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Culture

Après avoir voulu mettre fin à ses jours à l’adolescence, Marie-Claude Savard se réconcilie avec son passé

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Michèle Lemieux

2024-05-06T10:00:00Z
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Marie-Claude Savard fait la preuve qu’on peut survivre à son enfance. Pour avoir grandi au sein d’une famille dysfonctionnelle, l’animatrice revient de loin. À l’adolescence, elle a perdu le goût de vivre et a même tenté à deux reprises d’en finir. Mais voilà qu’à 52 ans, cette mère de deux enfants se sent à l’étape de la réconciliation. Avec elle-même, avec la petite fille qu’elle a été et avec ses parents qui, assurément, ont fait de leur mieux avec ce qu’ils avaient.

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Marie-Claude, on vous entend toujours à la radio?

Oui, j’y serai jusqu’à la fête nationale. Le 6 juin, le documentaire sur les Hilton, la fameuse famille de boxeurs, sera diffusé sur Crave. Ç’a été une infiltration dans une grande histoire sportive et familiale. Ça faisait 20 ans que différentes maisons de production voulaient revisiter leur histoire. J’avais refusé de le faire, sachant très bien que ça allait être compliqué. Finalement, il y a deux ans, j’ai accepté. Ce documentaire m’a amenée à boxer, et j’ai livré un combat le 18 février. Ça fait un an que je m’entraîne. Pour entrer en communication avec eux, c’était plus facile de le faire dans le mouvement et par le biais de la boxe. Alex, entre autres, arrivait à parler quand il m’entraînait. Finalement, j’y ai pris goût. C’est comme si je lui apprenais à vivre et qu’il m’apprenait à boxer. Ç’a été une année de transformation.

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La boxe est devenue votre sport?

Oui, c’est mon sport. C’est étrange de penser qu’une femme de 52 ans peut se mettre à boxer. Au début, ça rendait tout le monde incrédule et mal à l’aise. C’est faux de penser qu’il est trop tard pour essayer quelque chose de nouveau, pour apprendre, pour apprivoiser un nouvel aspect de soi-même. Il n’est jamais trop tard. Jamais. Même pour une femme de 52 ans. Je souhaite être active pour profiter de mes enfants et vivre dans le meilleur état possible, le plus longtemps possible. Le gym, ce n’était pas pour moi, mais avec la boxe, j’ai trouvé ce qui m’allume. Ça m’aide à sortir de ma tête. Nous sommes dans un contexte particulier de post-pandémie et d’enjeux planétaires. J’évacue en restant active.

Ça vous aide à gérer la période de transformation que vous traversez en ce début de cinquantaine?

Tout à fait. J’ai traversé ma période de ménopause. Je travaille encore beaucoup. J’ai de jeunes enfants. Pour la première fois, je sens que je reprends mon identité. Je prends mes décisions, je réfléchis davantage, je me connais mieux, je fais des choix. Je me suis rendu compte que dans ma vie professionnelle, j’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’opportunités et je les ai presque toutes saisies. En les saisissant, je faisais ce qu’on me demandait de faire. Aujourd’hui, j’ai envie de choisir mes propres mandats. J’ai le goût de choisir comment je vis, où je vis, de quelle manière. C’est un éclatement.

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Vos propos collent tellement à ceux d’une enfant issue d’une famille dysfonctionnelle, c’est-à-dire qui répond aux besoins des autres avant de répondre aux siens.

C’est vrai. Aujourd’hui, je réalise qu’on porte toujours nos blessures d’enfance. Jamais je n’aurais cru qu’à 50 ans, je serais encore à y réfléchir... Être capable de répondre aux besoins des autres est probablement un cadeau extraordinaire que j’ai reçu. Je sais être présente, être en mode survie, me montrer résiliente, m’adapter à toutes sortes de situations extrêmes. Mais je pense qu’aujourd’hui, je peux m’offrir un peu plus de douceur.

Il faut que vous puissiez prendre soin de la femme et de la petite fille qui l’habite?

Oui, et c’est la première fois que je prends soin de la personne que je suis. Je l’ai beaucoup appris à travers la boxe. J’ai appris à me défendre. Au début de mes entraînements, Alex n’en revenait pas que j’encaisse autant. Quand on me frappait, je restais là. L’année dernière, j’ai beaucoup réfléchi à ça: quand on me frappe, pourquoi j’accepte de rester là?

