Après un triple pontage en 2020, Alain Choquette ressent un irrépressible élan vers la scène
Michèle Lemieux
Alain Choquette n’avait pas besoin de frôler la mort pour connaître la valeur de la vie. En effet, il avait vu son père mourir d’un cancer à l’âge de 55 ans à peine, alors qu’il prévoyait ralentir pour profiter de la vie. Parce qu’il a rajeuni de 10 ans grâce au triple pontage qu’il a subi en 2020, le magicien ressent un irrépressible élan vers la scène. Après La mémoire du temps, qui devait être son dernier spectacle, le voilà inspiré pour nous en présenter un nouveau.
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Alain, vous travaillez à un nouveau spectacle alors que La mémoire du temps devait être votre dernier. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’idée?
Effectivement, ça devait être le dernier spectacle. Je l’ai présenté ici puis en France, en plein mouvement des Gilets jaunes. À mon retour au Québec, j’ai eu des problèmes de santé, puis la covid est arrivée. Ç’a été très mouvementé.
Vous avez fait face à plusieurs imprévus...
Je dirais plutôt que j’ai reçu beaucoup de claques sur la gueule, mais me voici à préparer un nouveau show, dans lequel il y aura des histoires, des anecdotes, des numéros, des mises en situation. Nous allons nous amuser à travers ces 35 ans de carrière. J’ai commencé en 1988 à Ad Lib, mais j’ai présenté mon premier show en 1992. Je finirai ma tournée La mémoire du temps en France, où je serai jusqu’à Noël. Puis nous présenterons le nouveau show, Entre histoires et illusions, en septembre prochain. On plongera dans mon grand livre de magie, avec des récits captivants, allant de l’histoire de la magie aux surprenantes expériences vécues au cours de mes 35 années de métier. Je veux redonner au public en proposant une expérience intime, unique et interactive, qui créera des souvenirs indélébiles.
Auriez-vous un exemple de ce que vous comptez raconter?
Par exemple, avant de me retrouver à Las Vegas, j’ai été invité à faire une présentation au Paris, à Las Vegas. Il devait y avoir une centaine de personnes, mais finalement, il n’y avait que trois personnes présentes, des décideurs. Dans une salle en construction. Le système d’alarme s’est déclenché, il y a eu une panne d’électricité et le téléphone d’un des gars a sonné. Ils m’ont amené dans un local et m’ont mis au défi: si je pouvais les impressionner, j’avais le contrat. Je compte faire revivre ce numéro aux gens dans la salle. Au lieu de raconter mon parcours, je veux le faire vivre aux spectateurs. Comment se fait-il qu’Ad Lib avait refusé ma participation à l’émission et que j’y ai passé huit ans? Comment se fait-il qu’à mon arrivée à Paris, personne ne voulait produire mon show et que j’ai fait quatre ans au Théâtre de la Gaîté? Des vedettes venaient régulièrement voir le show: Patricia Kaas, Julien Clerc et bien d’autres.
Alain, parlons de votre santé. Comme allez-vous?
Je vais très bien. Comme on m’a installé de nouveaux tuyaux, tout va bien. Mais l’acceptation de cette situation a pris environ deux ans. J’avais tout fait pour que ça ne m’arrive pas: je mangeais bien, je faisais de l’exercice.
L’origine du problème est donc génétique?
Oui, c’est comme un vice caché... (sourire) Il a fallu que je mette tout en œuvre pour surmonter cela. J’ai suivi les conseils du médecin. Je continue à m’entraîner, je ne fais pas d’abus, je suis médicamenté et je dois respecter cette discipline.
Si vous n’aviez pas eu un bon mode de vie, cet incident se serait-il produit plus tôt?
C’est ce que les médecins disent: ça me serait arrivé 15 ans plus tôt. Mon cœur était bloqué. J’ai rajeuni de 10 ans et j’ai retrouvé une énergie surprenante.
Face à la gravité de cette situation, avez-vous revu vos objectifs de vie?
