Buffet à volonté avec les taxes des Montréalais à l'Office de consultation publique de Montréal
Des cadres de l’Office de consultation publique de Montréal ont multiplié les sorties au restaurant et les voyages aux frais des contribuables
Dominique Cambron-Goulet et Annabelle Blais
L’Office de consultation publique de Montréal, financé à 100% par des fonds publics, échappe presque à tout contrôle depuis des années. Ce qui a permis la mise en place d’une culture de dépenses au restaurant, de voyages, de copinage et a même envenimé un climat de travail toxique, problèmes contre lesquels la Ville de Montréal se dit impuissante.
Au moment où Montréal se plaint de manquer d’argent, notre Bureau d’enquête a découvert que les contribuables montréalais paient depuis des années pour des dépenses extravagantes à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), un petit organisme financé à 100 % par la Ville.
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Une réunion à deux qui coûte 245 $ de restaurant, soirée arrosée à 900 $, un voyage de 23 jours à 23 000 $, une paire d’écouteurs à 900 $, trois écrans de télévision à 20 000 $, des billets de hockey à 500 $, les exemples d’achats douteux ne manquent pas.
Il y a quelques semaines, la présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, affirmait qu’elle cherchait où couper dans le budget de la Ville de Montréal.
La numéro 2 de l’administration Plante est toutefois bien placée pour savoir que l’OCPM dépense presque sans compter, puisqu’elle en a été la présidente de 2014 à 2021.
En 2016, par exemple, elle a choisi de célébrer l’anniversaire d’un employé et ex-partenaire d’affaires en partageant avec lui un repas à 347 $ dans un bar à huîtres de Paris aux frais des contribuables.
Créé en 2002, l’OCPM a pour mission de sonder l’opinion des Montréalais sur certains projets municipaux, comme la fermeture de la voie Camillien-Houde.
Beaucoup de restaurants
Or, ses dirigeants actuels, la présidente Isabelle Beaulieu et son secrétaire général Guy Grenier, ainsi que les précédents, Dominique Ollivier et Luc Doray, sont responsables de dépenses pour le moins étonnantes par rapport à son mandat.
Notre Bureau d’enquête a constaté que l’organisme, qui compte une douzaine d’employés permanents et une soixantaine de contractuels, a plus dépensé au restaurant que chacun des arrondissements de Montréal et que des services municipaux qui font plus de dix fois sa taille depuis 2016.
«La facilité avec laquelle on se rencontre au restaurant entre pairs de l’Office suggère qu’on a des moyens presque illimités, alors que la Ville de Montréal dit qu’on a besoin de plus de ressources financières de façon pressante», fait remarquer la professeure de l’UQAM spécialisée en gestion municipale, Danielle Pilette.
L’OCPM multiplie également les missions à l’étranger, qui coûtent des dizaines de milliers de dollars par an et dont les retombées sont parfois floues.
Peu redevables
Bien qu’ils gèrent 3 M$ de fonds publics, Mme Beaulieu et M. Grenier ont refusé notre demande d’entrevue.
«Nous respectons, comme organisme de consultation publique, un devoir de neutralité et de réserve», a justifié Guy Grenier dans un courriel.
Dominique Ollivier, de son côté, juge que les sorties au restaurant et les voyages s’inscrivent dans le rôle de l’organisme, mais a refusé de s’avancer sur la légitimité de dépenses précises.
Selon les encadrements de la Ville qui régissent les cartes de crédit et les frais de réunion et de voyage, l’OCPM aurait enfreint de nombreuses directives sur les dépenses.
Mais l’administration Plante affirme que, bien qu’il pige directement dans le budget de la Ville, l’OCPM n’a pas non plus à se soumettre aux encadrements de la Ville qui régissent les cartes de crédit et les frais de réunion et de voyage. Il peut établir ses propres règles en la matière.
«C’est très, très clair pour moi, toutes les dépenses [...] ont été faites en accord avec le cadre de l’OCPM et ont été faites en accord avec le contrat de travail que j’avais», jure-t-elle, en entrevue.
Toutefois, ni Mme Ollivier ni l’OCPM n’ont été en mesure de fournir leur politique interne sur les dépenses ou de nous en citer les grandes lignes.
«Il y a une confusion entre l’indépendance des commissaires [de l’OCPM] et l’indépendance financière, juge cependant Mme Pilette. On est au périmètre financier de la Ville de Montréal. Il faut que les directives de la Ville soient appliquées par l’organisme.»
Mme Ollivier se dit ouverte à «avoir un débat» sur les encadrements qui régissent l’OCPM.
Le professeur d’éthique à l’UQAM, Michel Séguin, juge qu’il faut surtout respecter l’esprit des règles et que ce n’est pas parce qu’une dépense est conforme qu’elle est légitime.
«Si notre objectif est de gérer notre image d’intégrité, la pire réponse qu’on peut donner, c’est que “j’ai respecté les règles”», affirme-t-il.
L’ancien secrétaire général de l’OCPM, Luc Doray, affirme être «à l’aise» avec toutes ses dépenses, qui ont été approuvées par Dominique Ollivier, insiste-t-il.
«En principe j’approuvais [les dépenses de la présidente], mais c’était un peu une vue de l’esprit. Parce que la personne qui a le pouvoir dans l’organisation, c’est la présidence.», affirme M. Doray.
En 2001, M. Doray a été reconnu coupable de fraude envers le gouvernement. Alors qu’il était chef de cabinet ministériel dans les années 1990, il avait gonflé de près de 34 000 $ ses allocations de dépenses, notamment avec des frais de restaurant et de voyage. Il précise avoir depuis obtenu un pardon.
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