Avortement : Québec et Ottawa défendent le droit de choisir
Raphaël Pirro
L’interdiction annoncée de l’avortement par la Cour suprême des États-Unis a créé la consternation de Québec à Ottawa, où députés et ministres ont défendu le droit «fondamental» des femmes d’y avoir accès. La position n’a pas fait l’unanimité puisqu’une poignée de conservateurs fédéraux ont bloqué l’adoption d’une motion en ce sens aux Communes.
• À lire aussi: Avortement: la Cour suprême des États-Unis confirme que le document est «authentique», mais pas «final»
• À lire aussi: La Cour suprême des États-Unis pourrait annuler le droit à l'avortement
Une motion du Bloc québécois reconnaissant le «libre choix en matière d’avortement pour quelque raison que ce soit» qui requérait l’unanimité de la Chambre pour être adoptée a été bloquée par quelques voix émanant des banquettes conservatrices, provoquant un désarroi visible chez Gérard Deltell, conservateur québécois.
Quelques instants avant le début de la période de questions, la ministre Mélanie Joly affirmait que le droit à l’avortement ne pouvait être tenu pour acquis, «même au Canada».
«Ce qui se passe aux États-Unis se passe aux États-Unis. C’est sûr que pour ma part je trouve ça extrêmement inquiétant», a déclaré la ministre des Affaires étrangères.
«Choquée et frustrée», la vice-première ministre Chrystia Freeland a déclaré en Chambre qu’il était important pour elle de souligner «l’engagement clair et déterminé de notre gouvernement à protéger le droit des femmes à choisir, un droit fondamental».
Sur Twitter, le premier ministre Justin Trudeau a publié une déclaration indiquant que «le droit de choisir est un droit de la femme, point final».
Unanimité à Québec
Une motion à l’Assemblée nationale pour défendre l’accès à l’avortement a été adoptée par tous les partis représentés.
Ce faisant, les élus québécois ont exprimé «leur plus sincère solidarité aux femmes américaines qui voient ce droit être remis en question et qui craignent par le fait même de perdre une partie importante de leur liberté.»
«C’est un droit inaliénable pour toutes les femmes québécoises et il ne fait aucun doute qu’on va toujours être du côté des femmes pour l’interruption volontaire de grossesse», a déclaré le ministre de la Justice Simon-Jolin-Barette lors d’une mêlée de presse.
«Au Québec, c’est indéniable, le débat a été fait il y a fort longtemps, jamais on ne reviendra là-dessus.»
Voix discordantes au Parti conservateur
En matinée, les députés conservateurs au fédéral ont été priés par leur cheffe par intérim Candice Bergen de ne pas commenter la décision à venir de la Cour suprême des États-Unis, selon un courriel interne obtenu par l’Agence QMI mardi.
«Les conservateurs ne feront pas de commentaires sur les projets de décisions qui ont fuité de la Cour suprême des États-Unis», y est-il écrit.
Plus tard en journée, Mme Bergen a publié un communiqué soulignant que la position officielle du parti reste celle de l’ère Harper : «l’accès à l’avortement n’a pas été restreint sous le premier ministre Stephen Harper, et le Parti conservateur ne présentera pas de projet de loi et ne rouvrira pas le débat sur l’avortement».
Jean Charest, candidat dans la course à la chefferie du PCC, s’est affiché comme pro-choix et indiqué qu’il «n’appuiera pas une législation restreignant les droits reproductifs».
«Bien que je respecte le droit des députés de présenter des projets de loi d’initiative parlementaire sur des questions de conscience, je ne les appuierai pas», a-t-il ajouté sur Twitter.
La question de l’avortement a causé bien des maux de tête au Parti conservateur du Canada (PCC) par le passé, surtout lors d’élections fédérales.
Lors du scrutin de 2019, le chef d’alors, Andrew Scheer, avait perdu du terrain après s’être affiché comme «personnellement pro-vie», même s’il avait assuré que le dossier resterait clos.
M. Scheer n’est pas seul dans cette position au sein du caucus.
La candidate à la chefferie Leslyn Lewis, ouvertement pro-vie, avait surpris tout le monde en arrivant en troisième position lors de sa première tentative, en 2020.
Perçue comme une «conservatrice sociale», Mme Lewis pourrait confirmer son ascendant sur une portion non négligeable du mouvement conservateur qui s’oppose à l’avortement au courant des prochains mois et jusqu’à la date d’élection du prochain chef, le 10 septembre prochain.
La nouvelle fracassante publiée par «POLITICO» lundi soir a mis le feu aux poudres aux États-Unis. Celle-ci pourrait remettre la question de l’avortement à l’avant-plan de la course à la chefferie conservatrice.
-Avec la collaboration de Geneviève Lajoie, JdQ