Avec du recul, Suzie Villeneuve revient sur son passage à La Voix
Joël Legendre
Je reconnaîtrais les éclats de rire de Suzie Villeneuve parmi mille autres. Ce matin-là, alors que nous avons rendez-vous dans un studio photo du centre-ville, j’entends ce rire sortir par une fenêtre ouverte, tel un carillon; je suis à la bonne place! Je côtoie Suzie depuis des années et me mettre à jaser avec elle est un pur bonheur. Nos conversations sont toujours teintées d’une profondeur qu’on retrouve souvent chez ces gens qui ont choisi d’aller à l’intérieur d’eux-mêmes. Rencontre avec une femme qui a trouvé sa lumière.
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Suzie, tu as longuement hésité avant de participer à La Voix. Qu’est-ce qui t’a poussée à te lancer dans cette aventure?
Premièrement, la simple idée de tenter ma chance aux auditions à l’aveugle m’a permis de me demander pourquoi j’avais en moi cette envie d’y aller. C’est en parlant avec un ami que j’ai réalisé que j’avais de grandes peurs, et il a réussi à les apaiser. Je me souviens très bien que, après cet entretien, je me suis assise dans ma voiture et j’ai ressenti cette vibration très forte à l’intérieur de moi. J’ai su à cet instant précis que je ne pourrais plus reculer.
Qu’est-ce que tu as ressenti, concrètement?
Que j’étais prête à dire au monde entier que j’avais envie de chanter à nouveau et que cette expérience que je m’apprêtais à vivre était la bonne pour partager ce sentiment trop fort à l’intérieur de moi. J’ai saisi cette opportunité que la vie me donnait.
Avec le recul, comment as-tu vécu ton passage à La Voix?
Je trouve ça extraordinaire d’avoir pu participer à cette émission avec la sagesse que j’ai aujourd’hui, mes 37 ans, mon expérience de vie et mon immense reconnaissance.
Y a-t-il un moment en particulier que tu gardes en mémoire?
J’ai une image, très symbolique pour moi, que je garderai toujours en mémoire. Nous sommes à la veille de la finale, je suis assise dans le mythique fauteuil rouge de mon coach, Garou, et je regarde fourmiller le plateau de partout. Je remercie la vie de me faire vivre d’aussi beaux moments. Cette journée-là, j’ai vraiment vécu le moment présent sans me questionner sur la suite des choses. Ça m’a permis de vivre cette expérience en profondeur et à un autre niveau.
Tu parlais de tes peurs en début d’entretien. Quelle était la principale peur qui t’habitait?
J’avais peur du jugement des autres, de ce que le public aurait pu dire.
Qu’est-ce que les gens auraient pu avoir à te reprocher?
Peut-être le fait que j’avais déjà participé à un concours de chant à la télévision, ou encore qu’ils me comparent à ma sœur.
Mais tu étais toute jeune quand tu as participé à Star Académie!
Bien sûr, j’avais 19 ans! À cet âge-là, on vit toutes sortes d’expériences et j’avais peur que les gens jugent mes choix de l’époque. Mais j’ai fini par réaliser que toutes ces intentions que je prêtais au public venaient de mon propre jugement face à moi-même.
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Justement, quelles ont été les réactions du public au lendemain de ta première apparition à La Voix?
J’ai reçu une vague d’amour incroyable. Les gens m’ont beaucoup parlé de ma vulnérabilité et de mon authenticité. C’est là que je me suis rendu compte à quel point je m’étais fait de la peine pour rien et que je m’étais mis trop de pression.
Tu n’as jamais eu peur qu’aucun coach ne se retourne?
Pas du tout! Je me suis dit que si c’était ça qui arrivait, je serais en paix avec cette situation. Mais je dois t’avouer que lorsque j’ai pris la décision de participer aux auditions à l’aveugle, j’ai eu la vision que les coachs se retournaient et j’ai laissé ce ressenti m’habiter lorsque je suis arrivée sur le plateau.
Qu’est-ce que cette expérience a éveillé en toi?
Je laisse maintenant émaner qui je suis, sans laisser aucune peur limiter quoi que ce soit. Il m’arrive d’avoir des doutes, mais ils ne restent pas longtemps, car je me sens outillée. Cette expérience est venue solidifier quelque chose à l’intérieur de moi. Même si ça a pris un certain temps avant que la musique fasse à nouveau partie de ma vie, je sais aujourd’hui que ces 10 années où j’ai testé autre chose pour découvrir qui j’étais m’ont ramenée au cœur de qui je suis, c’est-à-dire une artiste.
Tout ce cheminement fait-il de toi une meilleure interprète?
Assurément! L’interprétation de mes chansons ne va plus du tout puiser au même endroit. Au-delà des mots et des notes, le public ressent la profondeur et le mieux-être qui m’habitent.
As-tu l’impression d’avoir enfin trouvé ton unicité?
