Anxieux face à la guerre en Ukraine? C'est normal
Genevieve Abran
Vous regardez ce qui se passe en Ukraine sur votre téléphone et vous vous sentez impuissant? Vous êtes anxieux face aux images de guerre? Ce sentiment est tout à fait normal, assurent deux spécialistes en santé mentale.
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Depuis plus d'une semaine maintenant, les images de bombardements et de soldats russes et ukrainiens tapissent les réseaux sociaux. Sur TikTok et sur Twitch, des images diffusées en direct nous permettent même de suivre les développements en temps réel.
Face à autant d’images de guerre, pas étonnant qu’on puisse se sentir anxieux, même si on se trouve à des milliers de kilomètres des affrontements.
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«Quand on se sent impuissant, quand on l’impression qu’on n’a pas le contrôle sur une situation, c’est anxiogène, explique la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier.
Lors de situations stressantes, se mobiliser et trouver des solutions peut aider à donner un certain sentiment de contrôle. Cette fois-ci, «on voit ça de loin et on est dépendant des actions des autres dans d’autres pays, des acteurs gouvernementaux, internationaux».
L’inconnu de la guerre, source d’anxiété
Pour les plus jeunes générations, qui n’ont jamais connu de guerre d’une telle ampleur, l’effet de nouveauté peut augmenter le sentiment d’anxiété.
«La guerre, ça peut être abstrait pour beaucoup de gens, même s’il y en a eu depuis que notre génération est née», rappelle l’intervenante psychosociale Amélie Faubert.
L’inconnu de la situation peut causer de l’anxiété chez des individus, ajoute-t-elle.
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Et la pandémie dans tout ça?
Le déclenchement de la guerre en Ukraine survient après deux ans de pandémie, ce qui peut la rendre encore plus anxiogène, mentionne la psychologue. «Ça fait deux ans qu’on est sollicité et qu’on est usé psychologiquement parlant. [...] En ce moment, on est déjà à bout de ressources, là je viens rajouter un stress.»
Si nos émotions sont plus intenses face à la guerre, c’est normal, surtout si on était déjà anxieux, déprimé ou très fatigué en raison de la pandémie, rassure Geneviève Beaulieu-Pelletier. «C'est comme si on réagit plus vite, on a la mèche plus courte et donc l’anxiété s’active plus rapidement», précise-t-elle.
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Quoi faire pour s’aider?
Comprendre les enjeux
«Je pense que beaucoup de personnes pensent que c’est gros, mais sans comprendre les enjeux», remarque Geneviève Beaulieu-Pelletier. Selon elle, c’est important d’aller chercher toute l'information dont on a besoin pour bien comprendre ce qui se passe.
Contrôler les informations que l’on consomme (et quand)
«C’est normal de sentir qu’on a besoin de savoir à la minute près, mais on n’a pas besoin de s’informer constamment si on trouve que ça fait augmenter notre anxiété», soutient Amélie Faubert. Il faut aussi prioriser les informations de qualité et éviter les fake news.
Selon elle, il vaut choisir les bons moments pour regarder l’actualité et éviter de défiler les réseaux sociaux sans arrêt. Par exemple, elle évite d’aller sur TikTok en ce moment, pour ne pas tomber sur des vidéos de guerre.
Relativiser
«Quand on part dans une spirale, c’est important de recadrer. On est au Canada, dans un pays sécuritaire, l’un des pays les plus démocratiques. On est en sécurité, insiste Amélie Faubert. Ça peut complètement nous affecter, mais ce n’est pas une menace à notre sécurité physique».
Geneviève Beaulieu-Pelletier reconnait toutefois que ça peut être «confrontant» et «culpabilisant» de vivre la guerre dans le confort de notre salon. «Ça vient relativiser tous les petits soucis qu’on a».
Être bienveillant envers soi-même
Il faut se rappeler que cette situation est inédite pour nous. C’est donc primordial d’être bienveillant envers soi-même, rappelle Amélie Faubert. «Si on n’est pas capable de passer au travers de notre to-do list de la journée, il ne faut pas se taper sur la tête.»
En parler avec les autres
«Prendre le temps de verbaliser, de dire comment on se sent. Si on est anxieux, qu’on a des pensées intrusives, parlons-en aux proches pour essayer d’avoir un soutien émotionnel pour pas rester pris avec tout ça», conclut Geneviève Beaulieu Pelletier.
Quelles conséquences sur notre bien être?
Être exposé à des images violentes ou troublantes peut laisser des traces, souligne Geneviève Beaulieu-Pelletier.
«Pour des personnes qui ont vécu des traumatismes, ça vient possiblement [le] réactiver. Pour d’autres, même si on n’a pas un vécu d’évènement traumatique, observer des images comme celles-là peuvent développer en nous des réactions traumatiques».
La vitesse avec laquelle circule l’information, à toute heure du jour et de la nuit, peut aussi faire gonfler notre anxiété. «Le fait d’être beaucoup connectés rajoute au stress parce que c’est comme si la menace est toujours réactivée», affirme Geneviève Beaulieu Pelletier.
Amélie Faubert voudrait d’ailleurs que les médias et les personnes qui partagent du contenu en lien à la guerre en Ukraine sur les réseaux sociaux devraient inclure un avertissement. «Je pense, en ce moment, que c’est la moindre des choses. C'est légitime de vouloir partager des choses, mais je pense qu’il faut juste avertir les gens», soutient-elle.