Cauchemar en cuisine: abandonnés par leur cuisiniste après avoir payé le dépôt

Des clients affirment avoir perdu des dizaines de milliers de dollars aux mains d’une compagnie spécialisée dans les cuisines haut de gamme qui les aurait littéralement abandonnés après avoir encaissé leurs acomptes.

«C’était tellement un cauchemar», lance Golnar Karimi, qui a dû attendre pendant près d’un an avant de recevoir sa cuisine et sa garde-robe à 50 000$, qu’elle avait commandées chez Modena.

Golnar Karimi, de Montréal, s’est fait servir une série de prétextes par Modena pour justifier le retard de sa cuisine et de sa garde-robe, qui lui ont finalement été livrées près d’un an après la signature du contrat. Capture d'écran J.E

Cuisines non livrées, matériaux manquants, retards importants, engagements non tenus, problèmes aigus de communication, festival d’excuses pour justifier la situation: Cuisines Modena et Mobilier Modena auraient fait vivre un véritable enfer à des clients rencontrés par l’émission J.E et notre Bureau d’enquête.

Derrière ces entreprises se trouve Olivier Proulx, un entrepreneur montréalais à l’aube de la quarantaine. Depuis 2021, ses entreprises ont fait face à une dizaine de poursuites au civil et aux petites créances, les sommes réclamées pouvant aller jusqu’à 100 000$.

Lecture interrompue

Une erreur inattendue s'est produite, veuillez réessayer plus tard.

Nous avons rencontré plusieurs de ces clients insatisfaits, dont vous pourrez lire les témoignages jusqu’à lundi. Ils soutiennent que Modena a été incapable de livrer leur commande dans les délais prévus et qu’il est devenu extrêmement difficile de joindre la compagnie, une fois le contrat signé et des milliers de dollars en acomptes versés.

Pendant ce temps, des clients vivaient sans cuisine et se sentaient pris en otage, puisque l’entreprise refusait de leur rembourser leur dépôt.

«On savait qu’on n’allait plus jamais avoir cet argent-là si on décidait de retirer notre contrat. On avait l’impression qu’on n’avait pas le choix», se désole Golnar Karimi.

En entrevue avec notre Bureau d’enquête, le propriétaire de Modena, Olivier Proulx, assure qu’il s’agit là de «situations exceptionnelles» et que son entreprise a déjà un plan pour corriger le tir.

Olivier Proulx, président de Modena. Photo Pierre-Paul Poulin, Le Journal de Montréal / Agence QMI

Maman au service

Le point de contact entre le client et Modena était généralement la mère d’Olivier Proulx, Diane Saint-Jacques, une femme qui cumule une longue carrière dans l’industrie.

Alors qu’elle dirigeait une autre compagnie de cuisine, le tribunal l’a condamnée en 2012 à rembourser le dépôt de 32 000$ versé par des clients qui avaient fait annuler leur contrat, quelques jours après l’avoir signé.

Diane Saint-Jacques est la mère du propriétaire de Modena, Olivier Proulx. Elle a aussi été à la tête d'entreprises de cuisines durant des décennies. Photo tiré de la page Facebook de Diane Saint-Jacques.

Chez Modena, M^me Saint-Jacques aurait invoqué à ses clients toutes sortes de raisons pour justifier les retards, comme des problèmes avec le fournisseur, le transporteur, les douanes et les employés.

Nombreuses poursuites

Certains consommateurs ont obtenu gain de cause devant les tribunaux ou alors grâce à un règlement à l’amiable. Malgré cela, l’entreprise peinait à respecter ces jugements et à dédommager les consommateurs.

Dès que notre Bureau d’enquête a commencé à recueillir les témoignages de leurs clients, toutefois, la compagnie s’est mise à les contacter pour prendre une entente avec eux.

– Avec Nicolas Brasseur

Dans la mire du fisc et de l’OPC

Il n’y a pas que les clients qui en ont contre Cuisines Modena. L’entreprise d’Olivier Proulx est aussi visée par les autorités fiscales provinciale et fédérale, en plus d’être dans la mire de l’Office de la protection du consommateur.

Revenu Québec réclame en effet à Cuisines Modena plus de 261 000$ en impôts et en TVQ impayés, alors que l'Agence du revenu du Canada tente de récolter 47 000$ en TPS, selon deux jugements rendus en décembre dernier.

Olivier Proulx conteste ces réclamations, a-t-il fait savoir.

L’Office de la protection du consommateur (OPC), quant à elle, a émis un avis à Modena en janvier 2024 pour lui rappeler que les dépôts reçus d’un client, pour des travaux devant être effectués plus de deux mois après la signature du contrat, doivent être placés dans un compte en fidéicommis.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Le propriétaire de Modena confirme avoir reçu cette mise en garde. Il n’a toutefois pas la même lecture de la loi et estime qu’il lui est permis d’utiliser les dépôts pour payer, par exemple, les fournisseurs, une fois la commande passée.

La prévention: le nerf de la guerre

Mieux vaut jouer de prudence et miser sur la prévention lorsque vient le temps de rénover, s’entendent des experts rencontrés par l’émission J.E. Ces derniers recommandent d’effectuer des vérifications avant de retenir les services d’une entreprise. Voici quelques outils à considérer:

La Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ) pour consulter en ligne les jugements rendus envers une compagnie;
La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) pour vérifier la licence et les sanctions envers l’entreprise, s’il y a lieu;
L’Office de la protection du consommateur (OPC) afin de vérifier si des plaintes ou des avis ont été émis envers une compagnie. L'OPC recommande d'ailleurs de verser « le plus petit montant possible » en dépôt, surtout dans le domaine de la rénovation.