Oui. Ma blonde et moi, nous nous sommes fait une liste de souhaits. Jusqu’ici, nous avons réalisé un de nos rêves et nous en réaliserons un autre l’automne prochain. À 60 ans, on commence à réaliser qu’il nous reste 10, 15 ou 20 ans de bonne forme et qu’il faut donc faire ce qu’on a envie de faire. Il y a un lâcher-prise qui s’installe. Je sais que tout peut s’arrêter. Les petits problèmes de la vie quotidienne perdent de leur importance. C’est la beauté de la chose. Mais on ne devrait pas être obligé de frôler la mort pour atteindre une certaine sagesse. En parallèle, on dit qu’en vieillissant, on a un coffre à outils plus garni que jamais et qu’on est plus en mesure de faire face à différentes situations. Je crois que c’est faux. En vieillissant, notre conscience s’élargit et on est plus vulnérable, car on est conscient de notre fragilité. C’est un grand paradoxe. Mais, d’une manière générale, la vie devient plus légère, moins stressante.
On acquiert un certain détachement...
... Si on le met en pratique. Il faut faire son propre cheminement. Personnellement, j’ai dû consulter pendant plusieurs mois pour accepter ce qui m’arrivait. En consultation, on m’a suggéré de méditer et ça a tout changé. Méditer me permet de me calmer, de m’arrêter. Ça m’aide à me concentrer sur mon état. J’ai découvert le site Petit BamBou. Cédric Michel propose aussi des méditations sur YouTube. Peu importe la méthode, il faut prendre le temps de s’arrêter. Je pratique la méditation 15 minutes par jour.
Compte tenu de ce que vous avez vécu, êtes-vous resté craintif?
Non, car je fais des tests sanguins deux fois par an. Au niveau du cœur, il n’y a pas de problème. J’ai été opéré en janvier 2020 et il a fallu déplacer des dates de spectacles. Je voulais savoir à quel moment j’allais pouvoir reprendre. On m’a dit que le retour à la scène allait être possible six semaines plus tard. Je ne savais pas dans quoi je m’embarquais... Puis la pandémie est arrivée et tout a été annulé. Heureusement! Je n’aurais jamais été prêt à remonter sur scène aussi rapidement. J’ai été chez moi, seul, pendant six mois. Je ne voyais personne, pas même ma blonde, car mon système immunitaire était faible. J’étais plus à risque. Je n’ai plus peur, mais j’ai mis deux ans à mettre tout ça derrière moi.
Sentez-vous que cet événement a changé votre vision de la vie?
Non, j’avais déjà cette vision de la vie, parce que j’ai perdu mon père d’un cancer à l’âge de 55 ans. Il est décédé le lendemain de sa préretraite. Il faisait un travail qu’il détestait. Il se disait qu’il allait en profiter. J’ai eu cet exemple pour bagage. Je n’ai pas toujours fait ce que j’avais envie de faire, mais j’ai toujours été mon propre patron. J’ai travaillé avec des gens que j’aimais. Ça m’a permis de faire une prise de conscience importante à un jeune âge. J’essaie de créer de bons moments. Lorsque je serai en France, par exemple, je me suis réservé du temps pour faire tout plein de belles choses. Je suis invité à donner des séminaires de magie dans plusieurs villes françaises. Je joins ces engagements à des activités qui me plaisent, alors j’en profite un peu...
Diriez-vous que vous avez une belle vie?
Oui, mais j’ai reçu plein de claques. Ç’a été une succession de mésaventures qui ont fait en sorte qu’à quelques reprises, j’ai failli tout arrêter. Je me suis cassé les deux bras à vélo à Avignon en plein festival... Je me suis cassé les bras le 14 juillet, je suis revenu au Québec, où je me suis fait reconstruire le coude le 21 juillet, et le 15 septembre, je devais être de retour en France. J’ai fait de la physiothérapie accélérée... et je paye pour ça aujourd’hui. J’aurai des séquelles jusqu’à la fin de mes jours. Je suis allé trop vite, mais je compose avec la situation.
On s’informe sur les projets de l’artiste sur son site alainchoquette.ca. Son prochain spectacle, Entre histoires et illusions, sera présenté à partir de septembre 2024. Alain est juge à l’émission La magie des stars, dont plusieurs épisodes sont diffusés en ligne sur qub.ca.