Amazon, qui quitte le Québec, a reçu des centaines de millions $ de fonds publics
Contrats d'infonuagique, achat de matériel, rabais d'Hydro-Québec; le géant américain est abonné aux deniers publics

Nicolas Brasseur, Charles Mathieu, Raphaël Pirro et Marie Christine Trottier
L’empire Amazon, qui vient de licencier en bloc 1700 travailleurs au Québec, est abonné aux deniers publics de toutes sortes. Ses lobbyistes ont convaincu autant le gouvernement provincial que le fédéral de dépenser des dizaines de millions en services d’infonuagique pour le géant américain. Aussi, on ne compte plus les organismes gouvernementaux et les villes qui commandent des articles sur Amazon. Sans compter les rabais d’Hydro-Québec consentis à la firme de Jeff Bezos au fil des années. Le Journal fait le tour de la question.
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100 M$ de Québec
Les ministères et organismes publics du Québec ont conclu près d’une centaine de contrats avec Amazon totalisant plus de 100 M$depuis 2018. Ceux-ci concernaient en très grande majorité des dépenses pour des services infonuagiques .
Le contrat le plus coûteux date de 2023, au moment où le ministère de la Cybersécurité et du Numérique a fait l’acquisition «d’infrastructures infonuagiques» pour un montant de 31 M$. Ce ministère est de loin celui qui a le plus dépensé pour les services du géant du Web, avec 56 M$.
Les montants ne comprennent pas les nombreuses dépenses par carte de crédit des ministères pour se procurer des articles sur Amazon. Celles-ci totalisaient 2,2 M$ entre 2021 et 2024.
145 M$ d’Ottawa
Le gouvernement fédéral est aussi un très bon client d’Amazon. Depuis 2020, Ottawa a signé des contrats dont la valeur cumulée est d’au moins 145 M$ et pourrait être bien plus élevée.
Ici encore, ce sont surtout les services infonuagiques d’Amazon Web Services (AWS) qui sont prisés. L’on retient aussi les services d’AWS pour ses services de consultation en Technologie de l’information (TI).
L’entreprise de Jeff Bezos a ses pattes dans une foule de ministères, qui signent parfois des ententes à la pièce: Défense nationale, Ressources naturelles, Agence du revenu, Emploi et développement social, Santé Canada, Transports Canada et l’Agence des services frontaliers sont parmi les plus importants clients d’Amazon à Ottawa.
Ottawa n’a pas déclaré clairement s’il avait l’intention de cesser ses affaires avec Amazon, dont les lobbyistes sont en contact régulier avec des fonctionnaires et des députés.
De nombreux achats des villes
Les 19 plus grandes villes du Québec ont dépensé au moins 3,2 M$ depuis 2020 sur Amazon, nécessitant plus de 10 000 transactions à même leurs cartes de crédit.
Des articles de bureau, comme des souris, des claviers ou des chargeurs, figurent parmi les achats effectués par les fonctionnaires.
La Ville de Montréal trône au sommet des municipalités avec plus de 1,3 M$ en achats sur la plateforme de Jeff Bezos. Viennent ensuite les villes de Saint-Jérôme (394 000$), Lévis (251 000$), Laval (234 000$) et Saint-Jean-sur-Richelieu (164 000$).
Au moins deux contrats publics ont également été conclus entre les villes de Montréal (442 653,75$), de Québec (34 492,50$) et la multinationale pour des besoins liés à son service infonuagique AWS.
Opération séduction
À Québec comme à Ottawa, les lobbyistes d’Amazon multiplient les démarches auprès des décideurs publics. Ces dernières années, le géant américain a fait appel aux services de firmes de relations gouvernementales en plus d’avoir des lobbyistes à l’interne.
Au Québec, ceux-ci ont cogné à la porte de 47 institutions pour présenter leurs services, obtenir des contrats et parler d’expansion. Des joueurs clés comme Hydro-Québec, le Centre d’acquisitions gouvernementales, Investissement Québec et le ministère de l’Économie sont sollicités, entre autres.
Au fédéral, une cinquantaine de ministères et organismes sont approchés pour parler notamment d’enjeux de régulation, de commerce international et de développement économique.
Électricité à bas prix
Le Journal avait dévoilé en 2019, peu avant l’implantation du centre de données d’Amazon à Varennes, que l’entreprise bénéficierait d’ententes très avantageuses quant au prix de l’électricité et à la puissance fournie.
Comme pour les autres grands consommateurs d’électricité, le prix du kilowattheure pouvait être aussi bas que 3,95 cents à l’époque. En plus, Amazon aurait eu droit à un rabais sur quatre ans : 20 % la première année, puis 15 %, 10 % et 5%. Il faut noter que d’autres centres de données ont pu bénéficier de ce programme.
Hydro-Québec a aussi assumé les coûts de branchement au réseau, estimés à 2 M$, du centre de données de Varennes, comme prévu aux Conditions de service.
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