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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Masculinistes et mâles alpha: une (bête) histoire de domination

Derrière le masculinisme se cache un effet de ressac, un de plus, contre le féminisme.
Derrière le masculinisme se cache un effet de ressac, un de plus, contre le féminisme. Photo fournie par Télé-Québec
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

13 novembre
13 novembre à 0h05
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Un soi-disant «influenceur» masculiniste québécois exilé en Floride aurait-il dû être invité à Tout le monde en parle dimanche soir? Réponse courte: non. 

C’est sûr qu’il faut disséquer le phénomène du masculinisme, ses causes et comment ses propagandistes s’y prennent pour étendre ses tentacules.

Il le faut parce qu’il prône un retour au mâle pourvoyeur dominant et à «sa» femme confinée au foyer avec les enfants. Aussi parce qu’il gagne du terrain, même s’il est encore marginal.

Réalisé par le journaliste Simon Coutu et diffusé à Télé-Québec, le documentaire Alphas – où le même influenceur est d’ailleurs amplement visible et audible – le fait fort bien.

Des universitaires et des experts en radicalisation le font aussi. Or, donner en plus à ce masculiniste une tribune en or comme TLMEP ne fait que décupler sa visibilité et celle d’une mouvance pourtant ouvertement misogyne.

Inviterait-on un suprématiste blanc pour qu’il «explique» pourquoi, dans son délire raciste, les hommes blancs seraient supérieurs au reste de l’humanité?

Le masculinisme réduit tout autant les femmes à un rang inférieur.

Celui d’une belle machine à bébés obéissante au service du mari alpha. Un alpha caricatural, mais réel: ultra-musclé, avec un gros char, maniant des armes à feu et lisant sa bible au lieu des méchants médias fake news.

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Des curés sur stéroïdes

Les bondieuseries y étant aussi pour quelque chose, on pourrait dire que les masculinistes sont des curés défroqués sur stéroïdes.

Au-delà de la controverse de TLMEP, il reste cette montée en popularité du masculinisme chez une minorité de jeunes adultes. Donald Trump, de retour bientôt à la tête de la plus grande puissance mondiale, est l’alpha suprême.

Idem pour Andrew Tate, le méga-influenceur masculiniste britannique accusé de viols et autres horreurs. Comme quoi inférioriser et menacer les femmes est un business payant. Bref, ce phénomène n’a rien de banal.

Comment le faire reculer? C’est pas mal plus compliqué, semble-t-il, que de l’analyser. De toute évidence, l’éducation ne suffit pas à la tâche.

Effet de ressac

Derrière ces masculinistes se cache également un effet de ressac, un de plus, contre les femmes qui n’obéissent pas.

Ce ressac vise en partie le mouvement #metoo, mais aussi la présence croissante de femmes dans des professions de pointe, la visibilité accrue de minorités, sexuelles ou autres, etc.

Pour eux, si une femme ose se dire féministe en plus, elle est forcément une «enragée» et une «woke», qui «déteste» les hommes. Car plus que tout, dans leur mire se trouve le féminisme lui-même.

Pour les masculinistes, le principe central du féminisme – l’égalité en droits des hommes et des femmes – est une hérésie sociale qui les empêche de contrôler «leur» maison, «leurs» enfants, «leur» argent et, surtout, «leur» femme, son esprit, son corps et ses ambitions.

L’homme doit tout décider parce qu’il est un homme. Point. Au-delà de cette mouvance, on note d’ailleurs la montée d’un conservatisme politique et social qui, chez une partie des jeunes, n’y est pas étrangère.

Radio-Canada cite un sondage CROP montrant qu’au Canada, «40% des 18-34 ans sont en accord avec l'affirmation “Le père de famille doit commander chez lui ”». Ouf.

En 2024, c’est très inquiétant...

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