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Culture

Avec son premier album en 10 ans, Marilou témoigne de son processus de guérison

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Michèle Lemieux

2023-10-03T12:00:00Z
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Problèmes alimentaires, anxiété, thérapie: Marilou a toujours exposé sa réalité avec une réelle authenticité qui nous touche et nous rejoint dans notre humanité. Avec Traits d’union, un opus de 16 pièces, la fondatrice de Trois fois par jour renoue avec l’autrice-compositrice-interprète après une pause de 10 ans. Un album qui témoigne de son parcours, de ses réflexions et de son processus de guérison.

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Marilou, qu’as-tu envie de nous proposer avec l’album Traits d’union?

Ce n’est pas un album que j’ai écrit en me disant que j’allais partager quelque chose. Initialement, j’ai enregistré ces chansons sans savoir que j’allais en faire un album. Il témoigne de ce que j’ai vécu ces cinq dernières années, qui ont été très chargées. On y parle de deuil, de parentalité, de relations toxiques, de séparation. Ce sont des choses viscérales que j’avais besoin d’écrire. Le désir de plaire est absent de cette démarche, car je ne pensais pas que j’allais en partager le résultat. Avec mon album, je n’ai pas d’attentes. Je l’ai fait avec amour, je l’offre aux gens, et ce geste en soi me fait plaisir. 

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On constate à quel point c’est un album extraordinairement personnel...

(Rires) C’est ma vie. Je me suis livrée, sauf dans quelques chansons où je relate ce qu’une amie a vécu. À d’autres moments, c’est ma perception d’une situation. Ce sont des observations, des prises de conscience des dernières années. Je ne peux pas dire ce qui m’appartient ou non, car ça enlèverait de la magie. Tout le monde peut s’approprier les chansons. Le cœur des pommes porte sur le deuil. C’est une chanson pour mon grand-papa. Il y a quelques chansons sur l’amour. C’est un thème central. J’avais envie de l’aborder du point de vue de l’ex, de la mère, de la sœur, de la victime, de la personne toxique. Quand on a assez d’humilité dans la vie, on est capable de voir qu’on a déjà joué tous ces rôles, qu’on en soit conscient ou non. J’ai déjà été la personne toxique dans une relation. Je pense que le premier pas, c’est de l’admettre. 

Qu’est-ce qui a fait en sorte que tu as quitté ta carrière de chanteuse si jeune?

J’ai commencé à l’âge de 12 ans. C’est une période de la vie durant laquelle on se découvre. Moi, au lieu de me découvrir, je m’exposais. Ç’a été un rendez-vous manqué avec moi-même. Je ne m’en cache pas: je n’avais rien à dire, je ne savais pas qui j’étais. J’ai toujours été entourée de gens bienveillants, mais ils faisaient ce qu’ils voulaient avec moi, dans la mesure où je ne savais même pas quoi faire avec moi-même. À un moment donné, mon corps m’a lâchée. Je n’étais plus capable. J’avais une grosse boule dans la gorge: je ne pouvais plus chanter. Pendant cinq ans, je n’ai pas écouté de musique ni chanté. C’était en 2012, j’avais 21 ans. J’ai lancé Trois fois par jour quand j’ai arrêté la musique. Ça fait 10 ans cette année. Je suis une artiste dans l’âme et j’avais une peine que je n’étais pas capable d’assumer. J’avais des troubles alimentaires. J’ai commencé à consulter. Plus je me guérissais, plus ça faisait de l’espace pour la musique. Mon enseignante de chant me suggérait de trouver qui je suis, et ça m’a permis de me remettre à l’écriture, au piano, à la guitare. Il y avait de la place pour accueillir cet amour dans ma vie. J’ai appelé Fred St-Gelais, qui est l’ami de mon ex-mari et qui est devenu mon ami. Il m’a aidée à installer un studio dans ma chambre. 

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Justine Marc-Aurele
Justine Marc-Aurele

Le projet Trois fois par jour t’aurait-il permis de guérir quelque chose?

