Trump change de ton après un premier appel avec Mark Carney

Raphaël Pirro
Finie, cette histoire de 51e État? Pour la première fois depuis belle lurette, Donald Trump a qualifié le premier ministre canadien de... «premier ministre», et non de «gouverneur», après un premier appel «extrêmement productif» avec Mark Carney.
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En conférence de presse au port de Montréal cet après-midi, le premier ministre a dit que le ton était «cordial» lors de cette conversation «très constructive» tenue «entre deux nations souveraines».
«Monsieur le président a respecté la souveraineté de notre pays dans la conversation et dans ses commentaires publics», a commenté M. Carney, sans entrer dans les détails.
Un contraste frappant
La déclaration de M. Trump, publiée dans Truth Social après son appel avec Mark Carney, contraste avec le ton et les insultes qu’il lançait quotidiennement au visage de Justin Trudeau et au Canada depuis décembre.
«Je viens de finir de parler avec le premier ministre Mark Carney du Canada. C’était un appel extrêmement productif, nous nous sommes mis d’accord sur plusieurs choses, et nous nous rencontrerons immédiatement après les élections canadiennes à venir, pour travailler sur des éléments de politique, de commerce et sur tous les autres éléments qui finiront par être bénéfiques aux États-Unis d’Amérique et au Canada», a-t-il publié dans son compte à 11 h 10.
Donald Trump en a rajouté une couche en après-midi: en parlant de pays qui «profitent» des États-Unis, il a explicitement exclu le Canada.
«Nous allons aboutir à une excellente relation avec le Canada et avec beaucoup d’autres pays», a dit le président républicain en conférence de presse.
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Un bémol: le vice-président J.D. Vance, en déplacement au Groenland, a gardé le même ton belliqueux qui le définit désormais.
«Les dirigeants canadiens qui menacent les États-Unis de tarifs douaniers de représailles, comme le dit souvent le président Trump, n’ont tout simplement pas de bonnes cartes en main. Il n’y a aucune chance qu’il [Carney] puisse gagner», a-t-il déclaré.
Partir sur de nouvelles assises
Le chef libéral a profité de son passage au port de Montréal pour annoncer un nouveau «Fonds pour la diversification de corridors commerciaux».
Ce fonds proposé de 5 milliards $ servirait à construire et à développer des infrastructures pour doper le transport de marchandises et de ressources naturelles au pays et à l’étranger.
Bien que Carney propose de renforcer les liens du Canada avec l’Europe, les États-Unis demeureront toujours un partenaire commercial.
Mark Carney a convenu avec Donald Trump que des négociations «compréhensives» auraient lieu après les élections fédérales du 28 avril.
S’il parle de progrès, M. Carney a évité de dire qu’il avait obtenu une quelconque «garantie» de la part de M. Trump pour qu’il recule sur ses tarifs ou les tempère.
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Une question de «respect»?
Depuis son assermentation il y a deux semaines, Mark Carney ne semblait pas pressé de parler au président américain ou de s’envoler vers Mar-a-Lago.
Il disait même que le «respect» pour le Canada et pour sa souveraineté était une «condition» à l’ouverture des discussions.
Dans son message, M. Trump va jusqu’à dire qu’il rencontrera M. Carney «immédiatement après les élections canadiennes», comme si celles-ci étaient déjà acquises aux libéraux.
Mark Carney a dit hier que les États-Unis n’étaient plus un «partenaire fiable» et que les liens entre les deux pays ne seraient plus jamais les mêmes.
«Il n’y aura pas de retour en arrière», disait-il.
En attendant les détails
«On espère que c’est un changement de ton. On a besoin d’un changement de ton», a dit le chef conservateur Pierre Poilievre, qui est en Colombie-Britannique dans le cadre de sa campagne électorale.
«Mon message pour le président Trump, c’est: “Si vous arrêtez les tarifs, les deux économies vont être plus fortes”», a dit M. Poilievre.
Premier à réagir, le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, s’est réjoui dans X que Donald Trump ait qualifié la discussion de «productive».
«Je souhaite savoir ce qui a été dit sur la gestion de l’offre, le bois d’œuvre, la culture ou l’aluminium, des secteurs clés de l’économie du Québec. On comprend que monsieur Trump respectera l’élection canadienne sans autre intrusion avant mai», a-t-il écrit.
Après la rencontre avec M. Carney, le premier ministre François Legault a «insisté sur l’importance» pour le Québec d’augmenter de manière importante ses exportations de minéraux vers l’Europe.
«Ces ressources sont essentielles, entre autres, aux secteurs stratégiques des télécommunications, [du] domaine médical, [de] l’électrification des transports, [des] semi-conducteurs et [de] l’industrie de la défense», a-t-il fait savoir.
Pour Jagmeet Singh, le ton inhabituel de M. Trump a le potentiel d’offrir un «léger soulagement». «On voit un peu de respect pour le Canada», a-t-il dit en entrevue avec le média CP24.