Au Royaume-Uni, un sommet pour se pencher sur les risques de l'intelligence artificielle
Agence France Presse
Le Royaume-Uni réunit mercredi et jeudi dirigeants politiques, représentants de la tech et chercheurs pour discuter de l'essor fulgurant de l'intelligence artificielle (IA), lors d'un premier sommet consacré aux craintes suscitées par cette révolution technologique.
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Destruction d'emplois, cyberattaques voire perte de contrôle par les humains... Face aux dangers potentiels de l'IA, le gouvernement britannique veut ouvrir le dialogue lors de cette réunion à Milton Keynes, au nord de Londres.
L'objectif britannique, à minima, est de parvenir à une «compréhension commune des risques», faute de politique concertée.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak veut aboutir à la «première déclaration internationale sur la nature» des risques de l'IA et propose la mise sur pied d'un groupe d'experts internationaux, inspiré du modèle du Giec sur le climat.
En amont de la réunion, les puissances du G7 se sont entendues lundi au Japon sur un «code de conduite» non contraignant destiné aux entreprises développant les systèmes d'IA les plus avancés.
Mais parmi elles, Londres ne veut pas se «précipiter» pour réguler cette technologie, tandis que l'Union européenne espère conclure avant fin 2023 le premier règlement encadrant ces innovations.
Aux États-Unis, Joe Biden doit annoncer lundi une série de mesures pour réglementer l'IA.
Révolution technologique
Le lieu du sommet n'a pas été choisi par hasard: le manoir de Bletchley Park est l'emblématique centre de décryptage des codes de la Seconde guerre mondiale, où le mathématicien Alan Turing est parvenu à casser le code de la machine Enigma utilisée par les nazis.
Des smartphones aux aéroports, l'IA est déjà omniprésente dans la vie quotidienne. Ses progrès se sont accélérés ces dernières années avec le développement des IA génératives, comme le robot conversationnel ChatGTP, capable de produire texte, sons et images en l'espace de quelques secondes.
Le potentiel de l'IA suscite d'énormes espoirs, en particulier pour la médecine. Mais outre la destruction de milliers d'emplois, le développement effréné de cette technologie pourrait aussi être à l'origine de cyberattaques, de désinformation, ou même permettre de «fabriquer des armes chimiques ou biologiques», s'est inquiété Rishi Sunak, tout en réfutant tout alarmisme.
Pour les autorités, le défi est d'éviter ces dérives sans rater le train de cette technologie. Réunis à Rome lundi, les ministres français et allemand de l'Économie, Bruno Le Maire et Robert Haneck, ainsi que le ministre italien des Entreprises, Adolfo Urso, ont plaidé pour une approche «favorable à l'innovation» dans l'Union européenne, réclamant des investissements majeurs.
À l'initiative du sommet de Bletchley Park, le Royaume-Uni se veut le moteur d'une coopération internationale sur l'intelligence artificielle. Mais reste à savoir quels chefs d'États feront le déplacement, en pleine guerre entre Israël et le Hamas.
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres sont attendus. Les États-Unis seront représentés par la vice-présidente Kamala Harris.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni est la seule cheffe d'État ou de gouvernement du G7 à avoir confirmé sa présence.
«Occasion manquée»
Malgré les tensions et craintes d'espionnage technologique, Pékin sera représenté, sans que l'on sache exactement à quel niveau.
Rishi Sunak a estimé qu'il ne pouvait y avoir de «stratégie sérieuse pour l'IA sans au moins essayer d'impliquer toutes les grandes puissances mondiales».
Une centaine d'organisations, experts et militants internationaux ont publié lundi une lettre ouverte au Premier ministre britannique, qualifiant ce sommet à «huis clos» d'«occasion manquée» et lui reprochant d'être dominé par les géants de la tech.
Cette coalition de syndicats, d'universitaires ou d'organisations de défense des droits de l'Homme, comme Amnesty International, ont également regretté l'approche catastrophiste du gouvernement britannique, au détriment des menaces que représente déjà l'IA «ici et maintenant».
Parmi elles, les experts pointent le manque de transparence des modèles conçus par les entreprises, et leurs biais sur la race ou le genre.
Pour Hamed Haddadi, professeur au département d'informatique à l'Imperial College, le temps est en tout cas venu «d'avoir ce dialogue»: «Avons-nous besoin de régulation, ou devons-nous laisser le marché et les entreprises s'en occuper, et voir ce qu'il se passe?», a-t-il demandé.