Assaut du Capitole: Biden va dénoncer la «responsabilité» de Trump dans ce «chaos»
Agence France Presse
Joe Biden a-t-il décidé de s’en prendre plus frontalement à Donald Trump? Le président américain, dans le discours qu’il doit prononcer jeudi pour commémorer l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, va dénoncer la « responsabilité particulière » de son prédécesseur dans ce « chaos », a dit mercredi sa porte-parole.
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Joe Biden « voit dans le 6 janvier le couronnement tragique de ce que quatre années de présidence Trump ont fait à ce pays », a affirmé Jen Psaki.
La porte-parole de l’exécutif américain a dit à la presse s’attendre à ce que « le président Biden expose la portée de ce qui s’est passé au Capitole et la responsabilité particulière du président Trump dans le chaos ».
Le président démocrate doit s’exprimer dans l’enceinte même du Capitole, là où des milliers de partisans de son rival ont tenté d’empêcher la certification de son élection par le Congrès américain.
Il va « dénoncer avec force le mensonge que propage l’ancien président », qui clame contre toute évidence avoir remporté le scrutin, a encore dit Jen Psaki.
C’est un net durcissement de ton de la part de la Maison-Blanche qui d’habitude répugne même à nommer Donald Trump, désigné par l’exécutif américain ou par Joe Biden lui-même comme « l’autre type » ou « le gars d’avant ».
Le chef de la police du Capitole Tom Manger, qui a pris ses fonctions après l’attaque, témoigne lui mercredi devant une commission du Sénat.
« Le 6 janvier a mis en lumière des défaillances opérationnelles très importantes », reconnaît-il dans la version écrite de son témoignage, mise en ligne par le Sénat. « Ces problèmes doivent être réglés, et c’est ce que nous faisons. »
Du côté de la police du Capitole comme du gouvernement fédéral, l’objectif est donc de rassurer, de montrer que les institutions américaines ont tiré les leçons des violents affrontements avec les forces de l’ordre et de cette intrusion inouïe de partisans de Donald Trump, qui ont paradé dans les couloirs et jusque dans les bureaux de parlementaires.
Mais quand il prendra la parole jeudi avec la vice-présidente Kamala Harris, dans l’enceinte même du Capitole, le président Joe Biden rappellera aussi que la démocratie américaine reste fragilisée.
« Il va parler du travail qui reste à faire pour assurer et renforcer notre démocratie et nos institutions, pour rejeter la haine et les mensonges que nous avons vus le 6 janvier, pour unir le pays », a dit mardi sa porte-parole Jen Psaki.
« Le 6 janvier n’était pas l’action irréfléchie et spontanée d’une foule violente. C’était une tentative de renverser par la violence le résultat d’une élection libre et juste. Ne nous fourvoyons pas : les raisons qui ont causé le 6 janvier existent toujours », a dit mercredi le patron des démocrates au Sénat, Chuck Schumer.
« Si nous ne nous attaquons pas aux racines de cette violence, cette insurrection ne restera pas une aberration, elle deviendra la norme », a-t-il mis en garde.
Volte-face de Trump
L’ancien président Donald Trump a certes fait volte-face : il a renoncé à donner jeudi une conférence de presse depuis sa luxueuse retraite de Floride, une initiative vécue comme une provocation chez les démocrates, et qui embarrassait visiblement ses partisans républicains.
Mais l’irascible milliardaire n’a en rien adouci son propos. Dans un communiqué mardi, il s’insurge à nouveau contre la « fraude » qui a selon lui, et sans qu’il n’en apporte aucune preuve, entaché la dernière élection présidentielle. « Le crime du siècle! » écrit Donald Trump, que son adversaire démocrate a devancé de sept millions de voix.
Les républicains, sur lesquels l’ancien président conserve un immense ascendant, ont dans l’ensemble choisi de faire profil bas.
Dans un message en date du 2 janvier, leur chef de file à la Chambre des représentants — qui, avec le Sénat, compose le Congrès américain — écrit certes que « les actions de cette journée (du 6 janvier) étaient illégales ».
Mais Kevin McCarthy critique aussi le camp démocrate, qui selon lui utilise les événements du 6 janvier « comme une arme partisane pour diviser le pays ».
Mitch McConnell, un ténor du camp républicain et le chef des conservateurs au Sénat, a déjà fait savoir qu’il ne serait pas présent jeudi lors des commémorations organisées à Washington. Il se rendra à l’enterrement d’un ancien sénateur américain à Atlanta, dans le sud des États-Unis.
Loin donc des marches du Capitole, où les membres du Sénat et de la Chambre des représentants sont invités à se recueillir ensemble jeudi, à 17 h 30.