Vous avez appris à réagir aux coups que vous encaissez?

Oui, et dire qu’on n’a pas envie de telle ou telle chose. Ç’a été une période charnière sur les plans physique et mental, et c’est arrivé dans un ring. Qui l’aurait cru? Parfois, la thérapie se fait dans l’action. Quand je suis allée à La vraie nature, c’est ce que j’ai tenté d’expliquer. Pour la première fois, je me positionne différemment. Ça ne change rien à ma nature: je suis toujours la fille drôle et pétillante, mais peut-être un peu plus équilibrée et capable d’identifier ses besoins, de les communiquer et de s’assurer de faire les bonnes choses pour elle.

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À 50 ans, il est temps de se prendre en main pour la suite des choses...

Oui, et en m’occupant de mes enfants, je me suis rendu compte qu’il fallait aussi que je m’occupe de moi. Je suis en décalage, car la plupart des enfants de mes amis quittent le foyer, alors que je suis encore dans la petite enfance. Cela a des avantages et des inconvénients. Comme j’ai des enfants qui apprennent plein de choses, ça m’inspire à faire de même.

Élever vos enfants vous permet-il de guérir une partie de votre enfance en leur donnant ce qui vous a manqué?

Oui. Lorsque je vois des photos de moi, petite, je vois ma fille... Avoir une fille qui a l’âge que j’avais lorsque j’ai vécu mes grands bouleversements, notamment la séparation de mes parents, je crois que cela me donne une motivation. Pour mieux aimer ma fille, il faut que j’apprenne à aimer l’enfant que j’ai été. Je ne peux pas avancer sans l’aimer. Il faut que je fasse plus que la comprendre, plus que l’accepter: il faut que je l’aime.

Cette enfance déficiente vous a quand même apporté de grandes forces?

Oui, et je pose un autre regard sur mes parents. Quand j’ai écrit Orpheline, j’étais sévère envers eux. Je n’avais pas d’enfant encore. Je suis à une période de réconciliation. Je me réconcilie avec la petite fille que j’ai été. Je lui reconnais ses grandes forces. Je lui suggère de déposer les armes. Du même souffle, c’est une réconciliation avec les parents.

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Votre passage à La vraie nature a suscité plusieurs commentaires?

De manière incroyable! Ça a résonné chez plusieurs. Ce n’était pas la première fois que je parlais de mon parcours, mais j’ai été inondée de commentaires. Des gens se sont reconnus, d’autres ont pu nommer des choses spécifiques. Ce qui a le plus marqué les gens, c’est lorsque j’ai raconté mes deux tentatives de suicide à l’adolescence et le fait que j’avais pris des antidépresseurs. J’en avais déjà parlé, mais je crois que le contexte actuel fait en sorte que les gens ont été plus attentifs. Il faut raconter ces événements, car ils touchent certaines personnes à différents moments de leur existence. Ç’a été un raz de marée. Même des amis que je connais depuis 30 ans m’ont appelée en pleurant. Avoir eu une grosse charge, enfant, avoir eu le sentiment de ne pas être guidée, vivre l’éclatement et la rébellion à l’adolescence, tout cela a beaucoup résonné. Même si ça me rend émotive, les gens ont été touchés de voir que je suis capable d’en parler.

Constater que vous avez réussi à guérir de votre enfance suscite de l’espoir. De toute évidence, on peut en guérir un jour...

Oui, on en guérit. C’est ce qui nous construit. C’est possible qu’à une certaine période de notre vie, on commette des gestes terribles et qu’on s’en remette. J’ai vécu des épreuves par la suite, mais jamais je ne suis retournée dans cet endroit extrêmement sombre que j’avais fréquenté. 

Il faut dire qu’à l’adolescence, on ressent les choses avec tellement d’intensité...

Oui, et j’ai longtemps eu honte de mes tentatives de suicide. Après coup, j’ai réalisé la valeur de la vie. Quand j’ai vu des gens autour de moi perdre la vie, je me suis dit que moi, je l’avais volontairement mise en jeu... Il a vraiment fallu que je me réconcilie avec ces gestes.

