Antonine Maillet: la mort, un dernier éclat de vie


Maka Kotto
Le 17 février 2025, Antonine Maillet a quitté ce monde, mais son souffle demeure. Non seulement à travers ses mots, sa langue acadienne indomptable, mais aussi à travers son regard sur la mort: non pas une fin, mais un mystère à embrasser, une porte qui s’ouvre sur l’inconnu.
En septembre 2024, interrogée par Anne-Marie Parenteau de Radio-Canada Acadie, elle lançait cette phrase, lumineuse et intrépide: «Avoir peur de mourir? Non, ce n’est pas mon genre. Parce que j’ai jamais eu peur de rien quand c’est pour découvrir autre chose. Et moi, je sais que je dois découvrir autre chose.»
Une réponse qui dit tout de son esprit libre. Jusqu’au bout, elle a préféré l’exploration à l’angoisse; la curiosité à l’effroi.
La mort, un voyage sans retour, mais pas sans échos
Antonine Maillet abordait la mort comme une traversée, une aventure aussi captivante qu’une page à écrire. À ses yeux, disparaître n’était pas s’effacer, mais glisser vers un ailleurs qu’elle pressentait vibrant.
C’est ainsi qu’elle a vécu: en marchant à contre-courant, en faisant résonner une voix que l’histoire voulait taire. Pélagie-la-Charrette avançait contre l’exil, la Sagouine riait de la fatalité, et Antonine Maillet, elle, regardait la mort droit dans les yeux, avec la même insolence tranquille.
Dans son esprit, mourir n’était pas s’éteindre, mais s’élancer. Comme on met les voiles.
Le monde garde l’empreinte des âmes
Elle disait: «Après ma mort, je vais être quelque part.» Une certitude qui rejoint tant de sagesses anciennes, y compris celle que ma grand-mère, Fany, m’a léguée à l’adolescence: la mort ne fait que disséminer ce que nous avons été.
Née au bord de l’eau, Antonine Maillet savait que la terre, les marais, le vent retiennent la trace de ceux qui les ont foulés. On ne disparaît pas: on change de forme, on devient bruissement dans les feuillages, reflet sur les vagues, souffle dans l’air du matin.
C’est peut-être cela, l’éternité: être là, autrement.
Un amour qui ne se tait pas
Antonine Maillet a offert une voix aux oubliés. À nous, maintenant, de ne pas la laisser se taire. Car si la mort éteint un souffle, elle ne brise jamais le lien.
Tant que nous l’écouterons, tant que nous chérirons ses mots, elle sera là. Pas figée dans le passé, mais vivante dans l’écho de nos lectures, dans les accents d’Acadie qui roulent encore, dans l’amour que nous portons à ce qu’elle a bâti.
Mourir, après tout, ce n’est peut-être que laisser aux autres la charge de nous faire durer.