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Culture

Anne Elizabeth Lapointe poursuit l’oeuvre de son père, Jean Lapointe

Photo : Bruno Petrozza / TVA Pu
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Michèle Lemieux

2023-08-14T11:00:00Z
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Après avoir passé 40 ans dans les bâtiments des Sœurs Grises de Montréal, la Maison Jean Lapointe poursuivra son œuvre dans ceux des Sœurs du Bon-Conseil. La mission demeurera la même: faire de la prévention et traiter les personnes aux prises avec une dépendance. Directrice générale de la Maison depuis 2019, Anne Elizabeth Lapointe poursuit l’œuvre de son père, le célèbre Jean Lapointe.  

Madame Lapointe, est-ce particulier de diriger la maison qui porte le nom de votre père?
Tellement! Ça l’était il y a 22 ans quand j’ai commencé à travailler ici, et ça l’est toujours, surtout depuis son décès. On dirait que j'ai encore plus à coeur de faire vivre son oeuvre, son legs, son héritage. Pour moi, tout cela prend encore plus de sens. Je veux assurer la pérennité de l'oeuvre de mon père. Quand on s'arrête pour regarder le chemin parcouru, on se rend compte qu'il a donné son nom à une oeuvre qui est très vivante

Tout le monde s'est réjoui de savoir que la Maison Jean Lapointe s'était portée acquéreur des bâtiments de la communauté des Soeurs du Bon-Conseil. C'est un beau tournant pour cette oeuvre...
Oui, et la venue de la Maison Jean Lapointe dans le quartier Ahuntsic-Cartierville est vue d’un très bon œil. La mission des Sœurs du Bon-Conseil se poursuit d’une certaine façon. Je n’avais jamais envisagé de déménager la Maison, mais nous avons eu l’opportunité de visiter les bâtiments des Sœurs et nous avons eu un coup de cœur. La Maison sera au bord de l’eau, entourée de verdure et de nature. Cette perspective nous permet de rêver de continuer à bâtir et
à aider.

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Cette maison doit être remplie de bonnes ondes...
Oui, et c’est le cas de l’actuelle maison. Il y a 40 ans, ce sont les Sœurs Grises qui nous ont donné l’opportunité de nous installer ici, dans le Vieux-Montréal. Quarante ans plus tard, ce sont encore les sœurs qui nous tendent la main. Je sais que mon père serait heureux de savoir que c’est la congrégation de sœur Angèle qui va nous permettre de grandir et de poursuivre notre œuvre. Nous sommes touchés et reconnaissants.

Sœur Angèle pourra, semble-t-il, continuer à vivre dans sa petite maison où elle a installé sa fondation?
Effectivement. Sœur Angèle disait souvent à mon père qu’elle et lui faisaient la même chose dans la vie, et elle n’avait pas tort. Nous tendons la main à des gens qui en ont besoin. Nous sommes contents de l’avoir à nos côtés, comme nous nous sommes réjouis de la présence des Sœurs Grises. Où en serait la Maison sans elles? Je l’ignore. Un jour, nous dirons sûrement: «Que serait la Maison sans les Sœurs du Bon-Conseil?»

Photo : Bernard Brault / TVA Pu
Photo : Bernard Brault / TVA Pu

Ce qui compte, c’est de pouvoir poursuivre votre mission.
Oui, et je constate qu’il y a encore énormément de préjugés envers les gens qui ont des problèmes de dépendance. La crise de surdoses fait en sorte que les gens ne comprennent pas toujours la dépendance. On a l’image du junkie, alors que plusieurs consomment du fentanyl à leur insu. Il y a des histoires d’horreur de jeunes filles qui font des surdoses de fentanyl sans savoir qu’elles en ont consommé.

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Pouvez-vous nous parler plus en détail de la mission de la Maison?
Environ 80 % des gens viennent à la Maison pour une dépendance à l’alcool. Viennent ensuite les autres substances: cannabis, cocaïne, médicaments prescrits et autres. Il y a aussi les gens qui ont des problèmes de dépendance aux jeux de hasard. Cette demande a explosé depuis la pandémie. En quelques années, les habitudes ont changé. Le jeu en ligne entraîne une dépendance rapide et fait perdre beaucoup d’argent. Nous soutenons aussi les familles de ceux qui ont des problèmes de substances, qu’ils soient en traitement chez nous ou qu’ils soient actifs dans la consommation.

Le volet prévention est aussi un élément important pour la Maison.
Oui. Depuis 2004, nous avons rencontré un million de jeunes. Depuis 15 ans, nous allons dans les écoles, où nous rencontrons chaque année des dizaines de milliers de jeunes auprès desquels nous faisons de la prévention concernant l’alcool, mais aussi d’autres substances, les jeux d’argent et les écrans. Le volet prévention est très important. Nous avons constaté que c’est encore l’alcool qui amène le plus de gens en traitement. Il y a des leçons à tirer de cela. Il faut se questionner sur la trop grande place que l’alcool occupe dans notre société. Le Défi 28 jours, qui est la plus grande collecte de fonds de la Fondation Jean Lapointe, amène depuis 10 ans les Québécoises et Québécois à réfléchir à leur propre consommation, tout en contribuant à la Fondation.

TOMA ICZKOVITS
TOMA ICZKOVITS

On le sait, la thérapie ne marche pas pour tous du premier coup...
Oui. Prenons l’exemple de mon père. Ça lui aura pris je ne sais trop combien de désintoxications à l’hôpital Saint-Luc de Montréal avant d’arrêter. Ç’a été très long pour lui. Pour d’autres, ça fonctionne après une seule thérapie.

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Votre père était-il fier de vous voir à la tête de la Maison?
Jean-Marie a été impliqué dès les débuts. Ma sœur Catherine a siégé au conseil d’administration pendant des années. Il était fier de voir que ses enfants portaient la même cause que lui et souhaitaient le succès de la Maison et de la Fondation Jean Lapointe. Je suis arrivée ici comme intervenante. Il était vraiment fier que je prenne la tête de la Maison. Ça le rassurait, parce qu’il savait que les services continueraient d’être à son image. Il désirait offrir des services dans le non-jugement, la compassion et le respect. Que ses enfants soutiennent sa Maison, c’est son plus bel héritage.

Il était là pour fêter les 40 ans.
Oui, quelques semaines avant son décès, il est venu célébrer les 40 ans de la Maison. Ç’a été sa dernière sortie. Il voulait voir les résidents et les résidentes, s’asseoir avec eux. Ce qu’il aimait le plus, c’était les gens, des gens qui, comme lui, souffraient d’une dépendance. Mon père incarnait un message d’espoir, de résilience et de détermination. La leçon qu’il me reste de lui, c’est que même si on s’enfarge, ce qui compte, c’est de se relever... 

On peut dorénavant suivre une thérapie à distance.
Pour joindre la Maison Jean Lapointe, on appelle au 514 288-2611 ou au 1 800 567-9543. On peut visiter le site.

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