Fuir la guerre pour se cogner à un mur de bureaucratie
![Devant l’ambassade du Canada à Berlin, Oksana Nagorna, son fils de trois mois, Eldar, et sa mère, Viktoria Nazhalova, souhaitent trouver refuge au Canada après avoir fui Kyïv.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F65995115_4133389e3e360c-a1b6-46a8-b799-bded051fb20f_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Guillaume St-Pierre | Le Journal de Montréal
Fuir la guerre pour se cogner à un mur de bureaucratie. C’est la triste réalité des Ukrainiens qui souhaitent trouver refuge au Canada après avoir tout laissé derrière.
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Devant l’ambassade canadienne en Allemagne à Berlin, c’est un véritable ballet du désespoir.
Le va-et-vient est constant. À tel point que l’ambassade a collé à la fenêtre depuis hier matin de grandes feuilles où sont inscrites des informations sur le processus d’immigration, notamment en ukrainien et en russe.
Espoirs déçus
Amina Akhtar avait bon espoir qu’on pourrait l’aider, surtout après avoir vu une dépêche sur internet suggérant que le Canada était prêt à accueillir « un nombre illimité » de réfugiés ukrainiens fuyant la guerre.
C’est effectivement ce que le ministre de l’Immigration fédéral Sean Fraser a déclaré il y a une semaine.
La réalité sur le terrain s’avère bien différente.
Je lui ai demandé si elle a trouvé ce qu’elle cherchait en se présentant à l’ambassade.
« En fait, non », lâche celle qui a quitté la ville occupée de Marioupol pour rejoindre Berlin.
« J’ai pris des photos des documents, je vais continuer mes recherches plus tard. »
En fait, notre ambassade à Berlin n’offre même pas de service de visa en personne en temps normal. Il faut aller à Vienne, en Autriche, pour traiter le plus près de la capitale allemande ce genre de demande en face à face.
Vertu chancelante
Il faut dire que l’ambassade canadienne est stratégiquement placée pour attirer les réfugiés en errance. Elle est située devant l’une des plus importantes gares de Berlin, celle de Potsdamer Platz.
Devant sa porte principale, sont hissés côte à côte l’unifolié et le drapeau ukrainien.
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Le Canada a accueilli la semaine dernière quelque 900 ressortissants ukrainiens, y compris des résidents permanents.
Une goutte d’eau dans cet océan de misère que forment maintenant plus de 2 millions de déplacés en 15 jours d’affrontements.
Contrairement à l’Europe, le Canada n’a pas levé ses obligations de visa.
Dans cet équilibre entre sécurité et générosité, le Canada a choisi le premier. C’est un choix qui se défend, mais que le gouvernement Trudeau doit assumer en évitant de se draper dans sa vertu.
Cela éviterait les malentendus avec des gens comme Amina Akhtar qui s’attendaient à autre chose qu’une feuille collée sur une fenêtre.
En attente
Le nouveau programme d’accueil des réfugiés ukrainiens conçu par Ottawa, qui simplifie l’obtention des visas, sera seulement en vigueur d’ici la fin de la semaine prochaine.
Dans la mesure où nous sommes déjà incapables de traiter les autres demandes dans les délais prescrits, les réfugiés ukrainiens devront prendre leur mal en patience.
« Nous n’avons pas le choix d’attendre, c’est comme ça », dit en haussant les épaules Oksana Nagorna avec son bébé de 3 mois dans les bras.
Sa famille et elle espèrent rejoindre des amis à Toronto.
Écoutez l’entrevue de Selma Mezdaoui, travailleuse communautaire au Collectif Bienvenue:
Sa mère a quitté Moscou pour faire le trajet vers Berlin avec elle et ses deux enfants.
Que pense-t-elle de Vladimir Poutine ?
La même chose que cette guerre, c’est-à-dire « rien de bon ».
La mère de famille de 31 ans s’est déplacée à notre ambassade parce que son site internet n’est « pas très clair ». Une journée à tourner en rond.
Elle tentera aussi sa chance au consulat américain, elle qui a étudié aux États-Unis dans sa jeunesse.
Jouer à la roulette, à la recherche d’un nouveau toit. C’est la nouvelle réalité de millions d’Ukrainiens qui ont fui le leur sous les bombes.