«Aucun paradoxe»: pour des Russes, la réélection de Poutine nécessaire à la paix
Agence France-Presse
Au son d'une chanson de pop russe crachée par les haut-parleurs d'un bureau de vote à Serguiev Possad, dans la région de Moscou, Edouard Ichnazarov dépose allègrement un bulletin en faveur de Vladimir Poutine.
• À lire aussi: Deux morts dans de nouvelles attaques sur le sol russe en pleine élection présidentielle
• À lire aussi: Poutine promet une réplique aux attaques ukrainiennes sur le sol russe
Comme de nombreux autres Russes, il estime que l'actuel chef de l'État, au pouvoir depuis près d'un quart de siècle, est le seul qui puisse ramener la paix avec l'Ukraine après y avoir lancé son armée en février 2022.
«Je suis venu voter pour un homme qui fait tout pour qu'il n'y ait pas de guerres dans le monde», assure auprès de l'AFP cet artiste de 54 ans.
Celui-ci exprime sa pleine confiance envers son président, «un homme qui peut vraiment sauver le monde», insiste-t-il sans sourciller.
L'opposition n'étant pas tolérée, le résultat du scrutin ne fait aucun doute : le mandat de Vladimir Poutine sera prolongé dimanche soir jusqu'à 2030.
Mais, pour le Kremlin, cette élection présidentielle doit permettre de montrer l'image d'une Russie «unie» derrière son chef, après deux ans d'un conflit meurtrier en Ukraine et une pluie de sanctions occidentales.
«Pour la vie»
À Serguiev Possad, une ville de 110 000 habitants située à 75 kilomètres au nord-est de Moscou, sœur Alexandra l'assure : «Les Russes sont pour la vie, nous ne soutenons pas la mort».
Cette religieuse de 77 ans ne voit pourtant «aucun paradoxe» dans l'assaut militaire russe en Ukraine, qui, selon elle, permettra de «sauver des vies». Un argument avancé par le Kremlin, qui jure avoir déclenché son offensive chez le voisin ukrainien pour y «protéger» la population russophone.
«Nous avançons et sommes sur le juste chemin», poursuit cette Française, qui s'est installée en Russie en 2018 et réside désormais dans cette cité connue pour son monastère orthodoxe aux dômes dorés et bleu clair.
Samedi, les membres de la commission électorale locale ont traversé cette ville aux routes enneigées pour permettre aux personnes âgées ou à mobilité réduite de voter à domicile.
Inessa Rojkova, 87 ans, les accueille chez elle. Cette retraitée explique qu'elle a participé à presque toutes les élections et qu'elle s'intéresse de près à la politique.
«Je suis tout, je sais tout... Je regarde la télévision tout le temps», lance-t-elle au petit groupe venu à sa rencontre à sa grande joie.
En Russie, Vladimir Poutine est omniprésent à la télévision, qui retransmet quotidiennement ses discours et les réunions avec ses ministres.
Cette année, la présidentielle est marquée par la recrudescence des attaques sur le sol russe en provenance d'Ukraine.
Inessa déclare quant à elle « constamment s'inquiéter» pour ses compatriotes qui habitent dans les régions frontalières de l'Ukraine.
Elle dit ainsi espérer la «fin de l'opération spéciale», un euphémisme imposé pour qualifier l'offensive du Kremlin.
«Pouvez-vous imaginer combien de personnes sont mortes et maintenant nos régions près du front souffrent», se lamente-t-elle.
Poutine «irremplaçable»
À des centaines de kilomètres plus au nord, à Saint-Pétersbourg, les habitants de la ville natale de Vladimir Poutine disent eux aussi espérer profondément retrouver leur vie d'avant.
«Tout le monde (le) veut : pas seulement la Russie mais le monde entier», juge Ioulia, 45 ans, qui travaille dans le tourisme, un secteur très affecté par les sanctions.
Également présente devant un bureau de vote du centre de l'ancienne capitale impériale, Lioubov Piankova, une retraitée de 70 ans, est tout aussi affirmative : «Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est avant tout la paix», confie-t-elle à l'AFP.
Avant de nuancer : «Pas besoin de nous dicter vos conditions. Nous connaissons nous-mêmes nos conditions, ce qui est mauvais pour nous, ce qui est bon pour nous», lâche-t-elle, en écho à la rhétorique du pouvoir russe qui assure vouloir négocier selon ses termes.
Fatigué après deux ans de conflit et de sanctions, Konstantin, 46 ans, demande pour sa part une seule chose : «Que je puisse me réveiller en sachant que personne ne combat, personne ne meurt».
Pour autant, comme beaucoup d'autres Russes, il ne voit pas d'autre option que Vladimir Poutine.
Lui aussi a déposé un bulletin en faveur du président : «Personne ne peut encore le remplacer. C'est pour ça que je vote pour lui».