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À l’époque, vous ne pouviez même pas imaginer tous les bonheurs qui allaient jalonner votre parcours, notamment vos deux enfants.

Effectivement. Mais quand on ne va pas bien, on ne réalise pas la valeur de la vie. On veut faire cesser la souffrance. On associe l’existence à la douleur. La vie n’égale pas souffrance, détresse ou douleur. Il faut le rappeler, car je sais que des gens vivent dans une grande noirceur.

J’ai été frappée par les propos de votre père qui, après votre tentative de suicide, vous a dit: «Je ne peux pas croire que tu m’as fait ça...» Manifestement, vous viviez une immense solitude: il n’y avait personne pour prendre soin de vous.

Oui. Ç’a été une grande partie de mon fil de vie. Quand on vit cela durant l’enfance, c’est ce qu’on répète par la suite. J’ai appris à me laisser tomber. Chacun a son histoire d’enfance que souvent, il continue de répéter. Celle-là, c’était la mienne. À partir du moment où j’ai arrêté d’agir ainsi sont apparus des gens qui étaient capables d’être là pour moi. On n’est pas obligé de subir ces empreintes de l’enfance, mais le problème c’est que, souvent, on n’en a même pas conscience. Mon père n’était peut-être pas là pour s’occuper de moi, mais moi je peux m’occuper de moi. On a toujours le pouvoir de se réapproprier notre histoire.

Julien Faugere / TVA Publication
Julien Faugere / TVA Publication

Votre passé vous a-t-il rendue plus vigilante face à vos émotions, à vos états d’âme plus sombres?

Oui, et je me sens plus puissante, compétente, capable. Je suis allée chercher des outils qui font en sorte que je sais que j’ai la capacité de remonter. Je me donne le droit de vivre des émotions très fortes, et parfois même très sombres, sachant que je vais en sortir. Même lorsque je traverse des moments difficiles, je reste bien droite: je peux faire face à la tempête. Je fais moins d’évitement. Je fais face aux choses. C’est comme aller à la rencontre de soi-même. Comme je l’ai fait dans des situations extrêmes, je n’ai plus peur d’y retourner. On survit à tout. On ne sait jamais ce qui se passe derrière les portes closes ni ce que les gens vivent.

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Vous n’avez jamais hésité à demander de l’aide. C’est essentiel, à votre avis?

J’ai envie de dire aux gens qu’on peut demander de l’aide, mais qu’on peut aussi prendre soin de soi de toutes sortes de manières différentes. Parfois, c’est aussi simple que d’aller se faire masser, reconnaître une douleur physique, marcher, parler à un ami. Il faut sortir de l’isolement. Quand on parle de santé mentale, on évoque surtout les extrêmes alors qu’il y a bien des nuances entre les deux. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir aller en thérapie. En revanche, dans l’entourage, il y a toujours quelqu’un qui peut être à l’écoute. Prendre conscience de ce qu’on vit et poser un geste pour s’en sortir, c’est déjà énorme. On peut faire quelque chose qui nous fait plaisir et entretenir ce plaisir. Ce sont des gestes gratuits, disponibles en tout temps. Personnellement, le fait d’avoir eu des passions, que ce soit le travail, les études ou autre, a fait en sorte que j’ai réussi à m’en sortir. Oui, il faut demander de l’aide, mais se rattacher à ce qui nous fait du bien, c’est aussi important.

En terminant, à ceux qui souffrent, que diriez-vous?

Restez connectés, avec vous et avec les autres. Et je tiens à le mentionner: à 52 ans, je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma vie. Peu importe les tempêtes, je sais que c’est possible...

Marie-Claude Savard coanime Ça rentre au poste sur Radio Énergie du lundi au vendredi, de 14 h 55 à 18 h, aux côtés de Mario Tessier et de Sébastien Trudel.

Si vous avez besoin d’aide 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 Ligne québécoise de prévention du suicide: 1 866 APPELLE (277-3553) www.aqps.info;

Jeunesse, j’écoute: 1 800 668- 6868 www.jeunessejecoute.ca;

Tel-jeunes: 1 800 263-2266 www.teljeunes.com

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