Avis de recherche pour un premier ministre rassembleur


Josée Legault
Qu’on ne s’y trompe pas. Dans cette campagne électorale pas comme les autres, entre le libéral Mark Carney et le conservateur Pierre Poilievre, on assistera essentiellement à une lutte à deux.
La question de l’urne – à savoir qui serait le plus apte à protéger la souveraineté économique et politique du Canada face aux menaces de Donald Trump – en a décidé d’office.
La quête des électeurs s’en trouve ainsi dictée. Au-delà des deux chefs qui jouent déjà à «ma baisse d’impôt est plus grosse que la tienne», les Canadiens voudront se choisir avant tout un premier ministre rassembleur.
Ils se chercheront un premier ministre lucide, stratège, prêt à canaliser leur colère, mais surtout capable de harnacher la vague actuelle de patriotisme.
Quel chef pourra les convaincre qu’il saura comment redéfinir les rapports du Canada avec son puissant voisin? Comme le disait Shakespeare, «that is the question».
Cela n’efface en rien la pertinence du NPD et du Bloc Québécois. Ce sont les circonstances uniques de cette élection qui en font un combat serré entre Mark Carney et Pierre Poilievre.
Or, sur la ligne de départ, dans la quête d’un premier ministre rassembleur, Mark Carney part avec une longueur d’avance.
Facteurs de confiance
Malgré qu’il soit peu connu des Canadiens et sans expérience en politique active, en ces temps troubles, sa feuille de route d’ex-gouverneur des banques du Canada et d’Angleterre est un premier facteur de confiance.
Un second est son ton à la fois posé et affirmé. Les sondages montrent que cette combinaison rassure plusieurs électeurs du NPD et du Bloc qui se disent prêts à voter libéral. D’où, aussi, la montée du PLC au premier rang.
À l’opposé, la nature de la quête désavantage Pierre Poilievre sur la ligne de départ. Même s’il s’est transformé physiquement et que ses conseillers lui ont appris à sourire devant les caméras, il est, en effet, ce qu’il est.
Comme chef, Pierre Poilievre s’est montré polarisant, abrasif, hyper partisan et un idéologue convaincu d’une droite dure. Devant un Justin Trudeau devenu impopulaire, il profitait néanmoins de l’effet d’alternance entre libéraux et conservateurs.
Aux antipodes
En pleine guerre commerciale lancée par Trump, ces mêmes traits passent toutefois moins la rampe. En cela, Pierre Poilievre loge aux antipodes de l’image recherchée d’un chef rassembleur.
Pour les sceptiques restants, des propos de la première ministre albertaine, Danielle Smith, à Breitbart News, un site web de l’ultradroite américaine, le confirment. Parlant des États-Unis de Trump, elle a dit ceci:
«Si nous avons Pierre [Poilievre] comme premier ministre, il y a un certain nombre de choses que nous pourrons faire ensemble. Pierre croit au développement, il croit à l’énergie à faible coût, il croit que nous devrions avoir peu d’impôts à payer, il ne croit pas aux trucs wokes qui ont dominé la politique [canadienne] au cours des cinq dernières années.»
«Je dirais qu’en bout de piste, a-t-elle même ajouté, la perspective de Pierre serait pas mal en communion avec la nouvelle direction en Amérique. Et je crois que nous aurions de très bonnes relations.»
En communion avec Donald Trump, le président qui menace le Canada économiquement et politiquement? Ouch...
Cela dit, la campagne ne fait que commencer. Tout peut encore arriver. La seule certitude est que rien n’est joué.