Au cœur de la mort
Karine Vilder
Si on a envie d’un roman intelligent et trépidant, l’écrivain français Franck Thilliez nous l’offre sur un plateau.
La particularité des romans de Franck Thilliez ? Oui, on est d’accord, ils sont à peu près tous bons, voire excellents. Mais ce qui les différencie vraiment des autres, c’est qu’ils nous permettent souvent d’apprendre plein, plein de trucs.
Grâce à Rêver, par exemple, on saura tout de la narcolepsie, une affection neurologique provoquant d’irrépressibles accès de sommeil. Avec Sharko ça sera le sang qui n’aura bientôt plus de secrets, que ce soit sur les plans historique ou mythologique. Et avec La faille, son nouveau roman et 13e volet de la série consacrée aux enquêtes du commissaire Franck Sharko et de la lieutenante Lucie Henebelle ?
« La mort correspond bien au genre de sujet que j’aime traiter, explique Franck Thilliez, qui vit maintenant dans le nord de la France près de Lille. Mais comme c’est un sujet noir qui peut faire peur aux gens, je l’ai longtemps mis de côté, car un roman doit rester avant tout une distraction. Le COVID a changé la donne. La mort était très présente chaque jour durant cette période, elle faisait partie de notre vie. Ça m’a décidé à franchir le pas et à en parler à ma façon. Je voulais entre autres essayer de comprendre ce que la mort représentait, ce qui se passait dans le cerveau au moment où elle surgit, notamment avec les expériences de mort imminente. »
Débat de société
Pour pouvoir étoffer cette dimension scientifique, Franck Thilliez a commencé à faire des recherches. Et l’une des choses qu’il a découvertes en cours de route l’a carrément laissé bouche bée : incroyable mais vrai, certaines femmes enceintes déclarées mortes par les médecins pourraient encore faire naître des enfants.
« C’est ce qui m’a donné l’idée de l’une des deux histoires que je raconte dans La faille, dit-il. Dans ce livre il y a donc l’enquête de police classique, plus cette histoire de personne entre la vie et la mort, avec tout le volet éthique et juridique qui l’accompagne. Car si le cœur continue à battre, est-ce qu’on peut dire que la personne est morte ? En France on a eu l’affaire Vincent Lambert et je voulais une situation qui allait me permettre d’évoquer la fin de vie et l’acharnement thérapeutique. Cette partie à l’hôpital ne représente peut-être que 20 % du roman, mais c’est celle qui marque le plus les gens, qui les touche le plus. »
Et pour cause.
Lorsque les membres de la Brigade criminelle de Paris se réunissent pour coffrer un tueur nécrophile, ils ne se doutent pas que sous peu, l’un d’eux va se retrouver sur une civière au stade le plus avancé de coma sur l’échelle de Glasgow, sans le moindre espoir de retour. Un véritable cauchemar.
Mais ce n’est pas tout. Le col du fémur d’Emma Dotty, une jeune femme qui a mystérieusement disparu trois mois plus tôt, va être retrouvé sur le cadavre mutilé que le nécrophile a abandonné derrière lui...
La mort dans l’âme
Avant d’aller plus loin, un petit mot sur Emma Dotty : fascinée par la Camarde depuis sa plus tendre enfance, elle s’intéresse tout particulièrement aux expériences de mort imminente négatives, aussi appelées expériences de mort imminente inversées. Leurs principales caractéristiques ? Des visions de l’au-delà dont l’horreur dépasse l’entendement.
Alors voilà, la table est mise pour une intrigue à glacer le sang qui ne nous laisse pas le temps de souffler un seul instant. « Avant de me mettre à écrire, j’avais les grandes étapes de mon livre : cet accident au début, puis cette femme disparue que Sharko va essayer de retrouver », précise Franck Thilliez.
Catacombes, trafic d’organes, expérimentations dignes du docteur Frankenstein, entités malignes, darkweb, frontières de l’outre-monde... Rien ne nous sera épargné. Thilliez déploie l’arsenal complet pour nous captiver d’un bout à l’autre et tout ce qu’on peut ajouter de plus sans courir le risque d’en dire trop, c’est que le thriller diabolique qui en découle est sans faille.