Écoutez la chronique de Luc Laliberté, spécialiste de la politique américaine:
Assaut contre le Capitole: un glossaire des événements du 6 janvier
Le 6 janvier 2021, des milliers de partisans de Donald Trump avaient pris d’assaut le Congrès où les élus étaient réunis pour certifier la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine.
Les démocrates ont dénoncé une « insurrection » et une « tentative de coup d’État », tandis que l’ancien locataire de la Maison-Blanche a défendu « une manifestation sans armes » de « patriotes » contre une élection « volée ».
Voici quelques expressions utilisées par chaque camp pour qualifier les événements:
« Grand mensonge » et « Stop au vol »
Le slogan « Stop the Steal » (« Stop au vol ») est au cœur de la manifestation du 6 janvier des partisans de Donald Trump. Ils dénonçaient des fraudes massives présumées qui auraient permis à Joe Biden de battre le président républicain le 3 novembre 2020.
Ces fraudes, alléguées par Donald Trump, mais qui n’ont jamais été prouvées, seront qualifiées de « Big Lie » (« Grand mensonge ») par les démocrates.
Mais ce mensonge a la vie dure. Selon des sondages, deux tiers des républicains estiment que Joe Biden n’est pas le vainqueur légitime du scrutin.
Le 6 janvier, les élus étaient rassemblés au Congrès pour certifier les résultats après que la justice eut écarté des dizaines de recours judiciaires et que des nouveaux décomptes de bulletins de vote dans des États-clés eurent confirmé la victoire de M. Biden.
À la Maison-Blanche, Donald Trump haranguait ses troupes en fustigeant une élection « truquée » et en faisant pression sur Mike Pence afin qu’il bloque le processus en cours au Congrès. Ce qu’a refusé de faire le vice-président, arguant de son rôle strictement protocolaire.
Insurrection
Le président élu Joe Biden avait rapidement dénoncé « l’insurrection » en cours au Capitole, une expression ensuite utilisée par les grands médias pour décrire cette journée.
« Notre démocratie vit une agression sans précédent », avait-il dit, appelant Donald Trump à demander à ses troupes « la fin de ce siège ».
Le républicain avait ensuite été visé par une procédure de destitution — la seconde de son mandat — pour « incitation à l’insurrection » et aux « violences contre le gouvernement » américain.
L’ex-président avait finalement échappé à la destitution lors d’un vote au Sénat.
Plus de 700 personnes ont été arrêtées pour avoir commis des violences ou être entrées illégalement dans un édifice public, mais aucune pour le crime d’« insurrection ».
Coup d’État
Dans le livre « Peril », Bob Woodward et Robert Costa révèlent les procédés de la Maison-Blanche et certains conseillers du président pour garder Donald Trump au pouvoir, et l’installation d’une « cellule de crise » dans l’hôtel de luxe Willard dans les jours précédant le 6 janvier.
Pour le juriste Laurence Tribe et des élus démocrates, ces manœuvres faisaient partie d’une tentative de coup d’État constitutionnel.
L’une d’elles prévoyait que M. Trump fasse personnellement pression sur des responsables dans l’État crucial de Géorgie pour renverser le résultat de l’élection à son avantage.
L’avocat conservateur John Eastman avait aussi élaboré un argumentaire juridique dans lequel Mike Pence récusait assez de grands électeurs tombés dans l’escarcelle de Joe Biden pour donner la victoire à Donald Trump.
« Ce plan s’apparente à un coup d’État », a affirmé l’élu républicain anti-Trump Adam Kinzinger, qui siège à la commission d’enquête parlementaire sur le 6 janvier.
« Embrassades »
Après le 6 janvier, les partisans de Donald Trump ont présenté un discours parallèle sur l’assaut contre le Congrès qui a fait cinq morts et dans lequel 140 policiers ont été blessés.
M. Trump a récemment affirmé que c’était une « manifestation sans aucune arme », assurant que l’« insurrection a eu lieu le 3 novembre » 2020, le jour de la présidentielle.
En mars, il avait dit sur Fox News que la foule de ses partisans n’avait posé « aucune menace ».
« Ils sont entrés — ils n’auraient pas dû — et ils ont enlacé et embrassé les policiers », a-t-il affirmé, évoquant des « gestes de bienvenue » de la part de la police envers les manifestants.
D’autres républicains ont tenté de minimiser les violences. L’élu de Géorgie Andrew Clyde a ainsi comparé l’assaut à « une visite touristique normale », malgré des photos le montrant ce jour-là aidant la police à barricader les portes de la Chambre des représentants.
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