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Politique

«Mme Echaquan a bel et bien été ostracisée, et sa mort aurait pu être évitée», dit la coroner

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TVA Nouvelles

5 octobre 2021
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La coroner Géhane Kamel tient un point de presse mardi matin pour parler de son rapport sur la mort de Joyce Echaquan. 

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Lors de son enquête, elle a entendu plusieurs témoins, dont plusieurs de la communauté autochtone. 

«Je dois dire que certains témoignages m'ont ébranlée», avoue-t-elle. «Joyce Echaquan a été décrite par sa famille et son conjoint comme une personne aimante.»

«Nous devions faire la lumière sur cette mort pour qu'elle ne soit pas vaine», rajoute-t-elle. «Pour ce faire, nous devions remettre en question, soupeser et analyser les faits dans leurs moindres détails.»

Mme Echaquan avait des antécédents de santé, dont un diabète et une myocardie. 

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Les employés ont pensé que Mme Echaquan avait des problèmes de consommation, mais les symptômes étaient sans lien avec une consommation de stimulants ou de cannabis. 

Mme Kamel y souligne que le décès de Joyce Echaquan était «accidentel», mais que le racisme systémique et les préjugés à son endroit y ont contribué. 

Joyce Echaquan est décédée des suites d’un œdème pulmonaire provoqué par un choc cardiogénique. La défaillance cardiaque pourrait être à l'origine du décès. 

Le décès de Mme Echaquan est constaté à 12h04 par le médecin. 

«Notons le manque d'attention aux palpitations cardiaques notées par la patiente», rajoute-t-elle. 

Mme Echaquan a souffert de contention physique et chimique. 

Racisme systémique              

«Lors des témoignages du personnel soignant, des versions contradictoires ont été révélées», dit Me Kamel. 

La plupart des employés ont nié le racisme à l'Hôpital de Joliette, mais quelques personnes ont affirmé avoir entendu des préjugés clairs contre la communauté atikamekw. 

L'infirmière et la préposée aux bénéficiaires qui ont été enregistrées ont toutes deux nié les faits. 

«Si ce n'avait pas été de la captation vidéo, Mme Echaquan n'aurait jamais été entendue», déplore Me Kamel. «Il y a eu du racisme systémique, c’est indéniable.»

«J'ai entendu dans les derniers jours la sémantique autour du mot systémique, mais utilisez le mot que vous voudrez, mais moi je ne voudrais pas tant qu'on s'accroche sur les mots plutôt que de rater un rendez-vous important et historique.» 

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«Le racisme systémique ne veut pas dire que tous les Québécois sont racistes», rajoute-t-elle. «Pourquoi c'est écrit racisme systémique, c'est parce que dans le cas de Mme Echaquan, c'est ça qui s'est passé. Je pense que de l'identifier, on aura fait un grand pas.»

Aucune alternative offerte                   

Me Kamel déplore qu'on n'a pas offert de mesures alternatives pour soulager les craintes et les souffrances de Mme Echaquan. 

«Jamais cette idée d'un accompagnement culturel n'a traversé la tête de la communauté soignante, malgré la disponibilité d'une agente de liaison autochtone», déplore Me Kamel. 

Mme Echaquan a de toute évidence reçu l'étiquette de patience difficile, note Me Kamel. En août 2020, lors de sa visite précédente, on l'a décrite comme patiente difficile, une étiquette qui lui est restée. 

«Elle a été infantilisée», note-t-elle. «Certains ont eu des mots durs à son endroits alors que d'autres n'ont simplement pas agit.» 

«Ça souligne comment la dispension des soins peut être faite selon deux poids, deux mesures», déplore Me Kamel. 

«La situation montre comment la patiente a été laissée à elle-même», explique-t-elle. 

La surveillance de Mme Echaquan s'est faite à travers la fenêtre du cubicule, faute de temps. Elle n'a pas reçu de surveillance adéquate. 

