Antoine Corriveau présente l’album «Oiseau de nuit»: «On pense que le public ne peut pas apprécier des choses qui sortent du cadre. À mon avis, on se trompe.»


Cédric Bélanger
Sur le nouvel album d’Antoine Corriveau, il y a une chanson qui dure 9 minutes, de l’improvisation, des influences de hip-hop et de jazz, des textes-fleuves et des chansons où s’enchaînent les ruptures de ton comme dans Bohemian Rhapsody.
Aussi bien dire que sur son fascinant Oiseau de nuit, cinquième disque de sa carrière, l’inclassable auteur-compositeur-interprète de 40 ans met en pratique ce qu’il prêche, soit qu’un artiste doit «oser des trucs différents».
Ça manque dans notre paysage musical québécois, dit-il.
«On a peur d’essayer des affaires. Je pense que c’est encouragé par le fait qu’on joue safe dans la diffusion. Tristement, ça prive le public de choses très variées qui font éclater certains cadres et qu’il pourrait aimer. J’ai l’impression qu’on pense que le public ne peut pas apprécier des choses qui sortent du cadre. À mon avis, on se trompe.»
Exubérance
Lui ose. Le premier extrait du disque, Suzo, est une sorte de pièce de théâtre musicale portée par un accord de piano répétitif, dont la mélodie part à gauche avant de tourner à droite dans un souci conscient de brouiller les pistes sonores. Et ça fonctionne à merveille.
Pastorale constitue pour sa part un condensé en neuf minutes d’une improvisation en studio d’une demi-heure où Corriveau se dit qu’il aurait «bien pris trois ou quatre autres vies encore, juste pour voir avant, voir après, ou dans un autre corps, un autre sexe et puis une autre mort».
«Je suis hyper fier de Suzo», dit-il, en avouant néanmoins une certaine ambivalence face à la décision de sa maison de disques d’en faire la porte d’entrée de l’album.
«J’étais content de la sortir, mais il y a une partie de moi qui se disait que les gens allaient trouver ça exagéré. Il y a de l’exubérance dans ce disque, quelque chose d’expansif qui peut en rebuter certains et c’est normal, on ne peut pas plaire à tout le monde.»
Le doute
Le créateur avoue avoir même eu des doutes sur son album en entier.
«Quand j’ai approuvé le mastering de l’album, je n’ai pas été capable de l’écouter pendant un mois. Plus je l’écoutais, plus je me disais que nous étions allés trop loin, que ce n’était pas écoutable. Les gens ne vont pas aimer. Après un peu de recul, j’y suis revenu et j’ai constaté que ça sonnait exactement comme je voulais que ça sonne.»

Il n’empêche que ce souci de se remettre en question, de ne pas se trouver trop bon, c’est vital, croit Antoine Corriveau. Il se fait d’ailleurs un devoir de le rappeler à ses étudiants, lui qui enseigne l’écriture à l’École nationale de la chanson de Granby.
«Dans mon cours, je leur dis que s’il y a un moment où ils pensent que ce qu’ils font est vraiment bon, qu’ils ont enfin atteint le niveau qu’il faut, alors ils ne sont probablement pas à la bonne place.»
Il préfère la philosophie d’un David Bowie, selon qui «si tu es dans une zone créative où tu te sens en danger, tu es probablement à la bonne place.»
- Oiseau de nuit, nouvel album d'Antoine Corriveau, en vente maintenant.
- En concert au Festif! de Baie-Saint-Paul, le 17 juillet.