Attaques de drones «kamikazes» iraniens en Ukraine: une nouvelle preuve du désespoir de Moscou
Gabriel Ouimet
L’utilisation de drones «kamikazes» par la Russie en Ukraine, moins performants que les missiles guidés que Moscou emploie normalement, est un nouveau signe de la faiblesse de l’armée russe et de son manque d’équipement, estime un expert.
Une pluie de robots tueurs s’abat sur l’Ukraine depuis deux semaines. Lundi, au moins neuf personnes, dont cinq à Kyiv, ont été tuées par des frappes russes menées avec des drones Shahed 136. Ces armes de fabrication iranienne, qui explosent en se fracassant sur leur cible, ont aussi été utilisées dans des attaques qui ont fait 19 morts et 105 blessés dans différentes régions d’Ukraine, le 10 octobre dernier.
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Ces attaques, qui visent des cibles énergétiques et civiles, ont déjà privé des centaines de villes de courant. En début de semaine, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a annoncé que 30% des centrales électriques ukrainiennes ont été détruites en huit jours et a indiqué «se préparer à tous les scénarios possibles en vue de la saison d’hiver».
Ces opérations n’ont cependant que «très peu d’utilité militaire», affirme le professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes Éric Ouellet. De telles attaques sont généralement menées à des fins de guerre psychologique.
«Ce sont des opérations destinées à faire plier l’ennemi. Les Russes veulent détruire les infrastructures stratégiques pour apeurer les Ukrainiens, dans l’espoir qu’ils réfléchissent à une reddition. D’ailleurs, les drones iraniens sont presque gros comme une voiture, ils sont lents, ils font du bruit: ce sont vraiment des armes de terreur», analyse-t-il.
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Cette stratégie trahirait le désespoir de Moscou, puisqu’elles sont connues pour ne pas fonctionner, poursuit le militaire.
«Je crois que ça montre le désespoir de l’armée russe. Elles étaient très utilisées pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais plusieurs études sont arrivées à la conclusion que ça ne fonctionne pas. En fait, ça renforce la détermination des populations locales à combattre l’ennemi. Ça a donc l’effet inverse: les gens sont enragés, ils veulent à tout prix se venger et ils vont tout faire pour défaire l’envahisseur.»
Le recours aux drones iraniens, signe de faiblesse
Le fait que la Russie doive se tourner vers Téhéran afin d’obtenir des armes n’est pas anodin non plus. Éric Ouellet y voit une preuve que les sanctions imposées à la Russie fonctionnent.
«Ça prouve que l’embargo sur les puces électroniques imposé par l’Occident fonctionne. Ces pièces sont nécessaires pour la construction de missiles guidés et de drones. Normalement, la Russie pourrait elle-même en produire, mais il lui manque beaucoup de matériel pour le faire en ce moment. Elle ne peut donc pas utiliser autant de ces missiles qu’elle le souhaiterait, et doit se tourner vers l’Iran pour ses drones», explique-t-il.
Même si ces drones peuvent déjouer les systèmes antiaériens des grandes villes Ukrainiennes et parcourir plus de 1500 km avant d’atteindre leur cible, ils ont plusieurs désavantages. De forme triangulaire et mesurant 2,5 mètres de long, ils sont notamment plus lents, plus bruyants, plus visibles et moins précis que les missiles guidés qu’utilise normalement Moscou.
Volodymyr Zelensky a d’ailleurs déclaré que dix de ces drones ont été détruits dans la région de Kyiv mercredi, et que les Ukrainiens en auraient abattu 233 depuis le début du mois d’octobre.
La Russie et l’Iran nient
À l’ONU mercredi, l’Iran a démenti avoir fourni des drones à la Russie, qui affirme utiliser en Ukraine des armes fabriquées chez elle. Deux modèles de drones iraniens auraient toutefois été récupérés par les forces ukrainiennes sur le terrain.
Jeudi, les membres de l’Union européenne ont adopté des sanctions visant à geler les avoirs de la compagnie aérienne iranienne Shahed Aviation Industries, liée au pouvoir iranien, ainsi que ceux de trois responsables militaires.
Selon les images d’un reportage du média américain CNN, certains de ces drones, les MOHAJER-6, capables d’être armés de missiles de précisions, seraient aussi munis de moteur Rotax, une filiale autrichienne de Bombardier Produits Récréatifs (BRP). Leur authenticité reste toutefois à prouver.