Attaque d’un fourgon pénitentiaire en France: récit d’un guet-apens d’une «extrême violence»
AFP
Il est 10h57 ce mardi quand une voiture percute le fourgon pénitentiaire transportant un détenu à la sortie d’un péage dans l’Eure, signant le début d’une attaque fulgurante d’une «extrême violence» où deux agents, pris sous le feu de malfaiteurs, ont été tués et trois autres blessés.
• À lire aussi: La chasse à l’homme se poursuit en France après l’évasion de «La Mouche» dans l’attaque sanglante d’un fourgon pénitentiaire
• À lire aussi: «Mitraillage» et «explosion»: l’attaque mortelle d’un fourgon pénitentiaire en France secoue un village
• À lire aussi: Au moins deux agents correctionnels tués: vaste chasse à l’homme pour retrouver un dangereux chef de gang en France
Au lendemain de ce guet-apens, la traque était toujours en cours, avec des moyens «considérables» mobilisés, pour retrouver le prisonnier évadé, Mohamed Amra, et le «gang qui l’a libéré dans des conditions ignobles», a assuré mercredi matin Gérald Darmanin sur RTL.
Interpol a annoncé mercredi avoir diffusé une notice rouge pour localiser le délinquant multirécidiviste Mohamed Amra, qui s’est évadé lors de l’attaque mortelle du fourgon le transportant, la veille, dans le nord-ouest de la France.
«Une notice rouge a été émise à la demande des autorités françaises qui recherchent le prisonnier évadé Mohamed Amar, alias “La Mouche”», a indiqué sur le réseau social X l’organisation internationale de coopération policière basée à Lyon.
🚨 WANTED
— INTERPOL (@INTERPOL_HQ) May 15, 2024
A Red Notice has been issued at the request of 🇫🇷 French authorities for escaped prisoner Mohamed AMRA, alias ‘The Fly’.
View the INTERPOL #RedNotice here: https://t.co/KnY5x3alSD pic.twitter.com/RKv86QyTp7
Le ministre de l’Intérieur a évoqué «plus de 450 policiers et gendarmes» mobilisés mardi «rien que pour le département de l’Eure», mentionnant aussi des moyens de «coopération internationale».
Ce jour-là, quelques minutes avant 11h, un «véhicule Peugeot volé quelques jours auparavant» franchit la barrière de péage d’Incarville, en direction d’Évreux, a relaté mardi soir la procureure de la République de Paris.
«Ce véhicule s’est stationné sur le bas-côté, dans l’attente de l’arrivée du convoi», a détaillé Laure Beccuau devant la presse. Le signe d’une attaque minutieusement préparée.
Les images de vidéosurveillance du péage, consultées par l’AFP, montrent deux véhicules pénitentiaires, gyrophares allumés, franchir la barrière de péage. C’est le début d’une attaque d’une rare violence, qui, selon les images, dure environ deux minutes.

Cinq agents pénitentiaires accompagnent Mohamed Amra. Cette escorte renforcée de niveau 3, décidée «il y a quelques semaines», selon Mme Beccuau, est réservée aux détenus au profil dangereux (terrorisme, criminalité organisée), le dernier niveau (4) étant prévu pour les détenus particulièrement surveillés (DPS).
«Coups de feu vraiment puissants»
Une voiture noire de type VUS fonce alors vers le fourgon et le percute de face. Une personne habillée en noir en descend puis la porte avant du deuxième véhicule pénitentiaire s’ouvre avant qu’un camion jaune ne vienne brièvement brouiller l’image.
D’autres individus arrivent, visiblement par-derrière, leurs armes pointées vers les véhicules pénitentiaires.
Un «véhicule Audi» suivait le convoi pénitentiaire et plusieurs personnes en sont descendues, «porteuses d’armes longues», selon le parquet.
Le commando a «fait feu à plusieurs reprises sur les deux véhicules de l’administration pénitentiaire, tuant deux agents, en blessant trois autres», a relaté Mme Beccuau.

Le pronostic vital reste engagé pour l’un d’entre eux.
Les agents de l’escorte étaient «évidemment armés», affirme la procureure, «les premières constatations sur place permettant de penser que certains ont pu faire usage de leurs armes de service».
Face au commando, les agents n’avaient qu’«un simple Sig Sauer [une arme de poing, NDLR] contre des armes de guerre», a accusé Frédéric Liakhoff, secrétaire FO-Justice au centre pénitentiaire de Caen.
À Incarville, Jérôme Barbier a tout entendu alors qu’il se rendait à son rucher, situé près du péage. Il a décrit des «coups de feu vraiment puissants, très, très puissants».
«Ensuite, entre une et deux minutes d’accalmie, une grosse détonation, deux coups de feu et puis ensuite terminé», a confié mardi à l’AFP cet habitant de la commune.
Souliers blancs
Sur les images de la vidéosurveillance du péage, après environ 1 minute 40 secondes, on aperçoit un homme, visiblement un agent pénitentiaire, dirigé vers le fourgon sous la menace d’une arme.
Quelques fractions de seconde plus tard, un individu, souliers blancs aux pieds, en descend. Il s’enfuit avant une explosion, suivi par cinq complices, tous vêtus de noir.
«Deux véhicules ont été retrouvés brûlés» non loin des lieux, a assuré la procureure de la République de Paris.
«La scène est révélatrice de l’extrême violence dont se sont rendus coupables les criminels recherchés», a souligné Laure Beccuau, qui s’est rendue sur place. «Et je le redis, la détermination des magistrats et des enquêteurs est et sera à la hauteur de ce déchaînement de violence.»
C’est la première fois depuis 1992 qu’un agent pénitentiaire est tué dans l’exercice de ses fonctions en France.