Angèle Dubeau forcée de mettre un terme à sa carrière

Après presque 50 ans de carrière, Angèle Dubeau est forcée de remiser son violon. Blessée à l’index, elle doit, à contrecœur, prendre sa retraite. La musicienne évoque «un vide au cœur» dans une entrevue exclusive avec Le Journal.

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Il y a un an, Angèle Dubeau s’est mise à sentir un engourdissement dans son index de la main droite; le doigt qui est le maître de l’archet.

«Tout l’automne dernier, j’ai essayé de pratiquer le strict minimum pour pouvoir aller sur scène. Car je voyais que cela s’amplifiait», explique la musicienne de 62 ans, qui a combattu un cancer du sein en 2013. 

Celle que plusieurs considèrent comme la plus grande violoniste du Québec a mis ses activités professionnelles sur pause et a consulté divers spécialistes, avec l’espoir au cœur que sa blessure s’atténuerait avec le repos. Elle a passé une foule de tests, dont plusieurs électromyogrammes afin de calculer la sensibilité de son doigt. «Ce fut une période très difficile: de ne pas savoir. Je faisais du sur place. J’ai gardé espoir jusqu’au dernier moment», se souvient-elle.

Le verdict est tombé en août dernier, quelques jours avant La Fête de la Musique de Tremblant, dont elle est la fondatrice et directrice depuis un quart de siècle. Le nerf de son index a été complètement broyé par les années de pression et de mouvements répétés sur son précieux violon. Une opération de reconstruction est impossible.

Pour Angèle Dubeau, il n’était pas question de remonter sur scène dans cet état. «Je me suis toujours dit que je ne voulais jamais jouer moins bien que la veille. Alors comme je ne peux plus jouer comme avant, je dois m’arrêter et mettre fin à ma carrière», souffle la virtuose, qui doit encaisser le choc d’une retraite anticipée et non désirée.

Un vide intérieur

Angèle Dubeau a tenu secrète cette accablante nouvelle pendant un an. Seule sa famille était au courant de ce qui se jouait dans la tête et dans le cœur de la musicienne.

«J’ai dû faire le cheminement. Dans les derniers mois, j’ai consulté. Mon violon est mon identité depuis l’âge de 4 ans et mon meilleur ami. C’est une façon incroyable de m’exprimer et de sortir toutes mes émotions. C’est ce qui fait mal et qui est le vide intérieur», raconte-t-elle.

La violoniste aura livré son ultime concert le 27 novembre 2023 à la Maison symphonique de Montréal. En compagnie de son ensemble La Pietà (qui n’existera plus sans elle), elle a offert un hommage à Philip Glass et à Ludovico Einaudi.

«Il y avait plein d’amour dans la salle, je suis contente de ce dernier concert», dit-elle avec émotion.

Parce que le public a «toujours été sa raison d’être», Angèle Dubeau a choisi de raconter son histoire ici et dans une lettre spécialement rédigée pour ses admirateurs, qui sera envoyée aujourd’hui et dont Le Journal a obtenu copie.

«Je tenais à le faire de cette façon, en l’écrivant moi-même, car c’est quelque chose de tellement personnel. Cela me fait du bien de penser qu’avec mes 48 albums, ma musique va continuer à accompagner les gens. Je m’ancre beaucoup avec cela», dit-elle.

Rejouera-t-elle de son instrument un jour? «L’avenir le dira. Je suis bien entourée et aimée par mes proches. Je peux me façonner un autre rêve. Je veux garder mon optimisme», conclut l’artiste en promettant que la musique restera toujours dans sa vie.

Angèle Dubeau, c’est...

• Plus de 650 000 albums vendus et plus de 195 millions d’écoutes sur les plateformes d’écoute en continu;
• Quarante-huit albums parus en 48 ans de carrière;
• Le plus grand nombre de prix Félix – album de l’année depuis l’existence de ce prix, toutes catégories confondues. Vingt Félix au total;
• L’une des rares musiciennes classiques au monde à avoir reçu des Disques d’or (3);
• De nombreux prix nationaux et internationaux, dont la médaille de l’Assemblée nationale du Québec en 2022, le titre d’officière de l’Ordre de Montréal en 2018 et celui de compagne des arts et lettres du Québec en 2018, le titre d’officière de l’Ordre du Canada (membre de l’Ordre du Canada depuis 1996) en 2012 et celui de chevalière de l’Ordre national du Québec en 2004;
• La fondation et la direction, il y a plus de 25 ans, de La Fête de la Musique de Tremblant.

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