Oui. J’avais des troubles alimentaires, je ne mangeais pas. J’ai amorcé un processus de guérison, j’ai commencé à consulter, et j’ai recommencé à manger trois fois par jour. Si je ne faisais plus de musique, je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je n’ai même pas terminé mon secondaire 5... J’ai décidé de partir un blogue culinaire, car j’aime faire de belles choses et je voulais donner envie de manger aux gens qui ont des problèmes. 

On sent aussi l’intention que ce soit beau...

Oui, car il fallait que quelque chose me fasse oublier les calories et la culpabilité. Quand les plats, l’assiette, la table étaient beaux, ça me donnait le goût de manger. Quand j’invitais des gens et que je partageais un moment avec eux autour de la table, j’oubliais mon problème alimentaire. 

Comme si tu avais transféré ton obsession dans une autre, mais positive cette fois!

Oui, c’est vrai. Avec les années, le trouble alimentaire est parti, mais j’ai commencé à souffrir d’anxiété. Depuis un an ou deux, je sens que j’ai touché à la racine du problème qui a causé les troubles alimentaires. Je comprends mes patterns, les raisons de ces détours. Je me sens plus forte. Quand l’angoisse monte, je sais ce que c’est, et ça redescend. Je suis arrivée à une étape de ma vie où je suis maintenant une femme, une adulte, j’ai deux enfants: Jeanne aura huit ans en décembre, et Rose a cinq ans. Peut-être aurait-il fallu que ça arrive plus tôt... (rires)

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Devenir adulte est un long processus.

C’est vrai. J’ai vraiment été une mère en dualité. Je passais de la mère-enfant à la mère-mère. À 32 ans, je suis contente d’en être là. Ma fille m’a vue évoluer. Quand elle vit de l’anxiété, je suis capable de lui dire que je la comprends, que j’en vis parfois, moi aussi. Je lui évite tellement d’écueils. Chaque soir, je me couche en me disant que je ne m’invente plus de drames. C’est calme. Je suis heureuse et je ne trouve pas ça plate... Je gère mon système nerveux. (sourire)

Justine Marc-Aurele
Justine Marc-Aurele

Fais-tu des choses en particulier pour y arriver?

Il n’y a pas de secret: c’est la thérapie qui m’aide. Parfois, des gens me disent que j’ai une belle peau et me demandent ce que je fais: de la thérapie. Oui, il faut bien manger, mais je relie tout à mon travail personnel. Je ne crois pas qu’il faille investir dans un pot de crème à 100 $, mais plutôt dans une séance d’une heure à 100 $. Durant les années où j’étais plus anxieuse, j’avais des éruptions cutanées. Toute mon adolescence, j’ai eu des ulcères dans la bouche. Je n’en ai plus. Il ne faut pas sous-estimer l’effet du stress sur le corps. On cherche souvent à l’extérieur, alors qu’il faut aller voir à l’intérieur. L’être humain me fascine. La chanson À la même adresse est adressée à mon ego. 

Ça aussi, ça te distingue: malgré le succès et l’admiration qu’on te porte, tu sembles avoir maté ton ego.

J’essaie, mais je ne suis pas rendue là où je voudrais être. Mon ego est encore là, mais je valorise plus l’humain que le matériel. Actuellement, je suis dans une phase pleine de lumière, mais il y a cinq ans, c’était plus tranquille, mon affaire... Je ne cherche pas la lumière à tout prix. Ce qui importe pour moi, c’est de voir mes filles le matin, d’aller les chercher à l’école à 15 h 30 et de passer mes soirées avec elles. J’ai fait des heures de fou quand j’étais jeune! Plusieurs pensent que parce que tu ne fais pas de compromis dans ton travail, tu risques de tout perdre. C’est le contraire. Je suis ferme par rapport aux choses qui sont importantes pour moi. 

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Ça prend beaucoup de confiance pour y arriver.

C’est la beauté d’avancer en âge. Plus je vieillis, plus je me sens en sécurité, moins je suis à la merci de plein de choses. Mais il a fallu que je prenne des risques. Je suis fière de moi. Quand j’y pense, je ne pourrais pas mourir en me disant que je n’ai pas vu grandir mes enfants... 

