Mark Carney a plusieurs cartes dans sa manche pour faire face à Donald Trump, en raison de son rôle passé dans Brookfield qui a bien aidé le clan du président américain
La firme qu’a présidée Mark Carney a rendu une fière chandelle au gendre de Donald Trump en sauvant son entreprise de sérieuses difficultés financières
Anne Caroline Desplanques et Jean-François Cloutier
La firme qu’a présidée Mark Carney jusqu’à son saut en politique en janvier a rendu une fière chandelle au gendre de Donald Trump, Jared Kushner, en sauvant son entreprise de sérieuses difficultés financières.
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Ce coup de pouce financier est l’un des liens découverts par notre Bureau d’enquête entre Carney et l’entourage direct du président Trump (voyez les autres textes). Ces liens pourraient être des atouts dans le jeu de Carney s’il était élu premier ministre à la fin avril.
L’affaire remonte à 2018 quand Brookfield a signé un bail de 99 ans pour louer la totalité d’une tour de 41 étages de la famille Kushner au cœur de Manhattan à New York. Facture totale: 1,1 G$ US.

La compagnie canadienne a payé les 99 ans de loyer en une seule fois plutôt qu’annuellement. Ce geste hautement inhabituel a assuré une entrée d’argent massive et rapide à l’entreprise Kushner, qui devait justement rembourser 1,2 G$ US en hypothèque quelques mois plus tard en février 2019.
Brookfield est une firme canadienne d’investissement tentaculaire qui a des intérêts partout sur la planète dans les infrastructures, l’immobilier, les énergies renouvelables et le capital-investissement (voyez l’autre texte).
Marc Carney en a dirigé le conseil d’administration jusqu’au 15 janvier dernier et il y détient toujours d’importants intérêts financiers.
Refus de collaborer à une enquête du Sénat
S’il n’était pas à la tête du géant financier au moment de la fameuse mégatransaction, Mark Carney l’était quand le Comité des finances du Sénat s’est mis à enquêter sur le fameux chèque de 1,1 G$ US.
Pendant son mandat, Brookfield «a refusé à deux reprises» de fournir les informations requises par les sénateurs, a déclaré le sénateur Ron Wyden, président du Comité, dans une lettre adressée à la firme en 2022 et consultée par notre Bureau d’enquête.
Le Comité sénatorial des finances tentait de comprendre les liens entre Brookfield et le Qatar puisque la transaction avait été faite par Brookfield Property Partners (BPY), une branche de la firme dont un des plus importants investisseurs est le fonds souverain de cette monarchie du Golfe (QIA).
Le fonds qatari a le pouvoir de choisir un administrateur de BPY et de recevoir des informations confidentielles inaccessibles aux autres investisseurs, a révélé une enquête du Financial Times.
Selon Reuters, les Qataris ne se seraient jamais prévalus de ce droit. Cependant, les soupçons de conflits d’intérêts et d’ingérence sont lourds, car Jared Kushner était conseiller du président Trump pour le Moyen-Orient entre 2018 et 2021.
Deux ans d’obstruction
Pour tenter d’y voir clair, le sénateur Wyden a adressé une première lettre réclamant des informations à Brookfield en décembre 2020. Deux ans plus tard, en octobre 2022, n’ayant reçu aucune réponse satisfaisante, il a de nouveau sommé l’entreprise de collaborer.
«De nouvelles révélations ont soulevé des inquiétudes nouvelles à savoir que Jared Kushner a été en contact direct avec des officiels qataris après que son entreprise familiale a obtenu des fonds du gouvernement du Qatar», écrivait-il alors, soulignant être «profondément inquiet».
L’équipe de M. Carney au Parti libéral du Canada n’a pas répondu aux questions de notre Bureau d’enquête indiquant que «toutes les questions spécifiquement en lien avec Brookfield devraient être envoyées directement à la firme». Brookfield n’a pas répondu à nos questions.
Durant la campagne au leadership du parti, M. Carney a déclaré: «Je n’ai aucun lien avec Brookfield Asset Management et je n’y joue évidemment plus aucun rôle».
Il a ensuite expliqué que ses avoirs sont placés en fiducie sans droit de regard. Reste qu’il détient toujours des options d’achat de 409 300 actions de l’entreprise, d’une valeur globale de 6,8 M$ US en décembre dernier.
– Avec Philippe Langlois
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