«La situation clinique aurait pu etre réversible s'il y avait eu une surveillance accrue par une infirmière d'expérience, si un transfert plus rapide en salle de réanimation avait été fait», dit-elle entre autres.

Mme Echaquan se trouvait dans une situation critique quand une employée l'a envoyée en chambre de réanimation. 

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Le 22 octobre 2020, des représentants syndicaux de la FIQ ont tiré la sonnette d'alarme, en disant que le ratio patients-employés était insuffisant. 

Me Kamel note également que le jour de décès de Mme Echaquan, le taux d'occupation de l'hôpital dépassait le 100%.

Des recommandations claires         

«La bataille contre le racisme et les préjugés commence par s'ouvrir à l'autre», dit Me Kamel. «Il est temps de mettre en place des stratégies antiracistes.»

L'organisation culturelle est une piste de solution fournie par plusieurs experts, dont le docteur Stanley Vollant. 

«Les travaux du ministère sont nécessairement un gage d'espoir», ajoute Me Kamel. 

Un financement de 15 M$ a été annoncé pour implanter l'organisation culturelle dans tous les milieux de santé, entre autres. 

«Bien que des actions aient été entreprises par le gouvernement, la reconnaissance d'une disparité de traitement est fondamentale», rajoute Me Kamel. 

Des questions sur le racisme systémique ont été posées. 

«Il est de mon devoir, à titre de coroner, que personne de la communauté autochtone ou de toute autre communauté reçoive des soins tels que reçus par Joyce Echaquan», se désole-t-elle.

«Mme Echaquan a bel et bien été ostracisée, et sa mort aurait pu être évitée.»

Pour éviter que d'autres décès ne se reproduisent, elle recommande que le gouvernement québécois reconnaisse le racisme systémique au sein de nos institutions. 

Elle recommande que le CISSS de Lanaudière engage un agent de liaison de Manawan et l'intègre aux équipes de soins. 

Elle note que les informations médicales doivent être transmises en temps réel. 

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Elle demande que les standards de ratio infirmières et préposés aux bénéficiaires doivent être revus selon les recommandations. 

Me Kamel demande que le personnel soignant reçoive des formations périodiques à la tenue de dossier, à la contention et autres.

La coroner recommande au Collège des médecins du Québec qu'il s'adresse aux deux docteurs qui ont vu Mme Echaquan en septembre 2020. 

Elle recommande aussi au Ministère de l'enseignement supérieur qu'il forme des médecins, infirmières et infirmières auxiliaires en prenant en compte les réalités des patients autochtones. Elle demande qu'il y ait avantage de stages dans les communautés autochtones. 

«L'ensemble de ses recommandations est importante, il ne faudrait pas induire que l'une est plus importante que l'autre», dit Me Kamel. 

« Il serait extrêmement triste que le décès de Joyce ait fait en sorte qu’on n’ait rien compris. J'espère que ce qu'on retiendra de cette grande enquête, c'est que Joyce nous a laissé un héritage important. Si j'ai un seul point à faire, c'est qu'en tant que société, pouvons-nous faire en sorte de se tendre la main?» demande-t-elle. 

Un rapport sorti trop tôt                       

«Le 30 septembre 2021, le rapport a été déposé à certains intervenants et nous avons appris qu'il était dans les mains dans les certains médias», dit Me Kamel. 

Les recommandations et conclusions de la coroner à propos du décès de Joyce Echaquan ont été dévoilées dans les médias le vendredi 1er octobre dernier. 

La diffusion devait pourtant se faire le mardi 5 octobre. 

«Rappelons que la politique adoptée en janvier 2019 prévoit que les substances chimiques, la contention et l'isolement doivent avoir lieu en dernier recours seulement.» 

Rappelons que Joyce Echaquan est décédée le 28 septembre 2020 sous des insultes et des propos racistes de la part du personnel de l’hôpital de Joliette. 

La femme atikamekw de Manawan de 37 ans laisse dans le deuil ses sept enfants et son conjoint, Carol Dubé. 

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