Publicité
L'article provient de TVA Sports
Sports

Cole Caufield: les dessous d'une stupéfiante résurrection

Partager

Anthony Martineau

2022-02-28T12:34:14Z
Partager

Au terme de ses 30 premiers matchs de la saison, Cole Caufield n’avait marqué qu’un seul petit but et récolté huit points. 

Depuis le 9 février dernier, jour de l’embauche de Martin St-Louis à titre d’entraîneur-chef par intérim, il revendique 10 points, dont six filets... en huit matchs. Au cours de la même séquence, seulement 22 joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) ont affiché un meilleur rendement offensif.   

Voyez, en vidéo principale, l'entrevue complète offerte au TVASports.ca par le frère aîné de Cole Caufield, Brock.   

Revirement de situation, vous dites? Majeur! 

Un peu partout au sein du circuit Bettman, la question qui revient sans cesse, ces derniers jours, est la suivante : qu’est-ce qui explique une telle résurrection? 

La réponse populaire (et logique!) est constituée de deux mots : «confiance retrouvée».

Publicité

Sauf qu’il serait trop simpliste de s’arrêter à cet unique constat. Pourquoi? Parce qu’être «confiant», en tant qu’athlète, relève d’un processus très complexe. Et ce processus est vécu différemment par chaque sportif. 

À travers différentes entrevues menées auprès de proches de Cole Caufield, mais aussi auprès de professionnels de la psychologie sportive, le TVASports.ca a jugé bon de mener sa propre enquête, question de comprendre réellement comment Cole Caufield était finalement parvenu à redevenir... lui-même.

«Tu commences à avoir ton coach en tête...»    

Pour être en mesure de bien saisir une situation, il est parfois nécessaire de jeter un bref coup d’œil aux événements du passé.

Cole Caufield est un éternel abonné au succès. Avant son arrivée dans la LNH, il a toujours été le meilleur joueur des équipes pour lesquelles il s’est aligné. C'est du moins ce qu'affirme son frère Brock à l'occasion d'une généreuse entrevue. 

«Il a intégré la meilleure catégorie dès ses débuts au hockey et il y dominait. Il évoluait au sein des mêmes équipes que moi même s’il était deux ans plus jeune. Mais c’est vraiment son amour du jeu qui l’a distancé des autres. Quand nos amis rentraient à la maison, Cole restait sur la glace extérieure et pratiquait ses habiletés. Il a vraiment toujours eu une éthique de travail irréprochable.»

Avec les Canadiens et au sein d’un circuit comme la LNH, Caufield s’est cependant retrouvé dans une ligue où il était un bon joueur... parmi plusieurs autres. Il a donc dû s’adapter à une nouvelle réalité où il n’était plus la tête d’affiche, où il n’était plus «protégé» par son statut de vedette. 

Publicité

Si son arrivée à Montréal s’est très bien déroulée l’an dernier, il a, comme on le disait, frappé un mur au début (30 premiers matchs) de l’actuelle campagne. 

«La saison dernière, Cole est débarqué avec le CH dans un contexte où toutes les pièces se sont assemblées d’elles-mêmes, explique Tony Granato, qui a dirigé Caufield pendant deux saisons chez les Badgers du Wisconsin (NCAA). L’équipe gagnait et tout fonctionnait. Faire ses débuts dans la LNH dans un contexte du genre, c’est l’idéal. Mais cette année, les Canadiens ont perdu de gros éléments. Le moral des troupes n’était assurément pas à son mieux en début de saison et c’est difficile pour un jeune joueur de devoir composer avec ça et de performer. Ce n’est vraiment pas agréable.»

Photo Ben Pelosse
Photo Ben Pelosse

Pour Jean-Michel Pelletier, psychologue du sport et de la motivation certifié en EMDR, les difficultés rencontrées par Caufield lors des 30 premières parties du calendrier sont relativement faciles à expliquer. 

«Quand ça ne fonctionne pas sur le plan personnel, tu commences à avoir ton entraîneur en tête. C’est une réaction automatique que j’ai vue très souvent chez les athlètes avec lesquels j'ai travaillé. Sans vraiment s’en rendre compte, l’instructeur, qui voit son équipe sombrer, critique beaucoup plus ses joueurs qu’à l’habitude. Caufield faisait évidemment partie des joueurs critiqués et ce n’est pas quelque chose qu’il a vécu souvent. Il était donc complètement hors de sa zone de confort. 

«Dans ce contexte, le joueur en vient à ne plus prendre de risques parce qu’il ne veut pas déplaire à son entraîneur et faire des erreurs. Il réfléchit beaucoup, car il sait qu’à la moindre erreur, il risque d’être puni. C’est loin d’être un contexte idéal pour un joueur offensif.»

