Allié historique de Moscou, l’hiver risque de faire mal aux troupes de Poutine en Ukraine
Gabriel Ouimet
Les bombardements russes ciblant les infrastructures énergétiques et civiles en Ukraine laissent présager le pire pour les populations locales à l’approche de l’hiver, même si l’armée ukrainienne devrait avoir le dessus dans les rares combats qui feront rage dans les prochains mois, soutiennent des experts.
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Avec les pluies glaciales, la neige, la boue et les grands froids, l’hiver est souvent venu à la rescousse de l’armée russe lors de conflits passés. Si bien qu’en Russie, l’hiver a un surnom: «général hiver».
«Pour les Russes, il y a une espèce de pensée magique quand on parle du froid et de l’hiver en contexte militaire. Les mois d’hiver sont vus comme des alliés parce que plusieurs armées ont subi d’énormes pertes en tentant d’envahir la Russie pendant cette période. On peut remonter à l’armée de Napoléon, en 1812, tout comme celle d’Hitler pendant la Deuxième Guerre mondiale», explique le vice-recteur associé à la recherche au Collège militaire royal du Canada et spécialiste de la Russie, Pierre Jolicoeur.
L’allié historique de Moscou pourrait toutefois lui fausser compagnie en Ukraine. Pour pouvoir profiter de l’hiver comme d’un allié, il faut être bien préparé et bien équipé, ce qui ne semble pas être le cas des troupes russes, souligne le professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes, Éric Ouellet.
«Le froid et la neige endommagent les véhicules et les armes. Il faut souvent se déplacer à pied, dans des conditions difficiles. C’est une réalité qui devrait particulièrement toucher les soldats russes parce que de nombreux rapports que l’on voit circuler indiquent que l’armée russe est très mal équipée pour affronter ces conditions», explique-t-il.
En plus de complexifier les manœuvres militaires, l’hiver affecte chacun des gestes du quotidien, poursuit-il.
«C’est compliqué de garder la nourriture au chaud, de prendre un bain, de dormir, etc. Les conditions sanitaires se détériorent, tout comme le moral des troupes. Les Ukrainiens devraient avoir le soutien de leur population sur certains de ces points cet hiver. Du côté russe, ça va passer par le gouvernement, mais Moscou ne prend pas soin de ses soldats», indique le professeur.
Dans ce contexte, les attaques d'envergures des deux armées devraient être plus rares pour la saison à venir, prédit Éric Ouellet.
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Moins de combats, mais pas moins de terreur
Il ne faudrait toutefois pas penser que l’armée russe prendra congé cet hiver. Dans les dernières semaines, Moscou a semblé mettre la table en s’attaquant aux infrastructures énergétiques et civiles en Ukraine, notamment avec les drones kamikazes iraniens.
Même si cette tactique n’a que «très peu d’utilité militaire», elle devrait se poursuivre dans les mois à venir, croit Éric Ouellet.
«Il faut s’attendre à ce que l’armée russe continue d’utiliser les drones et les tirs d’artillerie de la sorte, puisque ces attaques sont plus faciles à mener que des attaques au sol pendant l’hiver», avance-t-il.
Les autorités gouvernementales estiment que ces opérations ont déjà endommagé ou détruit plus de 40% du réseau énergétique ukrainien. Des coupures d’eau, d’électricité et de chauffage ont d’ailleurs été rapportées dans plusieurs villages de la région du Donbass, dans l’est du pays, ainsi que dans certaines localités au sud.
Ces coupures font craindre le pire, puisque les températures commencent à chuter en Ukraine et qu’elles devraient osciller autour de -15°C entre décembre et avril, avec des creux allant jusqu’à -30°C à certains endroits.
Les Ukrainiens se préparent au pire
Cette semaine, le maire de Kyïv, Vitali Klitschko, a appelé les habitants de sa ville à se préparer à un hiver difficile alors que des pénuries d’électricité, d’eau et de chauffage sont à prévoir dans la capitale ukrainienne.
«Nous faisons tout pour éviter cela. Mais soyons francs, nos ennemis font tout pour que la ville soit sans chauffage, sans électricité, sans approvisionnement en eau, et, en général, pour que nous mourions tous. L’avenir du pays et l’avenir de chacun d’entre nous dépendent de la façon dont nous sommes préparés aux différentes situations», a-t-il déclaré dimanche.
Bien que les autorités de la capitale prévoient déployer environ 1000 points de chauffage, ils pourraient ne pas suffire pour répondre à la demande dans cette ville de trois millions d'habitants. Des coupures de courant planifiées ont aussi débuté dans plusieurs régions du pays.
Le gouvernement ukrainien demande également à ses ressortissants de ne pas revenir chez eux cet hiver, non seulement pour leur santé, mais aussi pour la préservation des capacités du réseau électrique du pays.