Bain de foule, prison et apparitions surprises: les derniers jours du pape François
AFP
Vatican, dimanche, 12h40. Le pape François, épuisé, s’offre un bain de foule surprise sous le soleil de la place Saint-Pierre, acclamé par les fidèles célébrant Pâques. Loin d’imaginer qu’il s’agit de la dernière apparition du jésuite argentin, décédé quelques heures plus tard.
À 88 ans, encore affaibli par les séquelles de sa pneumonie, le chef de l’Église sentait-il ses forces l’abandonner? Avait-il à cœur de faire ses derniers adieux aux fidèles, dont il s’est toujours voulu proche, lui, le pasteur de terrain?
Chez les catholiques, en cette fête la plus importante de l’année égayée par une atmosphère printanière, beaucoup y voient plutôt un symbole de retrouvailles avec leur guide spirituel, un mois après sa sortie de l’hôpital.
Car ces dernières semaines, François, revenu au Vatican le 23 mars pour y suivre, en théorie, une convalescence de deux mois, avait progressivement repris ses activités, et son état de santé semblait s’améliorer.
«On a l’impression qu’il a voulu aller jusqu’au bout. Il a fait des gestes essentiels: le contact avec les gens. C’était le pape du peuple», confie à l’AFP une source vaticane sous le couvert de l’anonymat.
«Il n’est pas mort à l’hôpital coupé du reste du monde. Il a eu le temps de revenir, donner sa bénédiction, vivre Pâques», ajoute-t-elle. À rebours des prescriptions des médecins, qui avaient insisté pour un strict repos.
Sorties improvisées
Le 6 avril, deux semaines à peine après avoir quitté l’hôpital Gemelli, il fait une première apparition publique au Vatican au terme d’une messe dédiée aux malades sur la place Saint-Pierre, à la surprise générale.
«Bon dimanche à tous. Merci beaucoup», souffle-t-il en fauteuil roulant, d’une voix encore faible, muni de canules nasales à oxygène, après avoir fendu une nuée de téléphones cellulaires et de caméras.
Les jours suivants, le jésuite argentin va multiplier les apparitions publiques impromptues, relayées sur les réseaux sociaux dans des vidéos de fidèles ou touristes le croisant par hasard.
Le 10 avril, il est ainsi aperçu à la basilique Saint-Pierre, dont il a voulu inspecter les travaux de rénovation. Sa tenue, un pantalon sombre et un poncho clair, plus proche de celle d’une personne âgée en maison de retraite que de l’habit papal, surprend.
La veille, il a même reçu le roi Charles III et la reine Camilla. Et le 12 avril, il fait une sortie inattendue pour prier à la basilique Sainte-Marie Majeure, en plein centre de Rome, où il a voulu être inhumé.
«Gestes importants»
Le Vatican se veut rassurant: l’état de santé du pape continue de s’améliorer, fruit de la rééducation respiratoire et motrice qui lui permet désormais de se passer d’assistance en oxygène.
À la résidence Sainte-Marthe, où il vit au Vatican, François participe chaque matin à la messe, au deuxième étage, et continue de travailler au bureau de son appartement. Entouré jour et nuit par une équipe médicale, il signe des textes, écrit et prie beaucoup.
Le 13 avril, son apparition à la messe des Rameaux, marquant le début de la Semaine sainte précédant Pâques, résonne comme une promesse.
Contraint de déléguer à des cardinaux les principales célébrations, le pape, sensible à l’univers carcéral, ne déroge pas à une tradition qui lui est chère: pour le Jeudi saint, il se rend dans une prison délabrée de la capitale italienne.
Interrogé par les journalistes sur la manière dont il vit Pâques cette année, il répond dans un demi-sourire: «Comme je peux.» Malgré la fatigue, il salue un par un les 70 détenus, se laissant embrasser les mains ou offrir des cadeaux. Tactile, comme à son habitude.
Imprudentes aux yeux de certains, ces sorties ne sont pourtant pas surprenantes pour qui connaît le tempérament obstiné de l’ancien archevêque de Buenos Aires.
«J’ai compris après coup pourquoi il prenait tous ces risques: il savait qu’il n’en avait pas pour longtemps et donc qu’il fallait qu’il fasse des gestes importants», confie à l’AFP une source vaticane.
Épuisé
Était-ce la sortie de trop? Dimanche, lorsqu’il apparaît au balcon de la basilique Saint-Pierre pour sa traditionnelle bénédiction Urbi et Orbi, le pape a le visage fermé et la mine grave. Il semble exténué.
«Chers frères et sœurs, joyeuses Pâques», lance-t-il, la voix cassée, avant de déléguer la lecture de son texte. Essoufflé, il prononce péniblement la traditionnelle bénédiction Urbi et Orbi (à la ville et au monde), en latin.
Ce seront ses dernières paroles publiques.
Quelques minutes plus tôt, il a brièvement reçu le vice-président américain, J.D. Vance, à la résidence Sainte-Marthe. Sur les images diffusées par le Vatican, François semble ailleurs, peinant à lever le pouce et ne murmurant que quelques remerciements.
À bout de forces, il s’offre un dernier bain de foule, son exercice favori, à bord de sa Papamobile blanche. Il parcourt les allées de la place Saint-Pierre sous les «Papa Francesco», s’arrête pour bénir des nourrissons.
Le dernier chapitre de 12 ans d’un pontificat qu’il a voulu poursuivre jusqu’au dernier jour.