Bernard Drainville a le devoir de resserrer la loi 21 dans les écoles
La loi sur la laïcité se voulait un rempart, elle se révèle une véritable passoire


Emmanuelle Latraverse
On se doutait que les dérives qui ont hanté les murs de l’école Bedford n’étaient que la pointe de l’iceberg. Maintenant, on saisit l’ampleur du problème. Le rapport d’enquête sur 17 autres écoles du Québec a une grande vertu. Il met en lumière toutes les failles de la loi sur la laïcité.
On la croyait un rempart pour protéger nos valeurs communes. Elle est devenue une véritable passoire. Le ministre Bernard Drainville songe à élargir l’interdiction du port des signes religieux dans le réseau scolaire. Ce rapport lui donne toutes les munitions nécessaires.
Désintégration
L’école se veut le lieu idéal pour assurer l’intégration de jeunes immigrants.
L’expérience des écoles ciblées par l’enquête du ministère de l’Éducation démontre qu’elle est plutôt devenue un lieu de résistance à cette intégration à la société québécoise.
Des enseignants évitent de proposer certains romans. Des sujets d’actualités sont mis de côté de peur de heurter les sensibilités. La liste des accommodements déraisonnables que s’accordent certains enseignants vous horrifie?
Imaginez des élèves qui se bouchent les oreilles lorsque certains thèmes sont abordés!
Plus troublant encore, des parents d’élèves refusent de discuter avec une enseignante parce qu’elle est une femme. Un autre a osé répondre à une directrice: «Je ne vous respecte pas comme direction parce que vous ne portez pas le voile.»
• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Déconnectée
La loi 21 se voulait un compromis en limitant l’interdiction du port des signes religieux aux enseignants. Or, tel que l’écrivent les auteurs du rapport, les encadrements actuels engendrent plutôt «une impression d’incompréhension, des tensions, voire un sentiment d’injustice».
La cohérence s’effrite lorsque les éducatrices deviennent des aides à la classe ou quand les élèves se tournent vers leurs psychoéducateurs pour réussir à traverser leur journée.
Comment blâmer les parents d’être confus face à cette situation?
Dans la même veine, tolérer que des élèves portent fièrement le voile intégral en classe et refusent de s’adresser à leur enseignant masculin est une aberration. Pire, c’est carrément cautionner le militantisme religieux dans les murs de l’école.
Les congés pour fêtes religieuses aggravent la situation. Quand le quart des enseignants sont en congé pour une fête religieuse et que ceux qui restent doivent se résigner à regarder des films et organiser des activités parce que la moitié des élèves sont absents, la religion prend le dessus sur le bien des élèves.
Le ministre Bernard Drainville a raison de vouloir serrer la vis. Le rapport d’enquête le démontre clairement: la loi 21, dans sa forme actuelle, est devenue une politique incohérente qui crée plus de confusion que de clarté.
Il ne s’agit pas de stigmatiser la religion musulmane, mais bien de réaffirmer la primauté de l’éducation sur les considérations religieuses.
Les levées de boucliers viendront certainement. Mais céder reviendrait à tolérer que l’école devienne un lieu de ghettoïsation plutôt qu’un espace d’apprentissage et d’intégration.