Caisse de dépôt: les employés ont des salaires à faire rêver
En matière de rémunération, le bas de laine des Québécois est dans une classe à part


Sylvain Larocque
Il n’y a pas que les dirigeants de la Caisse de dépôt qui touchent une rémunération à faire rêver. Les employés subalternes de l’institution gagnent eux aussi des salaires qui défient toute concurrence.
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Le Journal a demandé à la Caisse de lui communiquer les échelles salariales pour des emplois courants comme adjointe administrative, avocat et développeur logiciel. L’institution a toutefois refusé de divulguer ses salaires maximaux pour la plupart des catégories d’emploi, préférant s’en tenir aux salaires médians.
L’an dernier, les adjointes administratives de la Caisse gagnaient ue rémunération médiane de 72 000$. C’est l’équivalent du salaire maximal pour ce poste dans les municipalités québécoises et 31% de plus que le salaire maximal au gouvernement du Québec.
Adjointes administratives
Salaire médian à la Caisse: 72 000$
Salaire maximal dans le secteur de la fabrication: 80 000$
Salaire maximal dans les municipalités: 72 000$
Salaire maximal au fédéral: 66 000$
Salaire maximal au gouvernement du Québec: 55 000$
Sources: CDPQ, ISQ
La dynamique est la même pour les avocats. À la Caisse, leur rémunération maximale atteint 218 000$ (et 289 000$ pour les chefs d’équipe). C’est 10% de plus que le salaire maximal au gouvernement fédéral et 44% de plus que le salaire maximal au gouvernement du Québec.
Avocats
Salaire maximal à la Caisse: 218 000$
Salaire maximal au fédéral: 198 000$
Salaire maximal au gouvernement du Québec: 151 000$
Salaire maximal dans les entreprises privées de 500 employés et plus: 148 000$
Sources: CDPQ, ISQ
Sans les bonis!
Notons que ces salaires excluent les primes de performance, qui sont versées chaque année aux employés de la Caisse, même lorsque les rendements de l’institution sont inférieurs à ceux de ses pairs.
Pour l’année 2023, la Caisse a déboursé 196 M$ en bonis, soit une moyenne de plus de 119 000$ par salarié. Ce sont toutefois les cadres et les employés responsables des placements qui touchent la plus grande partie de ces sommes.
La générosité de la Caisse est moins frappante dans le secteur des technologies de l’information, où les salaires sont élevés de façon générale. Un développeur y gagne actuellement un salaire médian de 101 000$. C’est tout de même 20% de plus que le salaire médian pour ce poste au Québec, lequel s’élève à 84 000$ pour 35 heures de travail par semaine, selon le site fédéral Guichet-Emplois.
Lucratif secteur financier
Pour justifier sa rémunération alléchante, la Caisse explique que celle-ci «est alignée avec celle du secteur de la finance», laquelle figure parmi les plus élevées de toutes les industries.
C’est là la façon habituelle de procéder, indique Serge Goyette, un consultant en rémunération ayant plus de 35 ans d’expérience.
«Quand on établit des structures salariales, on regarde toujours ce qu’est notre marché de comparaison, parce que c’est notre bassin de main-d’œuvre, dit-il. Et pour la Caisse de dépôt, c’est le marché financier.»
Pour les postes non liés à l’investissement, «la rémunération globale doit se situer en deçà de celle du 75e rang centile du marché de référence», lequel est composé de 54 organisations, dont le Mouvement Desjardins, CGI, WSP, Rio Tinto, la SAQ, Investissements PSP, Énergir, la Banque Nationale, Québecor et Air Canada, précise une porte-parole de la Caisse, Kate Monfette.
Cela signifie que les salaires de la Caisse peuvent être plus élevés que ceux des trois-quarts de ces employeurs. La barre est encore plus haute pour les postes liés à l’investissement (90e rang centile).
«Attirer et retenir les meilleurs»
«Nous devons pouvoir attirer et retenir les meilleurs talents de l’industrie pour gérer les épargnes des Québécois et les investir à travers le monde afin d’en retirer un rendement optimal», soutient Mme Monfette.
Stéphane Renaud, professeur de relations industrielles à l’Université de Montréal, abonde dans ce sens.
«C’est dans l’intérêt d’une organisation et de ses travailleurs de déployer une meilleure rémunération, parce que quand un poste se libère chez vous, vous devriez être en mesure d’attirer plus de candidats [...] et d’obtenir des travailleurs plus performants et plus productifs», affirme-t-il.
En 2023, la Caisse a déboursé 509 M$ en salaires et avantages sociaux pour ses 1644 employés, ce qui revient à une moyenne de près de 310 000$ par personne.
Ce chiffre impressionnant est tiré par le haut par les grands patrons de l’institution, dont la rémunération se calcule en millions de dollars. Le PDG de la Caisse, Charles Emond, a touché plus de 4,5 M$ l’an dernier, trônant tout au sommet des salaires versés par l’État québécois.