de quatre stations, jusqu’à l’aéroport de Saint-Hubert. «Ensuite, on pourra réfléchir à comment on peut additionner les technologies du REM pour aller vers Brossard ou même le tramway pour aller vers Boucherville ou vers Chambly», souligne Mme Ouellet, qui veut aussi renforcer la ceinture verte de la circonscription.
Pour la candidate du parti au pouvoir Shirley Dorismond, il convient avant tout de s’appuyer sur le plan d’action du gouvernement Legault en matière d’environnement, qui est «chiffré et financé». Elle cite notamment l’électrification du transport scolaire comme moyen de réduire les GES dans la circonscription, et appuie le prolongement du REM sur la Rive-Sud tel que prôné par le gouvernement.
Toujours en matière de transport, Émilie Nollet propose de développer une offre multimodale, de créer du stationnement incitatif et de s’assurer que les stations soient accessibles. Idem pour Pierre Nantel (PQ), qui veut réunir l’ARTM et le RTL pour chercher à faciliter les déplacements entre Montréal et Longueuil. Pour Québec solidaire et Shophika Vaithyanathasarma, il faut rendre le transport en commun attractif, efficace et facile d’accès. Pour cela, «il faut travailler en collaboration avec nos collègues de la Ville de Longueuil».
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Autre enjeu environnemental pour la circonscription: la reconstruction de l'usine d'eau potable du Vieux-Longueuil, située dans Marie-Victorin, qui nécessitera des investissements majeurs de la part du gouvernement du Québec (plus de 300 millions de dollars).
«La situation de l’eau est épouvantable à Longueuil, la mairesse Catherine Fournier ne s’en est d’ailleurs pas cachée, explique Pierre Nantel. Il y a des travaux de réfection monstrueux à faire à l’usine de traitement des eaux usées. Il faut donc s’assurer de financer ça, pour que ce scandale arrête.»
Une situation dont la candidate conservatrice n’a pas connaissance. «Je dois l’avouer franchement, je ne savais même pas qu’il y avait un problème d’eaux usées», avoue sans détour Anne Casabonne, qui se dit, comme son parti (PCQ), en faveur de l’environnement. Pourtant, «l’écologie, ça fait partie de notre ADN», avance-t-elle. Rappelons toutefois que le Parti conservateur du Québec propose la reprise de l’exploitation du gaz de schiste et la fin des subventions aux véhicules électriques, en plus d’appuyer la réalisation d’un troisième lien entre Québec et Lévis.
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Liste des candidats à l’élection partielle du 11 avril 2022 dans Marie-Victorin
- Michel Blondin, Parti pour l'indépendance du Québec
- Anne Casabonne, Parti conservateur du Québec
- Shirley Dorismond, Coalition Avenir Québec
- Shawn Lalande McLean, Parti accès propriété et équité
- Michel Lebrun, Union nationale
- Pierre Nantel, Parti québécois
- Émilie Nollet, Parti libéral du Québec
- Martine Ouellet, Climat Québec
- Florent Portron, Équipe autonomiste
- Philippe Tessier
- Alex Tyrrell, Parti vert du Québec
- Shophika Vaithyanathasarma, Québec solidaire