«Aucun respect» pour les morts au CHSLD Herron
Hugo Duchaine
Une infirmière auxiliaire qui travaillait au CHSLD privé Herron a dénoncé le manque de respect accordé aux dépouilles des résidents, laissées souillées plus de 24 heures dans les chambres.
« Les corps n’étaient pas bien traités, il n’y avait aucun respect », a lancé l’employée en larmes, devant la coroner Géhane Kamel à la deuxième semaine des audiences publiques sur les décès survenus au centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) Herron de Montréal.
L’infirmière auxiliaire, dont l’identité est protégée, car elle n’occupait pas un poste de gestion, a décrit des scènes d’horreur, où les morts étaient perçus comme ayant « la peste ».
Une femme qui avait vomi avant son décès n’avait pas été nettoyée.
Un couple partageait une chambre, mais lorsque la femme est décédée, sa dépouille n’a pas été déplacée.
Ainsi, son mari qui souffrait d’Alzheimer oubliait qu’elle était morte et tentait constamment de la réveiller.
« Je trouvais ça odieux, de ne pas retirer le corps et de la mettre dans une chambre vide [...] Je nettoyais le corps d’un résident mort et l’on m’a crié dessus de sortir de la chambre », a-t-elle relaté. C’était après l’arrivée des employés du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.
Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades, sur QUB radio:
Un de ses résidents préférés, un homme de 102 ans, avait eu la diarrhée.
Comme personne n’avait eu le temps de se rendre dans sa chambre, l’homme a glissé et il est tombé.
« Cet homme fier, qui avait mené une vie digne, gisait maintenant dans ses excréments », a-t-elle soufflé en pleurant.
Toujours le chaos
Car même l’arrivée des renforts du CIUSSS, à la fin mars, n’a rien changé au « chaos » qui régnait dans le CHSLD, selon son témoignage.
Une employée lui demandait d’appeler les familles de trois résidents, et ensuite, une autre lui reprochait de l’avoir fait.
« J’avais l’impression que plusieurs personnes donnaient des ordres, mais que peu travaillaient au chevet des patients », a-t-elle dit.
L’infirmière auxiliaire faisait des quarts de travail de 16 et 18 heures lorsque personne ne se pointait pour prendre la relève.
Elle a quitté le CHSLD à la fin avril 2020, quand cinq infirmières rassemblées autour d’un poste de travail lui ont reproché d’être en retard, alors qu’il manquait de personnel.
« Est-ce que ça prend cinq personnes pour me dire ça ? » a-t-elle demandé.
Seule sur l’étage
Une préposée aux bénéficiaires a ensuite témoigné s’être retrouvée seule sur un étage au début de son quart de travail de 15 h, le 29 mars.
Responsable d’une cinquantaine de résidents, elle n’avait jamais vu autant de personnes gisant dans leurs excréments.
Elle a aussi remarqué que des plateaux de repas pour le déjeuner et pour le dîner étaient restés intacts devant les chambres, montrant qu’aucun employé n’avait eu le temps de nourrir les résidents pour deux repas, le quart de travail précédent.