Avec Sorcières, Marie-Joanne Boucher effectue un grand retour au jeu
Michèle Lemieux
Au cours de ses presque 30 ans de carrière, Marie-Joanne Boucher a survécu aux aléas du métier. Durant les périodes tranquilles, elle a mis à profit sa créativité en nous présentant des livres de recettes. Cet automne, deux de ses projets prendront forme: on la verra dans la série Sorcières, qu’elle a créée avec deux amies, et sa pièce Projet Polytechnique sera présentée au TNM en novembre.
Marie-Joanne, quelle est la genèse de Sorcières, cette nouvelle série annuelle des plus intrigantes qu’on verra à la rentrée?
C’est un projet que Céline Bonnier, Noémie O’Farrell et moi-même, qui sommes les trois sœurs dans la série, avons entrepris. Nous avions le désir de travailler ensemble. Ces trois sœurs sont séparées depuis 30 ans, après un drame qui est survenu sur la commune où elles habitaient. Elles ont le même père, mais pas la même mère. Lorsque la commune a été démantelée, chacune est partie de son côté. Quand on retrouve un bébé vivant sur les lieux de la commune, cela fait écho au drame qui a eu lieu 30 ans auparavant. À cause de cet événement, ces trois femmes reprendront contact.
Est-ce que ç’a été un projet de longue haleine?
Oui, nous l’avons imaginé et travaillé pendant trois ans. Nous avons créé Sorcières pendant la pandémie, le projet est donc né sur Zoom. C’est une série en 26 épisodes. Entrer dans le cœur des gens chaque semaine est un grand privilège. Je l’ai constaté en faisant du téléroman, de Virginie à Providence. Les jeunes ont grandi avec Virginie. Claudie était leur personnage préféré. Ça me touche. J’ai eu à entrer en contact avec Léa Clermont-Dion. Elle a répondu à mon courriel en disant j’étais la Claudie de son enfance... C’est touchant pour moi qui l’admire aujourd’hui.
Céline, Noémie et vous avez des liens d’amitié, semble-t-il...
Oui. Je suis très proche de Céline depuis longtemps, car mon conjoint est son neveu. Je fais partie de la famille Bonnier par alliance, et c’est une famille extraordinaire! Je les aime comme les membres de ma propre famille. Mes enfants portent le nom de Bonnier. Ça fait 18 ans que je suis avec mon conjoint. Ça faisait longtemps que nous voulions travailler ensemble, Céline et moi, mais ça ne se présentait jamais.
Vous avez aussi un gros projet de théâtre, cet automne, qui risque de faire parler...
Oui, je serai de la pièce Projet Polytechnique, dont j’ai signé le texte et qui sera présentée en novembre au TNM. Le 6 décembre 2018, pour rendre hommage aux victimes de la tuerie, j’avais publié une photo de mon garçon. Il avait 12 ans. Je me sens une responsabilité d’élever un garçon... L’acteur Jean-Marc Dalphond m’a remercié de me souvenir des victimes. Il disait que chaque année, il prenait des rides, alors que sa cousine n’avait pas cette chance... En lisant sur Anne-Marie Edward, j’ai appris que sa tante avait été très active dans le contrôle des armes à feu. J’ai proposé à Jean-Marc de faire un show inspiré d’elle. Ça faisait 20 ans qu’il songeait à faire un show là-dessus sans savoir par quel bout le prendre. Chaque année, il publie les noms des filles sur Twitter et, cette année, il a reçu des commentaires haineux... Nous sommes neuf sur scène. C’est un beau spectacle dont je suis fière. C’est très difficile, mais il y a de la lumière.
Au fil des années, avez-vous remis votre métier en question?
Je l’ai fait récemment. Je me suis toujours fait dire par les actrices plus âgées que moi qu’en vieillissant, on est moins naïves, on a plus de responsabilités, on est plus nerveuses... et c’est vrai. C’est sans compter qu’il faut toujours recommencer. J’ai des amies qui ont le même âge que moi et qui sont dans d’autres carrières. Ça va bien. Ce sont de belles années. Elles songent à leur retraite. De mon côté, non seulement je n’ai pas envie de prendre ma retraite, mais de plus je fais un métier où il n’y a aucune sécurité. On a toujours quelque chose à prouver. En même temps, c’est une drogue. On peut nommer tous les beaux côtés: ça garde en vie, ça garde jeune, mais il y a quand même des mauvais côtés. Parfois, je me dis que j’aurais pu être avocate...
Comment avez-vous comblé les périodes creuses?
Durant les moments tranquilles, je n’ai pas arrêté, mais je n’ai pas toujours été au goût du jour. Je suis une hyperactive dans la vie. Quand je n’avais pas de rôles, je maintenais la flamme. J’ai fait des livres de cuisine. Ça me permettait de créer une équipe, d’avoir une direction, de mener un projet à terme. Ça m’a donné la confiance nécessaire pour faire Projet Polytechique et Sorcières. J’apprécie ces projets, d’autant plus que c’est moi qui les ai mis sur pied. Avec Sorcières, nous avons envie de voir des femmes à l’écran qui ont leur âge. Mon personnage a 44 ans. Je veux avoir l’air de 44 ans. Je veux voir des rides.
Le métier a beaucoup évolué, ne serait-ce que parce qu’il laisse plus de place aux femmes de 40, 50 et même 60 ans...
Oui, je trouve qu’il y a vraiment une belle avancée sur ce plan. Les séries faites ailleurs qu’aux États-Unis nous ont permis de voir autre chose que le modèle américain. Je joue des personnages beaucoup plus intéressants qu’au début de la vingtaine! On a chacun notre casting.
Quel est le vôtre?
Pour ma part, j’ai toujours eu un casting de girl next door, avec une bonne mine. Je ne veux pas faire sem- blant d’être autre chose. Il y a beaucoup d’actrices qui sont des modèles inspirants. Ce qui a beaucoup changé au fil du temps, je trouve, c’est qu’avant, une belle fille devait forcément être niaiseuse. Maintenant, elle a le droit d’être belle tout en étant brillante et écoutée. On a le droit d’être tout à la fois. Recevoir des injections ne devrait même plus être tabou. C’est un choix personnel et ça ne veut pas dire qu’on est superficielle pour autant. Au bout du compte, tout ce qu’on veut, c’est être heureuses...
Vous avez deux enfants. Comment vont-ils?
Ils vont bien. J’ai un fils de 15 ans et une fille de 9 ans. Nous arrivons de San Francisco, où nous avons passé 10 jours en famille. Ç’a été très agréable. Mon fils grandit, il est moins à la maison. Moi, je suis une vraie mère poule. Même si c’est merveilleux, la carrière, lorsque je serai vieille je veux juste m’asseoir avec toute ma famille, les enfants, leurs conjoints, les petits-enfants, et partager un repas. Ça, pour moi, c’est réussir sa vie. Avec la pandémie, nous sommes plusieurs à avoir compris que ce qui compte vraiment, ce sont les gens qui nous entourent...
Découvrez la nouvelle série Sorcières dès le lundi 11 septembre, 20 h, à TVA.
La pièce Projet Polytechnique sera à l’affiche du TNM à partir du 14 novembre.