Publicité

«Le speech d’ouverture qu’il nous a fait... Wow!»  

Beth McCharles est une coach en préparation mentale bien réputée. Actuellement à l’emploi de la Ryerson University Athletics à Toronto où elle assure le suivi de plusieurs athlètes, elle est également mentor à l'Institut canadien du sport et a travaillé avec diverses organisations telles que Hockey Canada, Nike, Basketball Canada et les Forces armées canadiennes. Forte de plus de 20 ans d’expérience, elle a participé à sept championnats du monde en tant que sportive et consultante en psychologie du sport. 

Bref, difficile de trouver mieux pour discuter du lien entre la préparation mentale et les performances sportives!

«Parfois, il ne suffit que de changer quelques petites choses à sa routine d’avant-match pour être meilleur, avance-t-elle. Alors imaginez l’effet explosif que peut avoir un changement d’entraîneur! C’est l’occasion, pour un athlète, d’écrire une nouvelle histoire. C’est extrêmement excitant, motivant.»

Et cette «nouvelle histoire», Cole Caufield s’est chargé d’en débuter la rédaction rapidement.

Dès le premier match de Martin St-Louis derrière le banc des Canadiens, on a tout de suite pu constater que le rendement et l’attitude du petit no 22 étaient en tous points différents de ceux perçus lors des 30 duels précédents. 

«Oui, Cole idolâtre Martin St-Louis depuis toujours, raconte Brock Caufield. Mais il ne le connaissait pas en tant qu’entraîneur. Je me rappelle avoir été contacté par mon frère le jour de l’embauche de Martin. La première chose qu’il m’a dite à propos de lui est : "le speech d’ouverture qu’il nous a fait... Wow! Tout le monde a envie d’aller à la guerre pour lui."

Publicité
Photo Pierre-Paul Poulin
Photo Pierre-Paul Poulin

Visiblement, Martin St-Louis avait frappé dans le mile au sein du vestiaire des Canadiens. 

À ce propos, le docteur Pelletier y va d’une intéressante analyse sur le déroulement (et l'importance) d’une première rencontre. 

«Une étude démontre que lorsqu’on rencontre une personne pour la première fois, on se demande deux choses à son sujet. La première est: "est-elle crédible? Mérite-t-elle mon respect? Est-elle cohérante? Est-elle pertinente?".

«Moi, je ne roulerais pas les yeux devant Martin St-Louis! Il est pertinent et cohérant. Enfin, la deuxième question que l’on se demande, lors d’une première rencontre, est : "puis-je faire confiance à cette personne?". 

«Et la réponse à cette deuxième question arrivera dans quelques semaines. Au début, il y a toujours la période "lune de miel". Mais Caufield aura une idée claire de l’entraîneur qui le dirige lorsqu’il y aura de nouvelles périodes creuses au sein de l’équipe. Quand ça va bien, tout est plus facile! Mais lors d’une séquence plus difficile, St-Louis punira-t-il Caufield? Prendra-t-il le temps de lui parler, d'aller boire un café avec lui? C’est dans ces moments-là que va s’établir le lien de confiance.»

«Ce gars-là ne me voyait pas dans sa soupe!»    

S’il y en a un qui est bien placé pour comprendre ce que vit Caufield cette saison, c’est Pierre-Alexandre Parenteau. 

Joueur doté de belles aptitudes offensives, il a pu expérimenter les bienfaits de jouer pour un entraîneur qui croyait vraiment en lui. Tout ça après avoir côtoyé un instructeur qui, clairement, ne le portait pas dans son cœur. 

Publicité

La différence entre les deux univers, avance-t-il, est immense. 

«Ce qui me saute aux yeux, c’est que Cole Caufield veut maintenant jouer pour son entraîneur. Je sais exactement ce qu’il traverse en ce moment, parce que je l’ai vécu à l’époque avec Jack Capuano. J’aimais la personne qu’il était et son approche. Et cet entraîneur-là m’a relancé offensivement.     

«Avant l’arrivée de Capuano, c’était Scott Gordon qui était en place à Long Island. C’était une année où je devais me faire valoir et ce gars-là ne me voyait pas dans sa soupe. Oh que non! J’étais utilisé sur une quatrième ligne à 26 ans et je me disais que j’allais me retrouver dans les mineures. Ce gars-là, Scott Gordon, ne croyait pas en moi. Je n’avais donc aucune chance de me faire valoir.»

Parenteau poursuit. 

«On voit à mon avis la même chose avec Cole. Présentement, il veut en donner à Martin St-Louis parce qu’il le respecte beaucoup, mais Martin souhaite aussi en donner à Cole. Ça crée quelque chose de magique. Jack Capuano m’a donné ma chance, il m’a donné de la corde. C’est tout ce dont j’avais besoin. Exactement comme Cole. Il est en train de démontrer tout ce qu’il sait faire.»