Je peux affirmer que j’ai enfin le sentiment d’être remplie et unique. La vie s’est chargée de me faire prendre conscience de plein de choses. Premièrement, que tous ces choix de vie que j’avais faits en tentant toutes sortes d’expériences avaient créé, sans trop que je m’en rende compte, une pression que je vivais de plus en plus fortement. À 33 ans, mon armure a craqué, et j’ai réalisé que les pas que je faisais, même si je réussissais ce que j’entreprenais, laissaient tout de même un grand vide en moi.
Qu’as-tu choisi de faire alors?
D’aller à la rencontre de moi-même. Un choix pas toujours facile, mais qui m’a amenée de belles prises de conscience. J’ai été en mesure de me regarder et d’identifier des comportements que j’avais, de découvrir des blessures qui étaient présentes en moi et, finalement, de pouvoir alléger mon quotidien. Mon regard sur la vie, mais surtout sur moi-même, a complètement changé. La solidité de mon unicité, je l’ai saisie. Je veux faire vibrer le cœur des gens à travers ma voix, que ce soit en chantant ou en racontant mon parcours.
Ça a dû t’alléger...
Ça m’a enlevé une tonne de briques sur les épaules. La pression que je me mettais pour trouver ma raison d’être dans la vie était insoutenable. J’ai une sœur identique à moi juste à côté, alors comment je fais pour trouver ma place?
Est-ce difficile, selon toi, de naître jumeau ou jumelle?
Je crois que tout est un cadeau dans la vie, mais qu’on ne le voit pas toujours... (rires) Ça m’a amenée à des endroits à l’intérieur de moi que je n’aurais probablement jamais visités. Je n’ai pas eu le choix de cheminer pour trouver mon unicité.
Quel est le plus beau conseil que tu pourrais donner à des parents qui ont des jumeaux? (N’allez surtout pas croire que c’est pour moi que je pose cette question...)
Ma réponse sera teintée de mon parcours à moi, bien évidemment, mais je dirais qu’il ne faut pas essayer d’être équitable à tout prix avec vos enfants. S’ils vous demandent, par exemple, qui des deux a fait le beau dessin, vous devez leur dire la vérité. Vos jumeaux connaissent déjà la vérité de toute façon. Je sais que ça peut paraître étrange, surtout si on prône la justice, mais c’est un service à leur rendre. Il faut être authentique.
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Parlant d’authenticité, je te sens très heureuse présentement. Dans quelle phase de ta vie dirais-tu que tu es?
La plus belle de toutes!
De quoi cette phase est-elle teintée?
De bonheur, de joie et d’émerveillement! Je trouve que la vie est tellement plus belle quand on se donne le droit de s’émerveiller. C’est Noël tous les jours!
Tu prépares une conférence-spectacle qui sera diffusée sur le Web. Quel en sera le contenu?
Dans cet entretien, je partage mon parcours avec vulnérabilité. Ma conférence se décline en cinq marches qu’on descendra ensemble, le spectateur et moi. Chaque marche représente un grand thème de ma vie, et je l’aborderai en chanson et en récit.
D’où t’est venue cette inspiration?
C’est à la suite d’un mentorat de neuf mois que j’ai suivi lorsque j’ai choisi de plonger au cœur de moi-même.
Parle-moi d’un thème de ta conférence, à titre d’exemple...
Un des thèmes est De l’étourdissement à la pause. Il traite de la façon dont on s’étourdit souvent dans la vie pour ne pas ressentir ce qu’il y a réellement à l’intérieur de soi. Et la pause, je l’ai vécue quand on m’a proposé un week-end sans aucune distraction, seulement avec des feuilles blanches et un crayon afin que j’écrive tout ce qui montait à la surface
C’est extrêmement confrontant, non?
Ce fut un des pires week-ends de ma vie! (rires) Mais ça m’a fait voir que, lorsqu’il y a un inconfort, si on choisit de l’examiner avec compassion et amour, ça permet de le transcender. C’est de cette façon que j’ai pu remplir cette moitié de moi que je sentais vide.
Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour la suite des choses?
De rester alignée avec mon cœur et de continuer à réaliser plein de beaux projets. J’espère aussi que mon partage puisse inspirer d’autres personnes à faire leurs choix de vie.
Je sens que tu as ce désir de transmettre ce que tu as appris au fil des années.
Je me considère comme chanceuse d’avoir pu faire ce parcours de la tête au cœur. Et ce chemin me procure une vie tellement plus légère, alors pourquoi ne pas le partager avec le plus de personnes possible? Je n’ai pas la prétention de connaître la recette du bonheur, mais en partageant certaines étapes de ma vie, j’espère que ça résonnera dans le cœur des gens.
L’entretien se termine et je suis habité par toute la douceur que Suzie dégage. Je constate qu’en cette ère de revendications et de dénonciations (souvent nécessaires), il nous reste tout de même une empreinte de colère ou de tristesse dans le cœur. Le discours et la bienveillance de Suzie me ramènent à ce que j’ai envie de ressentir davantage en moi et autour de moi ces jours-ci: de la compassion. Merci pour ce moment passé dans ma vie. Tu as su apaiser mon cœur, et j’espère que la lecture de notre entretien en apaisera plus d’un.
Pour plus de détails sur la conférence-spectacle De la tête au cœur et sur ses projets: suzievilleneuve.com.
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