Branle-bas de combat à l’OMS pour s’adapter avant le départ des États-Unis
AFP
L’Organisation mondiale de la santé va revoir sa stratégie et prendre des mesures d’économies pour faire face au trou financier laissé par le départ annoncé des États-Unis, tout en rappelant au président Trump le rôle crucial qu’elle joue pour « protéger » son pays des menaces sanitaires.
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Donald Trump justifie sa décision par l’écart des contributions financières américaines et chinoises et accuse l’OMS d’« arnaquer » les États-Unis.
À peine revenu de Tanzanie, confronté à une flambée du dangereux virus de Marburg, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a écrit à ses troupes pour les rassurer quant à un avenir sans les États-Unis et leur argent.
Dans un courrier interne, dont l’AFP a obtenu une copie, il explique les mesures prises « pour atténuer les risques » et « protéger les activités et le personnel (...) dans toute la mesure du possible ».
« Nous (...) espérons que la nouvelle administration (américaine, NDLR) reconsidérera sa position. Nous sommes prêts à engager un dialogue constructif afin de préserver et de renforcer la relation historique entre l’OMS et les États-Unis », écrit-il.
Les États-Unis, qui avaient déjà entamé les démarches pour quitter l’OMS lors du premier mandat de M. Trump en 2020, sont le principal donateur et partenaire de cette organisation onusienne basée à Genève.
La contribution américaine représentait un peu plus de 16 % du budget de l’OMS, qui court sur deux ans, pour 2022-2023, soit près de 1,3 milliard de dollars.
Pour le chef de l’OMS, le constat est sans appel : « cette annonce a aggravé notre situation financière et nous savons qu’elle a suscité beaucoup d’inquiétude et d’incertitude au sein du personnel de l’OMS ».
Arriérés de paiement
« Nous examinons les activités à financer en priorité » et « nous suspendons les recrutements, sauf dans les domaines les plus critiques », précise le chef de l’organisation, avant d’énoncer une batterie de mesures pour réduire les coûts et gagner en efficacité.
Réduction des dépenses liées aux voyages, réunions exclusivement en ligne, missions techniques « limitées aux plus essentielles », remplacement du matériel d’information limité, suspension des rénovations.... Et la liste n’est pas exhaustive, prévient M. Tedros.
L’organisation va également poursuivre sa stratégie de diversification de ses sources de financement.
Il faudra en principe un an pour finaliser le retrait américain.
« Le délai d’un an a été fixé par le Congrès américain lors de l’adhésion des États-Unis à l’OMS » et cette exigence « stipule que les arriérés doivent être payés dans leur intégralité » avant le retrait définitif, selon un porte-parole de l’OMS, Christian Lindmeier.
Comme les 193 autres pays membres de l’OMS, les États-Unis paient une cotisation calculée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), à laquelle s’ajoutent les contributions volontaires, bien plus élevées.
Or en janvier 2024, Washington n’avait pas versé sa cotisation annuelle, qui s’élève à environ 130 millions de dollars, a expliqué M. Lindmeier, pour qui « ce n’est pas inhabituel », ajoutant : « à ce jour, nous n’avons pas non plus reçu la contribution de 2025 ».
À titre de comparaison, la cotisation (part obligatoire) de la Chine pour deux ans (2024 et 2025) s’élève à un peu plus de 175 millions de dollars, soit environ 88 millions par an.
Et la santé mondiale ?
En se retirant de l’organisation, les États-Unis vont perdre un accès privilégié à des données de surveillance épidémique importantes, ont mis en garde plusieurs experts, ce qui pourrait nuire aux capacités de surveillance et de prévention des menaces sanitaires venues de l’étranger.
Ce retrait inquiète d’autant plus qu’il survient au moment où la forte circulation du virus de la grippe aviaire aux États-Unis accentue les craintes d’une prochaine pandémie.
Le pays a recensé début janvier un premier décès humain lié au virus H5N1. Si, pour l’heure, il n’y a pas de cas connu de transmission humaine, la forte circulation du virus en augmente la possibilité.
Or, l’OMS « protège les États-Unis grâce à un système d’information sanitaire sophistiqué qui permet de détecter, de qualifier et d’évaluer les menaces en temps réel », rappelle M. Lindmeier.
« L’épidémie de grippe H5N1 est un exemple, et des gens nous ont déjà contactés pour nous faire part de leur inquiétude », car elles craignent « que les données ne soient plus communiquées et partagées », insiste-t-il.
Le porte-parole relève aussi le rôle important des États-Unis dans cette veille sanitaire mondiale grâce à leurs réseaux d’experts : « si les États-Unis venaient à ne plus rien dire, cela poserait un véritable problème ».
Avant de lancer : « c’est une préoccupation pour la santé mondiale ».