«C’est impossible que ça fonctionne, cette méthode-là!»    

Tous les intervenants sondés dans le cadre de ce dossier sont bien clairs : pour un joueur comme Cole Caufield, une relation de qualité avec son entraîneur n’est rien de moins que primordiale. 

«Cole Caufield est clairement du type "relationnel", précise Jean-Michel Pelletier. Il est charismatique, souriant et blagueur. Les gens relationnels tirent leur énergie et leur confiance des interactions positives qu’ils ont avec autrui. Pendant un match, on voit que Cole aime discuter avec son entraîneur, qu’il aime revoir ses séquences avec un partenaire de trio, qu’il ne manque jamais une occasion d’éclater de rire sur le banc. Tout ça lui donne ce dont il a besoin pour performer.

Publicité

«De là l’extrême importance, pour Cole, d’une relation de confiance solide avec son entraîneur. C’est primordial si tu veux aller chercher le meilleur de lui! À l’inverse, un gars comme Carey Price, plus introverti, recharge son énergie quand on le laisse seul et dans sa tête.»

Brock Caufield confirme la théorie du psychologue sportif. 

«Cole est un bon joueur et les bons joueurs ont besoin d’être poussés. Mon frère était frustré, c'est certain. Mais j'ai toujours su que ce n'était qu'une question de confiance. Martin devra être dur avec lui et le challenger, mais de la bonne façon. Jusqu’ici, ça fonctionne bien, car il le met en confiance tout en lui demandant beaucoup sur le plan hockey. Quand tu as Cole Caufield dans ton équipe et qu'il est bien dans sa tête, tu sens que tu ne peux pas perdre un match. Et je sais de quoi je parle! 

Photo AFP
Photo AFP

«Cole peut marquer deux buts dans un match, mais il ne fera que me parler de la chance en or qu’il a raté un peu plus tôt. Il est juste obsédé par le fait de marquer!»

Mais le fait que Caufield semble à son mieux sous les ordres de St-Louis ne veut pas dire qu’il avait une dent contre Dominique Ducharme, assure Brock. 

«Sincèrement, il ne m’a jamais dit quelque chose de mal sur Dominique. Il le respectait et a vécu de beaux moments avec lui l’an dernier. Je crois juste qu’un nouveau départ était nécessaire pour tout le monde.»

Publicité

Pierre-Alexandre Parenteau enchaîne avec une expérience personnelle... justement liée à son passage avec les Canadiens.

«Un autre exemple de l’importance d’un lien de qualité entre un joueur et son entraîneur, c’est celui... que je n’avais pas avec Michel Therrien. J’avais souvent prouvé que je pouvais produire, mais lui, il ne m’a jamais rien donné. Il voulait que je lui démontre des flashs offensifs si je voulais avoir une vraie chance. Mais c’est impossible que ça fonctionne, cette méthode-là! Un joueur de talent, tu lui donnes des occasions et il va te le rendre au centuple. Pas l’inverse! 

«C’est un peu ce qui se passait avec Dominique Ducharme, selon moi. Je ne veux pas m’acharner sur lui, loin de là, mais il préférait faire jouer ses vétérans et le CH n’avait pas assez de talent en attaque pour se passer d’un joueur comme Cole Caufield.»    

 Le docteur Pelletier abonde exactement dans le même sens que l’ancien no 15 du CH. 

«Au cours d’un match, un joueur de hockey ne devrait jamais avoir à se demander s’il est approprié de faire une entrée de zone en passant par la droite, par exemple. Il ne devrait pas avoir à se soucier des risques d’échec. Il devrait juste exécuter le jeu qu’il juge lui-même comme étant le meilleur. Les athlètes sont à leur mieux lorsqu’ils jouent instinctivement. Quand l’instinct quitte un joueur, c’est là qu’il perd la fraction de seconde. Et c’est exactement ce qui se produit quand il y a une relation malsaine entre un joueur et un entraîneur.»

Publicité

La docteure Beth McCharles ajoute un point intéressant. 

«Pour retrouver le chemin du succès et demeurer sur une bonne séquence, tu dois, en tant qu’athlète, revenir à ce qui a fait de toi le joueur que tu es. N’essaie pas d’être quelqu’un d’autre. Si tu es là où tu es, c’est pour une raison bien précise. Sois toi-même et joue selon tes forces.»

