Après d’inquiétants problèmes de santé, Marie Tifo n’a qu’un seul projet : vivre
Michèle Lemieux
Marie Tifo a récemment reçu la plus haute distinction attribuée à une personne pour sa contribution remarquable aux arts d’interprétation au Québec, le prix Denise- Pelletier. La cérémonie de remise des Prix du Québec, lesquels visent à reconnaître les réalisations et l’expertise de grands talents d’ici dans différents domaines, a permis de souligner les 50 ans de carrière de l’artiste. Rencontre avec l’actrice qui se sent rassasiée et qui a choisi le plus beau des projets qui soit actuellement: profiter de la vie.
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Madame Tifo, vous avez reçu le prix Denise-Pelletier – Arts d’interprétation. Comment avez-vous appris la nouvelle?
Ç’a été une grande surprise! C’est monsieur le ministre Lacombe qui m’a appelée un soir, vers 20 h 30. Je croyais que c’était une blague... Je ne m’attendais pas du tout à ça! Ç’a éte formidable! Ce prix représente beaucoup de choses pour moi. Denise Pelletier est probablement l’une des premières femmes que j’ai vues à la télévision quand j’étais petite. C’était du temps des Plouffe. Cinquante ans, c’est toute une vie d’artiste, de comédienne, et ça englobe plusieurs rôles.
Plusieurs de ces rôles ont d’ailleurs marqué le public...
Oui. On me parle encore de Jacqueline, même si O’ n’est plus à l’écran depuis longtemps. Même lors de la cérémonie, les gens me disaient qu’ils ne l’avaient pas oubliée. Ces personnages m’ont marquée, mais ils ont aussi marqué l’esprit des gens.
Comment la cérémonie s’est-elle déroulée?
J’ai vécu ma Coupe Grey! (rires) C’était une belle cérémonie. Je ressentais beaucoup de fierté de voir tous ces gens: des scientifiques, des gens d’affaires, du milieu du cinéma ou du théâtre. Notre peuple est fait de gens extraordinaires! Nous sommes tellement déprimés ces temps-ci que de voir ces gens qui marquent le Québec, qui ont fait des choses grandioses, ça fait du bien. Il faut être fiers de ce que nous sommes. J’étais fière pour moi, mais aussi pour tous ceux qui ont été récompensés. J’étais avec des gens formidables qui ont marqué le Québec. C’était touchant de partager cet honneur avec eux.
Votre famille vous accompagnait- elle pour l’occasion?
Oui, toute ma famille était présente: mes enfants, mon amoureux, mes petites-filles, qui ont entre 15 et 18 ans. Elles étaient fières! Ce sont quatre belles filles pleines de vie, qui font des études, qui sont intéressées et intéressantes. Voir leur grand-maman être honorée les a touchées. J’étais heureuse de voir ma famille et mes amis réunis. Après la cérémonie, nous sommes allés célébrer Chez Boulay. Ç’a été l’un des plus beaux partys de ma vie.
Vous évoquiez vos 50 ans de carrière. C’est une réalisation exceptionnelle!
Oui, c’est plusieurs centaines de personnages. J’ai commencé à l’âge de 15 ans environ, avec mon ami Rémy Girard. Depuis, j’ai travaillé tant au cinéma qu’à la télévision et au théâtre. C’est la somme de tout cela qui fait en sorte que lorsque je regarde en arrière, je constate que c’est toute une vie d’actrice. C’est un bagage humain, d’expériences diverses, de rencontres. Mais c’est un métier qui ne se fait pas seul. Nous, les interprètes, avons besoin des autres. J’ai joué beaucoup de mères, j’ai eu tellement d’enfants! Je les regarde tous; ils ont de grands rôles à la télé. Je suis fière de ma progéniture télévisuelle.
Vous avez réussi à vivre votre carrière en continuité, ce qui est plutôt rare.
Qu’est-ce qui fait que je suis sortie du Conservatoire et que j’ai tout de suite commencé à travailler? Je suis toujours arrivée au bon moment. Le rôle qui m’a révélée, c’est celui dans Les bons débarras. Je suis allée partout vendre le film: en Italie, en France, aux États-Unis. Le départ a été foudroyant! Sans prétention, je pense qu’avec ce personnage, je me suis mise à incarner les femmes de ma génération, qui m’ont suivie et que je représente encore. Je suis maintenant une femme âgée, je suis un peu retirée. Je constate que les femmes d’un certain âge ne sont pas très présentes à la télévision.
Avez-vous des projets?
Je n’en ai aucun. Mon projet en ce moment, c’est de vivre. J’ai eu un grave problème de santé, mais qui s’est résolu en quelques mois. Depuis ce temps, j’avoue que ma vie a un peu changé; ma façon de voir les choses aussi. J’ai appartenu à des personnages pendant 50 ans. Maintenant, je m’appartiens. Je fais ma vie. Je n’ai plus de textes dans ma tête. Je suis à moi-même, à mon amoureux, à mes enfants et à mes petits-enfants. Pour le moment, c’est ça ma vie. Pour me lancer dans un grand projet, il faudrait que ça m’intéresse réellement. C’est un métier où il faut constamment performer. Je l’ai tellement fait que je suis comblée. J’ai tellement joué de beaux personnages... Mais jouer pour jouer? Je n’ai plus cette envie. Et j’habite loin maintenant...
Vous vous êtes éloignée de la ville?
Oui. Après la pandémie, nous avons déménagé en Estrie. Nous y sommes depuis près de deux ans. J’ai trouvé mon havre. Tous les matins, je marche avec mon chien. Là où nous étions, c’était trop de responsabilités. Nous n’en pouvions plus! Là où nous sommes, c’est un vrai village, avec un restaurant, un bureau de poste, une bibliothèque, un magasin général et des gens que je rencontre, qui m’invitent. C’est une belle communauté qui m’a accueillie d’une manière extraordinaire.
Pour connaître les 10 lauréates et lauréats des Prix du Québec qui ont contribué à l’essor de la culture et au rayonnement du Québec à l’échelle internationale cette année, rendez-vous au quebec.ca/prixduquebec.