Les filles grandissent-elles en sagesse et en beauté?

Oui, ce sont deux petites filles complètement différentes, qui m’apprennent des choses sur moi-même comme personne. Je ne peux pas éduquer mes filles de la même façon. En tant que mère, j’ai compris que la justice, ce n’est pas d’offrir la même chose à mes deux filles, mais de leur donner ce dont elles ont besoin. Je reste à l’écoute. J’essaie d’être disciplinée comme mère: je suis là pour elles. Si un projet n’est pas compatible avec notre horaire, je le refuse. 

Tu as la chance d’avoir une mamie dans le décor...

Il y en a deux et elles sont folles de mes filles. Il y a une belle harmonie au sein de notre famille. La grand-mère de Jeanne n’est pas celle de Rose, mais toutes deux l’appellent grand-maman. Pour elles, c’est leur grand-maman. Quelle chance d’avoir une grand-maman qui aime autant les filles et qui ne fait aucune différence entre elles! C’est extraordinaire! 

Tu n’as jamais craint d’aborder les questions relatives à la santé mentale. Les gens t’en parlent-ils beaucoup?

Oui, mais en tant que mère, aborder la question de la santé mentale est très risqué. Ça peut vite se retourner contre nous. On questionne: est-elle une bonne mère? A-t-elle la capacité de s’occuper de ses enfants? Il y a un doute. Les gens nous jugent par rap- port à ça. Ça prend du courage pour parler de santé mentale. Je ne l’ai pas fait quand j’étais dans le creux, je l’ai fait quand j’ai commencé à aller mieux. Ce sont des exemples concrets qui m’ont aidée à m’en sortir: ma thérapeute et une enseignante super inspirante qui a été des années sans même pouvoir sortir de son lit. J’étais dans le bas-fond, et elles m’ont donné des outils. Elles mettent leur expertise au service des autres. Être connu, c’est tellement vide que j’essaie de mettre la lumière sur quelque chose de plus grand que moi. Finalement, c’est le fun de vieillir... 

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Justine Marc-Aurele
Justine Marc-Aurele

Mais jusqu’à quel point?

Je suis consciente qu’avec le temps, je vais avoir plein de beaux défis. Notre société se concentre sur le look. Je n’ai aucun mérite pour mon apparence et, à 40 ou 50 ans, je sais que je ne serai pas la saveur du mois. Je me sens lucide par rapport à l’avenir. On ne meurt pas avec nos peaux lisses. Je vois des femmes plus âgées que je trouve belles. Ma mère est une femme tellement belle, je la trouve magnifique! Le problème, c’est souvent le regard que nous posons sur nous-même. J’imagine que le corps change, mais à l’intérieur, on reste jeune... 

Un mot sur ton bonheur amoureux.

Un amour discret, c’est possible. Je ne veux pas exposer ma vie privée, mais je ne suis pas un cœur à prendre. Je suis bien entourée. Pour la santé mentale, c’est si bon d’avoir des gens sains et respectueux dans notre entourage. On peut avoir été dans des relations toxiques sur les plans tant amical qu’amoureux et vivre des relations saines. C’est un grand bonheur. 

Prévois-tu faire vivre l’album sur scène éventuellement?

C’est ma réflexion en ce moment. Je n’étais plus capable de chanter devant un micro. C’est maintenant réglé. Est-ce que je pourrai un jour faire vivre l’album devant les gens? Je l’ignore, mais je serais heureuse de pouvoir dire à mon cœur, ma tête, mon corps que ce n’est pas dangereux. Ça serait la plus grande victoire artistique pour moi. Je me le souhaite... 

Tes filles ont-elles du talent?

Celle de cinq ans est encore jeune, mais malheureusement, ma plus vieille chante très bien... (rires) C’est à suivre... 

L’album Traits d’union de Marilou est disponible sur toutes les plateformes. Elle tourne actuellement la troisième saison du documentaire Autrement dit, qu’on verra en 2024 sur Tou.TV Extra. On visite son site à troisfoisparjour.com.  

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