Une discussion qui a «rechargé les batteries» de Caufield    

«Pour avoir confiance en soi, deux émotions sont importantes. Il y a d’abord la fierté. C’est ce qui va coller le positif dans l’identité de la personne. Par exemple, un petit gars de 10 ans qui remporte le Tournoi Pee-Wee de Québec et qui termine au premier rang des pointeurs de son équipe sera gagné par une immense dose de fierté. Plus les événements positifs et valorisants s’accumulent au cours de sa vie, plus ce jeune homme-là sera confiant et plus il aura les outils pour se remettre lui-même sur le droit chemin, car il se rappellera toutes les fois où il a su briller de lui-même.»

Cette analyse du docteur Pelletier explique bien des choses. 

À la recherche d’une bonne dose de confiance, Cole Caufield, qui devait fin janvier demeurer aux États-Unis pour respecter les règles sanitaires liées à la COVID-19, a décidé de se rendre à un endroit synonyme de joie et de succès pour lui : le Wisconsin. 

Le petit attaquant en a alors profité pour renouer avec ses anciens coéquipiers (dont son frère Brock!) des Badgers, équipe de la NCAA où il a récolté 88 points en 67 matchs, remportant au passage en 2021 le trophée Hobey Baker, remis au joueur par excellence du circuit universitaire américain. 

Publicité
Badgers du Wisconsin
Badgers du Wisconsin

Caufield a également passé de bons moments avec Tony Granato, dont il est toujours demeuré très proche depuis son passage au Wisconsin.

«C’était vraiment agréable, confirme Granato, le sourire dans la voix. Je pense sincèrement que ça a fait du bien à Cole. Il est revenu à un endroit où il s’est toujours senti confortable, où il a connu beaucoup de victoires personnelles et collectives. Il a pu patiner avec des amis proches qui sont toujours avec l’équipe, mais aussi avec son frère, Brock, qu’il apprécie beaucoup. Il a rechargé ses batteries.»

Parlant de «batteries rechargées», Granato confie d’ailleurs que Caufield et lui ont eu une bonne discussion concernant les Canadiens.

«Lorsqu’il est arrivé ici il y a un mois, Cole traversait une séquence très difficile sur le plan personnel. Nous avons alors eu une longue discussion. Je lui ai dit : "sois un joueur de hockey professionnel. Sois un joueur des Canadiens de Montréal! Certains jours, tout ira bien. Mais à d’autres moments, tout ira mal. Et c’est justement la façon dont tu géreras les séquences difficiles qui dictera la suite pour toi."»

«Il sera un buteur élite et régulier pour les Canadiens»    

À Montréal, et c’est d’autant plus vrai lorsqu’il est question d’un joueur de talent, l’âge de celui-ci est souvent laissé pour compte dans les différentes analyses.

Mais Tony Granato veut s’assurer que personne n’oublie cet important aspect. Surtout s’il est question de son ancien protégé.

«Il a seulement 21 ans. C’est toujours un enfant! Il a dû gérer une situation qu’il n’a jamais vécue auparavant. Mais de devoir faire face à tout ça aussi jeune sera extrêmement formateur pour lui. Sur tous les plans. Ça va le faire grandir de façon incroyable.»

Publicité

Et l’entraîneur des Badgers assure ne jamais avoir été inquiété par les difficultés rencontrées par Caufield en début de saison.

«Regarde où tu veux dans l’histoire. Tous les meilleurs joueurs ont aussi eu de moins bons moments. Wayne Gretzky, Mario Lemieux... Ils ont eux aussi eu des saisons où ils ont connu de longues séquences difficiles. Ils se sont blessés. Ils ont joué au sein d’équipes où rien ne fonctionnait. 

«Cole a été repêché par les Canadiens en raison de ses aptitudes exceptionnelles à inscrire des buts. Il sera un buteur élite et régulier pour les Canadiens. Il a ça dans le sang! Je veux vraiment que tu retiennes ceci : les attentes que les gens ont envers Cole, il les a aussi envers lui-même, mais de façon encore plus prononcée! Il veut être le gars qui prend les matchs en main, qui marque le gros but. C’est ça, Cole Caufield. Et ce sera ça jusqu’à la fin.»    

Laissons le mot de la fin à Brock Caufield. 

«Dès le jour où il a été repêché par les Canadiens, Cole a compris qu’il s’embarquait dans une formidable aventure au sein d’un club à l’histoire riche au possible. Chaque fois où il enfile ce chandail, il ne veut qu’une chose : rendre les partisans fiers.»

Cole Caufield a connu, ces derniers mois, les premiers moments difficiles de sa jeune carrière. Et il y en aura assurément d’autres. Mais il a su se relever, faire fi des (nombreuses) critiques et rebondir avec brio. 

Ça ne fait pas foi de tout, mais c’est assurément un bel indice de son niveau d’engagement. Et ça ne peut qu’être encourageant pour la suite. 

Publicité
Publicité

Sur le même sujet